Il ne comprend plus rien le gros, son copain s’est effondré d’un coup. Recroquevillé sur le bord du trottoir, il chiale la tête dans la main, comme un malheureux.
Ils jouaient tous les deux sur cette place, se coursant et s’esquivant, sans embêter personne, au contraire même, les gens les regardaient avec intérêt faisant cercle pour mieux admirer la maestria du geste de l’un et la force tranquille de l’autre. Le gros n’était pas peu fier d’être devenu une sorte de vedette locale, le temps de leur partie récréative. Et puis cet incident inexplicable, le cri des spectateurs, les sanglots de son pote et lui qui reste là, à ne savoir que faire.
Peut-être est-ce la chaleur, une insolation, il doit bien y avoir plus de trente degrés au thermomètre sous ce cagnard infernal. Il se sera trop démené et puis il faut voir comme il est fringué, serré dans son froc, on se demande même comment il y est entré. Et son tapis qu’il ne quitte pas une seconde, il l’agitait à droite, il l’agitait à gauche, tous ces mouvements inconsidérés par cette canicule, tu m’étonnes qu’il soit épuisé.
C’est ça, il est extrêmement fatigué, il va se reposer dans ce coin d’ombre et puis nous allons reprendre notre jeu, à moins que ses copains veuillent s’amuser avec moi en attendant. J’en aperçois qui arrivent en courant, ils agitent les bras pour me faire signe, pas de doute c’est bien à moi qu’ils s’adressent. Ils se déploient en cercle, eux aussi ont apporté leurs tapis.
Repose-toi mon vieux Paco, je fais une partie ou deux avec tes amis et dès que tu as retrouvé la forme, nous terminerons ce que nous avons commencé. Je devine les spectateurs qui s’impatientent, tu les entends, ils crient « Olé ! ». Quelle belle après-midi.