A travers une gigantesque enquête auprès de 150 000 consommateurs dans 14 pays dans le monde, dont plus de 8 000 en France, le cabinet Bain & Company dresse, dans un nouveau rapport de 60 pages, un état des lieux instructif de la loyauté parmi les clients de la banque de détail. Morceaux choisis...
Le premier enseignement à retenir de l'étude de Bain & Company est que, au fur et à mesure de la généralisation des services de banque mobile, ceux-ci deviennent un facteur important d'amélioration de la loyauté des clients. Cette observation est particulièrement sensible aux États-Unis, où les fonctions sophistiquées (notamment le dépôt de chèque à distance, par photographie) sont particulièrement appréciées, même si elles ne sont pas les plus fréquemment utilisées.
Avant d'aller plus loin dans les résultats de l'étude, un petit mot sur la notion de loyauté, qui est mesurée ici par un indicateur simple, le "Net Promoter® score" (NPS®). A la base, celui-ci consiste à faire noter entre 0 et 10 la probabilité pour le consommateur, à l'issue d'une interaction avec sa banque, de recommander celle-ci à ses proches. Le score lui-même est établi en faisant la différence entre les "promoteurs" (note de 9 ou 10) et les "détracteurs" (note entre 0 et 6).
De fait, en France, ce sont les services sur Internet qui restent les plus susceptibles d'influencer la propension à recommander une banque à ses relations. La raison n'en est pas un usage moins important de la banque mobile (qui concerne 26% de nos compatriotes, en ligne avec la moyenne européenne, contre 32% aux États-Unis) mais bien plutôt l'absence d'effet "wow" dans les services proposés aujourd'hui par les établissements de l'hexagone.
Pourtant, il ne suffit pas d'offrir des services mobiles (ou sur internet) pour ravir les utilisateurs. Ainsi, bien que les populations les plus aisées en soient (logiquement) les premières utilisatrices, leur "Net Promoter® score" s'avère souvent inférieur à la moyenne (sauf dans les pays asiatiques et émergents où ces clients bénéficient d'un traitement de faveur). La France est même, de ce point de vue, en toute dernière position parmi les 14 pays couverts par l'étude.
Il est vrai que les français ne sont globalement pas tendres avec leurs institutions financières : le score moyen de -13% qu'ils leur attribuent fait partie des plus bas et une analyse détaillée des 12 banques les mieux représentées dans le panel de l'enquête fait ressortir que seules 3 d'entre elles obtiennent un score positif (Boursorama, avec une première position impressionnante, suivie de très loin par le Crédit Mutuel et la Banque Postale).
Mais le plus inquiétant est le score abyssal obtenu par les établissements français auprès de leurs clients affluents : à -24%, il est le plus bas dans le monde à la fois en valeur absolue et en différence par rapport à la moyenne tous segments confondus. Or, il est évident que cette partie de la clientèle est la plus critique pour les revenus des banques, les rédacteurs de l'étude évaluant à au moins 10 000 USD le surcroît de valeur d'un "promoteur" par rapport à un "détracteur", dans cette catégorie.
Alors, que faire pour améliorer la situation ? Bain & Company recommande "simplement" de différencier les approches en fonction des typologies de client. La première étape est d'évaluer la satisfaction (et la loyauté) et les facteurs qui l'influencent le plus, ainsi que le coût des services apportés, par grande catégorie. Une fois cette mesure réalisée, il faudra ensuite établir les priorités et les mettre en œuvre sans état d'âme.
Il n'est pas nécessairement question de facturer les services de base aux clients les moins rentables (comme sont tentés de le faire certains établissements), l'idée est plutôt de les amener à privilégier l'utilisation des canaux de libre service. Savez-vous par exemple estimer le coût d'une interaction ? D'après l'étude, une transaction de routine coûterait en moyenne 4,25$ en agence et 2,40$ en centre d'appel, contre 0,20$ sur internet et 0,08$ sur mobile.
Voilà le moyen de réaliser des économies sensibles et d'en reporter les bénéfices sur l'investissement ("à outrance") à destination des clients aisés. Car ces derniers attendent d'autres services. S'ils sont largement utilisateurs du web et du smartphone pour les opérations élémentaires, ils demandent (toujours) une relation étroite avec un conseiller compétent et, à l'occasion, avec des experts qualifiés, lorsque leurs besoins sortent de l'ordinaire.
Au final, c'est donc (comme toujours) une vision de la banque réellement multi-canal qui émerge de la réflexion. Cependant, dans celle-ci, chaque canal, même s'il est parfaitement intégré à l'ensemble, est spécifiquement adapté à certains types d'interactions et, plus ou moins directement, à certaines catégories de clientèle. Pour garantir le succès, il faudra surtout s'assurer que ces différents canaux sont d'accès simple et intuitif.
Alors, l'expérience (l'étude cite le cas de Coastal Federal, une Credit Union américaine) montre que les gains d'efficacité obtenus ne nuisent pas nécessairement à la satisfaction des utilisateurs, par exemple lorsque l'accès à des conseillers en vidéo leur permet de les contacter sur des horaires étendus. En effet, s'il est primordial d'"enchanter" les clients aisés, cela ne doit pas se faire au détriment de la qualité de service globale. Chacun pourra ainsi y trouver son compte...
Etude repérée grâce à M. Barbezat (B3B.ch). Merci !