Pierre Bergounioux dans Miette: « Le temps n’existe pas en soi mais toujours en un lieu qu’il baigne ».

Publié le 26 décembre 2012 par Donquichotte

Pierre Bergounioux

« Miette »

D’où m’est venue l’idée de lire Bergounioux ? Simple, j’ai vu son nom associé, dans des d’articles de presse (dans Le Monde des Livres, ou autre), à Michon, ou encore à Quignard. Cela m’a suffit.

J’achète au hasard ce livre « Miette ». Et dès les premiers paragraphes, je comprends que je viens de découvrir un auteur à part, et pour moi, un des miracles de la littérature. Pourtant, déplore Michon dans une entrevue, il est si peu connu.

Pourquoi est-ce que je m’emballe ainsi, et si tôt, je n’ai lu que 53 pages de « Miette » ? C’est simple encore une fois. Je suis happé par l’histoire, que je ne comprends pas encore bien au départ, il n’est pas question de Miette avant une vingtaine de pages, mais je sens ce qui me plaît déjà...

1- c’est mystérieux: les personnages, Baptiste surtout, sont étranges, indéchiffrables au premier abord ; oui, Baptiste, dont la violence, la fureur surtout, ne s’explique pas d’emblée...

« La violence dont il était capable, elle ne s’exerçait qu’à l’écart, dans la solitude, contre les arbres, les bêtes sauvages qui rongeaient le pied des arbres et peut-être, trois années durant, des hommes qui se comportaient comme des bêtes en furent-ils les victimes... Les rapides accès d’humeur, la sauvagerie qui lui venaient dès qu’il se détournait des hommes, je ne peux me les expliquer autrement que par la tension chronique de ses rapports avec les choses ».

2- c’est très concret: des listes de choses qui appartiennent à la ferme, aux instruments de ferme, aux décors anciens de ferme et d’atelier, et qui sont liées aux atmosphères de campagne... sont présentées d’entrée de jeu, et on se demande pourquoi il y en a tant et où est-ce que cela va nous mener.

« Le nettoyage d’une écurie ou d’une étable tire de l’ombre et des pailles des dizaines de mètres de chaîne, des anneaux d’attelage à étranglement, de l’épaisseur d’un pouce, des mords de fonte fine, des entraves pareilles à d’énormes menottes aux bords soigneusement adoucis, les tenailles à boules pour paralyser les taureaux ».

Les listes de choses sont précises, nettes, attachées aux personnages comme une deuxième peau, attachés aux décors comme des êtres vivants ;

3- le temps fait son œuvre: le temps, oui, ce temps qui ne passe pas, qui demeure dans la vie de Baptiste, qui le cloue à son travail, à son quotidien, qui le harcèle, qui envahit son humeur, son caractère... Baptiste est d’une férocité aveugle.

« Il allait droit au but. Il n’a jamais regardé à la peine qu’il se serait épargnée. Il ne pouvait pas. Elle revient à céder un surcroît de temps à la partie adverse et il n’avait pas le temps. Il versait le prix fort. Il procédait en force ».

Baptiste est d’une fureur de vivre, de faire, de tout construire, de bâtir, de manipuler... et rien ne freine cette ardeur. Il est tout d’une pièce, invivable on peut l’imaginer pour certain entourage, mais il est entier, entièrement furieux en toute occasion, au sens très précis suivant : la vie, les choses, le brûlent et il brûle la vie, les choses. Et le temps ne s’arrête jamais, Baptiste est le temps, il n’y a pas d’intercalaire, pas d’interstices, pas d’interligne, pas d’interruption dans le temps. Il n’y a que de la durée. Pas de morceaux de temps, des temps que l’on compte, que du temps qui dure et qui ne souffre aucune interrogation, aucune définition.

Le narrateur?

Et il y a ce mystère encore, dès l’incipit: qui est ce personnage, le narrateur, qui nous présente cette situation qui a ses racines dans le début de ce 20ième siècle, non, dans les 30 derniers siècles ? Oui, cette histoire est née d’un temps plus ancien encore; elle plonge ses racines très conservatrices dans les us et coutumes d’un autre temps, et qui persistent là dans le Limousin, dans la maison de Baptiste, de Miette, dans les choses familières.

Oui, qui est ce jeunot, qui raccorde des pièces d’un autre temps, ferrailles diverses soudées à l’arc, en désordre, mutilées, recombinées et qu’Adrien voit d’un mauvais œil comme si on mutilait sa vie propre, lui l’artisan qui usait ces pièces sur l’enclume, dans un autre temps ?

« Ce sont ses jeunes années, sa peine d’autrefois, s’il y a une place pour autrefois dans nos vies et nos peines aussi longtemps qu’on est en vie, c’est le monde de ses éveils, le premier et le seul, que je démembrais gaiement ».

Qui est le narrateur que la vie de cette famille (Baptiste, on l’apprendra, a une mère, Miette, qui a un mari, ce frère, Adrien et des sœurs, Lucie et Octavie, des petits enfants...) va intéresser et dont il retrace l’histoire, les histoires ? Pourquoi ? On ne sait pas encore pourquoi ; mais on est absorbé par ce qu’il nous raconte, ce qu’il voit, - les descriptions sont longues, minutieuses, précises, c’est sec comme du bois dur, mais c’est net – et on le sent, cela le touche profondément. Comment y arrive-t-il, à faire revivre ces histoires ? Par des photos d’abord, qu’il regarde avec beaucoup d’attention, et qu’il interroge ; ses souvenirs à lui sont si minces, il les connaît depuis peu de temps. Son œil voit ce qui a eu lieu, à défaut de l’avoir connu de visu. Les photos lui racontent ce qu’il peut imaginer. Il le voit aussi dans leurs choses, - laissées là inertes, en cette maison, la leur anciennement – oui, toujours ces choses qui tracent leurs vies, et dans ce temps, et dans leurs visages empreints des marques de ce temps. Il le voit parce qu’il le sent, tout comme moi, lecteur, je le sens dans les mots de Bergounioux, - rarement un auteur ne m’a fait voir une histoire par des « ressentis » dans la peau et l’âme aussi puissants – oui, il voit ce qui a eu lieu depuis plus de trente siècles dans une sorte d’union nature-culture, des choses et du temps, des manières acquises et naturelles, des vies possibles et non-possibles, des personnages indigènes et révoltés. Dans ces vies, a été acquis ce qui devait l’être, tout est venu si naturellement, au point où rien ne semble pouvoir être altéré. Le narrateur est presque hanté par ces vies qu’il montre, hanté au sens où il s’accroche à nous les décrire avec leurs caractères, leurs secrets qu’il devine, ou qu’il anticipe, leurs marques de vie qu’il perçoit dans les photos anciennes et récentes, sur les visages, sur les vêtements, sur les mobiliers qui les entourent, sur les choses même absentes, tellement il les sent très intimement. Le narrateur est l’auteur, on ne peut en douter, - il a vécu tout cela - c’est fou ce que je dis, je n’en suis, je me répète, qu’à la page 53 de ce roman.

Miette?

Puis, dans ce récit, arrive Miette, on devine qu’elle est le personnage autour duquel tout va, ou peut arriver. Elle est la mère de Baptiste, et d’Adrien, le frère, celui qui n’a pas le même caractère, celui que la fureur ne touche pas, celui qui va prendre le temps de faire des choses, d’apprendre, - on n’ose dire l’intellectuel, en tous les cas, on le dit artisan, il aime apprendre et expérimenter, découvrir – qui va se bâtir un métier (Baptiste n’en a pas, il s’est fait lui-même), une vocation d’artisan, une vie que le temps ne va pas briser. Il a le temps avec lui.

Miette a un mari, Pierre, un mari qu’on lui a imposé à l’âge de 20 ans - le destin anticipé des parents pour ces jeunes gens – on n’y échappait sans doute pas à l’époque, et qui a brisé le lien d’amour qu’elle tissait en son cœur avec un autre homme, le Borgne (le narrateur dit : appelons-le comme ça, puisqu’il n’avait qu’un œil). Ce « non possible univers » va marquer toute la vie de Miette. Cette réalité a persisté, on peut l’imaginer, à l’encontre du souhait le plus fervent de Miette. Et pourtant, il aurait pu en être autrement, et elle l’avait dit au moment de prendre mari – elle avait dit « non, et lui, le mari, l’avait entendu » – mais il n’a pu en être autrement. Sa vie avait été scellée dès ce départ. Pourtant, un jour, son mari, qui était allé à la guerre, au bout de 5 ans, revient ; il est marqué, il ne vivra pas longtemps ; Pierre est mort à 38 ans, Miette, elle, à 92. Après le décès de Pierre, le Borgne revient, et demande à Miette de reprendre le cours interrompu d’une vie pressentie et qu’elle aurait pu connaître avec lui, cette vie « non possible » brisée au moment du mariage imposé. Miette refuse... et le lecteur doit alors comprendre que ce qui avait été un « non possible » quelques 20 ans plus tôt, va se poursuivre... Le narrateur va sans doute nous dire davantage de choses sur cette vie de Miette, qui semble si peu commune. D’où vient cet entêtement de Miette à demeurer dans cette ligne de vie qu’on lui avait imposée, et refuser cette vie que lui offre le Borgne ?

Sur des photos anciennes, déjà le narrateur peut voir que Miette est une belle femme, singulièrement belle ; mais ce n’est pas ce qui la distingue à ses yeux, ni non plus sa longue robe sombre, très simple, ni le fin collier d’or qu’elle porte, qui la magnifient, « c’est le contraire, la force d’âme, la résolution qu’elle a eues, qu’elle incarna qui, littéralement, l’emportent au-delà d’elle-même et l’élèvent dans la grande temporalité ».

Jeanne?

Autre apparition dans ce début de roman : la femme de Baptiste, Jeanne, un être sorti d’une sorte de nulle part, - elle avait habité Paris, toute jeune, avec ses parents ; mais elle est aussi de la même région parce qu’elle est revenue avec ses parents habiter là, toute jeune, dans le village d’à côté; elle est du même monde que celui de Baptiste et de Miette. Mais elle est différente ; j’ai écrit de nulle part parce que je me demande bien ce qui les a rapprochés, elle et Baptiste. Baptiste, toute de fureur pas même retenue de vivre au quotidien, et concrètement, avec les choses, sa vie et son travail. Et elle, Jeanne, toute de retenue, sérieuse, enseignante six jours par semaine, et toute de travail qui ne souffre pas de relâche, elle enseigne le jour, contribue à nourrir ces enfants qu’elle scolarise, avec son revenu, travaille toutes les soirées à préparer ses cours, et corriger des examens, et garde son dimanche comme congé, un temps qu’elle comble indépendamment, librement... un temps que dans le couple mère-fils, Miette-Baptiste, on ne lui pardonne pas. C’est trop peu de fureur, trop simple, trop autonome ; elle est trop indépendante. Et pour ce, Baptiste doutera toute sa vie qu’elle l’a vraiment aimé. Ce n’est pas la bonne manière dans cette maison de Miette. C’est la guerre d’usure entre elle et Miette, c’est aussi une guerre d’envie et de jalousie pour Baptiste qui n’a pas « ce » temps, lui, pour lui, et qu’il ne demande même pas. Et pourtant Jeanne est une personne rieuse, très bonne, dit-on, primesautière, « sans l’ombre d’une ombre ».

Arrêt de lecture.

J’en suis là dans ma lecture. Je ne sais même pas si ces quelques 53 pages lues la nuit dernière, je les ai bien comprises. Mais je sais une chose : le récit de Bergounioux, ses textes, son écriture, sa langue, je dois m’arrêter pour les goûter doucement... et en savourer toute la magie. Je dis magie sans doute parce que le texte m’a accroché dès le départ, et que je suis resté médusé parfois, pas d’hébétude, mais d’empathie si proche. Oui, je m’arrêtais, tentais de comprendre pourquoi cela me plaisait autant, relisais des passages et les relisant, me disais que j’étais devant une écriture à nulle autre pareille, une langue riche et nette, un récit concret et sans artifices et effets de style. Oui, le style ? Qu’ai-je à dire de ce style ? Si peu de choses encore ; mais cela viendra, je le sais.

Je ne connais pas la suite, je ne sais même pas encore si j’ai bien compris ces personnages, ces vies... mais je sais que je continuerai de les découvrir. Tout arrivera au bon moment.

J’ai terminé la lecture de Miette, je relis brièvement ce que j’ai écrit hier, cela ne brouille pas mon anticipation, j’avais déjà compris plusieurs choses...

- Dont le narrateur ? Il a acheté cette maison où ont vécu Miette et tous les autres. Il est l’œil, et tous les autres sens, par lesquels nous découvrons l’histoire de ce lieu, de ce temps, de ces choses laissées là et qui ont marqué ce dernier siècle et les 30 autres qui l’ont précédé. L’écriture de Bergounioux nous fait vivre tout cela ; à petites doses, j’ai léché chacun des mots, chacune des phrases. J’ai été comblé.

- Dont ces questions : le « temps » et les « choses ». L’une et l’autre sont vitales pour comprendre ces gens, leurs histoires de vie.

- Dont celle-ci, plus importante, chez ces gens, dans ce lieu, et à cette époque... « Savoir n’est pas nécessaire. D’abord, ça suppose qu’on prenne du recul, qu’on s’arrête un peu et le temps manque. Il y a trop à faire pour qu’on s’offre le luxe de s’interrompre un seul instant. Les choses sont là, obstinées dans leur nature de choses, corsetées de leurs attributs, rétives, dures, inexorables. Elles ne livrent leur utilité qu’à regret. Elles réclament toute la substance des vies qu’elles soutiennent. Encore le temps dont celles-ci sont faites ne suffit-il pas toujours. Il faut y verser quelque fureur. C’est à ce prix qu’on demeure », à ce seul prix sans doute qu’on vit encore, et que la vie continue. « Supposons alors qu’ils aient vu ce qu’ils faisaient pour ce que c’était, le troc épuisant de tout leur temps contre la possibilité précaire de rester dans le temps. Eh bien, non seulement ils n’en auraient tiré nul profit mais cette connaissance, ce détachement, pour léger qu’il fût, leur aurait été très préjudiciable en l’absence d’alternative. Parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire que de continuer... » J’ai l’impression de voir là toute la vie de ces gens : le temps manque, et il faut continuer... tête baissée. La décision, ou l’immense précarité qui lui est liée, « de ne pas » n’existe pas. C’est ça la vie.

Miette a eu quatre enfants : Lucie d’abord, puis Baptiste, Adrien et Octavie. Mais il serait trop long de poursuivre dans cette voie, celle de rendre compte de toutes les histoires de ce livre. Elles sont nombreuses. Et surtout elles sont des vies que l’on pourrait dire exemplaires - au sens où elles sont des exemples type - pour cette époque ; mais toutes ces histoires montrent l’âme d’un monde millénaire sur le point de finir.

Dire "non": possible ou impensable?

Ainsi, pour Miette, ce monde « exigeait d’elle qu’elle répudiât son vouloir quand il n’épousait pas spontanément la volonté commune, la loi des choses, et elle voulut. Elle accepta ».

Ce « dire non » à un vouloir possible n’a pas été le seul lot de Miette. Jeanne de son côté, maîtresse d’école, instruite de tant de choses que son entourage ignorait, ne pouvait montrer son savoir, du mois l’exhiber comme quelque chose de supérieur – ex : son parler grammairien contre le patois des gens du pays – elle était bonne, et surtout, inapte au calcul et au soupçon. À sa façon, elle ne savait dire non, ni même se prévenir contre les meurtrissures infligées par sa belle sœur Octavie et sa belle-mère Miette.

Octavie aussi a dit « non  à une vie possible ». Instruite très tôt, elle a quitté son village, s’est enrichie de connaissances au lycée de Toulouse, puis bientôt à Paris où elle poursuivit des études universitaires. Elle était sur le point de quitter la France pour l’Amérique – qui attendait la « femme de science, savante » - quand son père, Pierre, lui rappela son devoir millénaire.

Adrien aussi, qui passa 40 ans de sa vie à Paris – il était tombé amoureux fou d’une parisienne – revint un jour au bercail millénaire.

Lucie, elle, avait calqué sa vie sur celle de sa mère. « Elle était, à la fin de sa vie, cassée en deux par les travaux de ferme ». Elle avait donné ce que l’état de bru réclamait des femmes de son époque.

Le « temps » les a tous attrapés, ou rattrapés quand ils essayaient de s’échapper. La boucle millénaire se bouclait dans le Limousin natal. Les "non" aux possibles et les "oui" à l’impensable se succèdent dans ces histoires qu’il est malaisé de bien comprendre. On ne peut rien expliquer.

Comprendre ces vies, ces choses, ce temps ?

Mais, comme le dit le narrateur (Bergounioux), « ce qui se passe, parfois, nous dépasse infiniment. On ne comprend rien au rôle qu’on va jouer. On n’a aucune idée de ce qu’on atteint, sollicite ou qui, à notre insu, nous meut, dirige les actes téméraires qu’on se surprend à esquisser, enchaîner sans qu’il semble qu’on y ait de part ».

Mais le plus souvent, je le comprends ainsi : ni le moment de comprendre, ni l’importance de comprendre, ni encore le vouloir comprendre n’arrivent au rendez-vous en même temps. Oui, il n’est pas toujours important, ni urgent, que nous sachions. Et comme le répète le narrateur, « il vaut peut-être mieux ne pas. (sorte de I Would prefer not) On ne ferait jamais ce qui nous incombe si l’on savait ce que l’on est en train de fabriquer ».

Ce que les protagonistes de ce roman comprenaient, ce que le narrateur, lui, a compris, et ce que le lecteur peut comprendre, n’ont aucune importance. On imagine ce qui s’est passé, chacun le fait à sa façon, et l’on aurait tort de penser qu’il pu en être autrement de ces vies vécues à la limite de vivre. C’est la destinée, la fatalité de trois mille ans. « Le temps n’existe pas en soi mais toujours en un lieu qu’il baigne ».

Et dans ces histoires-là, le narrateur n’était rien du tout, puisque, comme il le dit, « je n’étais pas venu pour les choses ».

Oui, comme elles apparaissent mystérieuses, odieuses et cruelles parfois, ces « choses » que Bergounioux apporte, présente, inscrit, dans le récit. Ainsi, à propos de Octavie, et lorsque sa vie s’achevait, au moment d’une dernière photo, le narrateur aime imaginer que celle-ci « retrouva le visage que des inconnus lui avaient vu, un matin, à Paris, - c’était au moment de son départ possible pour l’Amérique – avant qu’elle ne revînt, le soir même, parmi les choses qui l’attendaient pour la briser ».

Je me dis, je me résume simplement et je l'imagine ainsi : il est écrit que, quand les choses sont là, le temps est venu qu’elles viennent, et que les gens les adoptent. Mais la question pour moi se pose toujours de savoir s’ils auraient pu "ne pas". Dans le cas très précis de ce récit, il semble bien qu'à la fin, chacun, - Baptiste, narrateur, lecteur - l’a vu ou pressenti: l’aliénation de trois mille ans dont ces personnages sont l’incarnation allait se rompre. Amen.

Quand le narrateur était monté de sa sous-préfecture (c’est tout ce qu’on sait de son métier d’avant qu’il ne vienne sur le plateau du Limousin), « avec l’air, la carrure et la tenue d’un gandin de sous-préfecture », il avait compris, quand il découvrit d’un seul coup, « la maison à travers la bourrasque, l’or d’une lampe derrière la fenêtre, ce que c’est que vivre, agir, la terreur et, peut-être, l’espoir, le temps, maintenant ».

Irais-je sur le plateau du Limousin voir ce qu’il en est ?