En fait, ce roman vaut essentiellement par sa langue très poétique, mélange de français et de créole, qui lui donne un souffle épique.
On ne comprend pas forcément mot à mot chaque phrase mais on se laisse emporter par ce rythme haletant qui reproduit celui de la course du vieil esclave.
Ces mots créoles sont d’une grande beauté, avec des sonorités exotiques qui font parfois penser à des onomatopées, et qui se mêlent harmonieusement au français et à la syntaxe très sophistiquée de Patrick Chamoiseau.
En ouvrant ce livre on a l’impression de pénétrer dans une jungle dont chaque phrase est une liane ou une racine.
Au-delà de la langue, l’histoire ressemble à un conte, et est plus proche du mythe que de la réalité.
Je pense que les amoureux de la langue française et les amateurs de poésie seront enchantés par ce livre mais que les esprits plus pointilleux ou plus terre-à-terre trouveront la lecture difficile.
Du temps de l’esclavage dans les isles-à-sucre, il y eut un vieux-nègre sans histoires ni gros-saut, ni manières à spectacle. Il était amateur de silence, gouteur de solitude. C’était un minéral de patiences immobiles. Un inépuisable bambou. On le disait rugueux telle une terre du Sud ou comme l’écorce d’un arbre qui a passé mille ans. Pourtant, la Parole laisse entendre qu’il s’enflamma soudain d’un bel boucan de vie.