Raging Bull (1980) de Martin Scorcese par Cyril Tuloup

Publié le 26 décembre 2012 par Flow

Raging Bull.

(réalisé par Martin Scorcese)

Le film de boxe en noir et blanc de Martin Scorcese est aujourd'hui reconnu comme un pilier du septième art. Si le film est difficile dans sa violence, il témoigne d'une intelligence rare.

Raging Bull retrace la vie de Jack la Motta, le boxeur qui n' a jamais été mis KO. Les scènes de combat marquent considérablement le film même si elles n'en constituent qu'une quinzaine de minutes. Les autres scènes se concentrent sur ses relations avec son frère (son entraîneur), sa femme et le monde de le boxe. Le réalisateur parvient donc à réaliser un biopic qui s'intéresse à la fois à la douleur physique et à la douleur morale. Les scènes de disputes avec sa femme, où les insultes résonnent comme des tonnerres de violence, traduisent le sentiment humain du non pouvoir. Tout est remis à égalité et le constat est le suivant: les hommes et les femmes n'exercent aucun pouvoir l'un sur l'autre, et ils en souffrent. Scorcese, qui a été tout au long de sa carrière fasciné par la chute des personnages, construit son récit avec le même schéma narratif: L'ascension, la chute, la reconversion.

Critique Sociale.

Raging Bull n'est pas un film qui s'apprécie facilement. Il est d'une violence singulière, crue, et bien que le noir en blanc nous évite les litres d’hémoglobine qui jaillissent du Ring, la douleur qui s'inflige sur le visage du boxeur est terrifiante. Sans joueur sur la couleur, le réalisateur parvient à centrer le regard sur Jack et son entourage, à donner un véritable caractère à l'image. La Motta est un personnage autodestructeur qui est capable d'endurer ce qu'il y a de plus éprouvant dans la vie. Il refusera de se soumettre à la pègre qui arrange les combats. «C'est moi qui me casse le cul! Ils veulent voler mon pognon?» lance t-il à son frère (Joe Pecsi) alors que ce dernier rencontre les hommes d'affaire. Le film produit ainsi une vive critique de l’appropriation du travail d 'autrui par le commerce et notamment la mafia. Il lutte pour son indépendance jusqu'à apprendre que, s'il désire mettre la main sur la ceinture du champion, il devra suivre la politique des messieurs. Mais la consécration tournera à la tragédie. Après avoir remporté le titre, il perdra un combat puis mettra un terme à sa carrière de boxeur, il perdra sa richesse et sa femme, puis deviendra homme du rire dans son night club.

Survivre au destin.

S'il est autodestructeur, violent, agressif, Jack La Motta n'est pas quelqu'un de mauvais. Le film est l'histoire d'une lutte contre soi même, il présente la vie comme un combat incessant où il ne faut jamais se coucher. L'individu sera toujours en conflit avec lui même et le monde qui l'entoure, son existence est le combat le plus dur à mener. Mais il faut apprendre à aimer ce combat, à accepter les évènements de son existence, comme a pu le dire le philosophie allemand Friedrich Nietzsche dans le Gai Savoir. Confrontant souvent Jack en face du miroir, le film appuie la relation d'un homme avec son image projetée. Pourquoi l'homme ne s'accepte t-il pas ? Jack finira par ouvrir les yeux sur lui, à admettre une certaine paix intérieure et à devenir sage.

Raging Bull est sans doute le film de Scorcese le plus difficile à encaisser. Si sa filmographie nous a ensuite offert des films aux bandes son électriques et jouissives, Raging Bull joue vraiment dans la noirceur. Mais le film est une longue et magnifique lutte contre le désespoir. On retrouve au casting l'excellente tronche de Franck Vincent qui a vraiment le physique du mafieux, et les célèbres Joe Pecsi et Robert de Niro, toujours au sommet de leur art. Il est enfin important de préciser que le film a été tourné alors que le réalisateur traversait le pire moment de sa vie, trouvant dans l'histoire du boxeur comme un alter égo. Raging Bullétudie le difficile rapport entre un homme, ses ambitions, sa volonté, et un monde extérieur qui ne lui répond rien.

Cyril Tuloup

Note: