Moi et le Grand Robert, vous le savez, c’est presque une histoire d’amour. Amour platonique comme il se doit, tout en mots échangés. Toujours il sait me dire les mots doux quand le verbe me manque, les définitions exactes quand l’interrogation m’étreint, dialogue à sens unique en fait puisqu’il a chaque fois le dernier mot.
Plus d’une fois je me suis surpris à ronchonner in petto, « Je l’aurai un jour, je l’aurai ! » et le jour est venu. Je l’ai amené sur mon terrain lentement en évoquant le terme néologisme. Ni une, ni deux, il m’a livré sa définition, emploi d’un mot ou d’une expression dont la forme est soit créée, soit obtenue par déformation, dérivation, composition, emprunt. Je ne suis pas si inculte, pour ne pas connaître le sens de ce mot, j’ai hoché la tête d’un air entendu et de connivence, du genre qui veut dire, c’est exact, c’est bien le sens de ce nom.
J’ai reposé le tome IV du dictionnaire et d’un air détaché autant qu’innocent, m’emparant du tome VI, j’ai recherché le mot « Watture ». Je souriais en moi-même car j’étais certain de le coincer. Le Grand Robert n’avait plus assez de mots pour me répondre, il ne trouvait plus ses mots ou du moins il ne trouvait pas MON mot. Enfin, je lui avais cloué le bec à monsieur je-sais-tout. Un soulagement en forme de revanche, mais une victoire facile je dois l’avouer.
En fait il s’agit d’un mot tout neuf, une création récente, un néologisme de l’année et pour tout dire cette « Watture » est le néologisme couronné vainqueur pour l’édition 2012 d’un concours organisé annuellement par le Ministère de l’éducation nationale, celui de la Culture et le magazine Lire auprès des élèves des écoles. La lauréate est élève dans l’Ain et son mot « watture » désigne une voiture fonctionnant à l’électricité. Personnellement, je trouve le terme carrément génial. Pour information, il succède à « attachiant » (personne difficile à vivre mais dont on ne peut se passer) vainqueur en 2011 ou encore « phonard » (personne qui abuse de son téléphone mobile) précédemment.
Au fait, le Grand Robert m’a pardonné ma petite entourloupe, nous restons donc bons amis.