Le " Supplément d'âme " de Jean-Philippe Viret emporte le Café de la danse

Publié le 25 décembre 2012 par Assurbanipal

Jean-Philippe Viret Quartet

" Supplément d'âme "

Paris. Le Café de la danse.

Vendredi 21 décembre 2012. 20h.

Jean-Philippe Viret: contrebasse, composition, direction

Eric-Maria Couturier: violoncelle

David Gaillard: violon alto

Sébastien Surel: violon

La photographie de Jean-Philippe Viret est l'oeuvre de l'Accordé  Juan-Carlos Hernandez. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Rubrique People: Emmanuel Bex et Edouard Ferlet, le producteur de cette musique, sont au nombre des spectateurs ce soir.

Rubrique technique: dans le quatuor à cordes de la musique classique, il y a un violoncelle, un violon alto et deux violons. Dans le quartet à cordes de Jean-Philippe Viret, sa contrebasse remplace un violon. Comme l'âme (pièce qui, après le chevalet, transmet les vibrations dans le corps de l'instrument à cordes) de la contrebasse est plus grosse que celle du violon, le nom du quartet " Supplément d'âme " s'explique aisément. Rien de prétentieux là dedans. Un simple constat technique.

Un air romantique, hivernal pour commencer. Logique pour le jour le plus court, celui de l'Apocalypse (la 182e repértoriée par les historiens européens). Seul le contrebassiste joue sans archet. Ca berce l'âme comme une douce vague. Au tour de la contrebasse d'exposer le thème à l'archet alors que le violoncelle est pincé délicatement. Le thème passe ainsi de musicien en musicien. De gauche à droite de la scène, vu du public, se trouvent le violon, le violon alto, la contrebasse et le violoncelle. Un vrai silence avant les applaudissements. C'est de la musique de concert, pas de café. 

Le violoniste commence seul. Puis le violoncelliste et le contrebassiste lui répondent vivement et gravement à l'archet. Deux couples se font face: violon-alto, contrebasse-violoncelle. Ca glisse d'un côté, ça gratte de l'autre. Ensuite ça tapote à gauche avec les mains sur les corps des instruments alors qu'à droite contrebasse et violoncelle filent doux sous les archets. Ca repart à nouveau avec les deux couples précités. La tension monte. L'héroïne sera t-elle délivrée à temps du dragon par son preux chevalier servant? L'alto le fait arriver à grandes chevauchées triomphantes. C'est lui qui conclut. J'en déduis que le chevalier est arrivé à temps.  

C'était " Justice " puis " Esthétique ou pathétique? ".  Voici une nouvelle composition de Jean-Philippe Viret " Le rêve usurpé ".

Solo de contrebasse à l'archet pour commencer. Sombre, dense, majestueux. Le violoncelle lui répond en partant de son point d'arrivée. Puis les deux violoneux enchaînent. Le quartet reprend. Cela fait une grande caresse qui nous berce. JP Viret reprend en pizzicato en duo avec l'altiste. Cela devient plus Swing, plus Jazz. Ca bataille joyeusement à qautre entre romantisme et jazz. Ils reviennent au romantisme glissant doucement vers le final. Ca c'est de la maîtrise. 

" Les barricades mystérieuses " pièce pour clavecin de François Couperin (1668-1733) arrangée par JP Viret qui y voit une évocation des dessous féminins. Jolie définition. " J'avoue de bonne foi que j'aime mieux ce qui me touche que ce qui me surprend " (François Couperin).  S'il est possible d'avoir les deux en même temps, c'est encore mieux mais, à défaut, je partage cet avis. Un morceau touché par la grâce où tous commencent en pizzicato. Tout se balance doucement comme une escarpolette pousée doucement par un galant derrière une jeune fille en fleur. Un pur délice. Je hoche la tête de contentement, de joie béate. Les musiciens restent en pizzicato, violon et alto sonnant comme des mandolines alors que contrebasse et violoncelle gardent le tempo. Un très joli exercice de style: une fantaisie galante à cordes et sans cri. L'alto repart à l'archet planant au dessus de la rythmique. Contrechant du violon à l'archet, à son tour. Le contrebassiste tient le tempo dans ses mains alors que ses trois complices glissent, subreptices. Cela sonne Français, Grand Siècle et d'aujourd'hui, bref intemporel. Le supplément d'âme n'est pas que matériel dans ce quartet.

Un morceau rapide, grave où tous commencent à l'archet. La course du chevalier pour délivrer sa belle a repris. Au loin résonne l'écho d'une noce. Va t-elle épouser celui qu'elle n'aime pas? Diable! Ca bataille ferme. Le chevalier affronte de fiers adversaires. Des petits tapotements discrets. Le chevalier essaie de se faufilerjusqu'à sa bien aimée. Le chant triste de la belle s'élève pour l'appeler (alto). Le chant à l'unission du final me laisse espérer qu'ils se sont retrouvés. 

" Pierre Daura " composition de JP Viret en hommage au peintre. Dieux que le spectateur est mal assis au Café de la danse! Cela vous brise le dos et les jambes. Certes la musique élève l'âme mais le corps a ses exigences. La musique est une ballade qui s'étire paresseusement comme un fleuve. La Loire dans ses îles et ses méandres. 

Un morceau rapide lancé sur la contrebasse à l'archet. Les autres instruments enchaînent. Ca y est c'est la danse nuptiale des amoureux enfin réunis. La noce peut commencer. Du sentiment, de l'action, du mouvement, de l'émotion. Ce concert est digne d'un roman d'Alexandre Dumas, un de mes écrivains favoris, lectrices lettrées, lecteurs érudits. Les archets glissent délicatement, le solo du contrebassiste à mains nues est tout à fait Jazz. La sarabande reprend. C'est la noce au village. Au violon alto de mener la danse et prestement même. Retour au calme pour un moment d'étreinte des jeunes époux. La danse revient vite. Le public, enthousiaste, tape des pieds et des mains pour obtenir un rappel.

RAPPEL

Suivant l'usage des musiciens classiques, c'est un bis. Ils rejouent " Esthétique ou pathétique ". Trois des musiciens de ce quartet jouent habituellement du classique. La voix de la majorité l'a emporté.

Un premier concert de ce quartet m'avait déplu. L'album me charme et ce concert m'enchante. Est ce moi, la musique ou les deux qui ont évolué? Ce qui est certain, c'est que la richesse, la finesse de cette musique méritent plusieurs écoutes attentives. Je compte sur vous pour vous y employer séance tenante, généreuses lectrices, munificents lecteurs.

Tout cela est mené de main de maître par le contrebassiste Jean-Philippe Viret. Pour découvrir l'homme et l'artiste, voici son portrait.