Marseille et les démagogues

Publié le 25 décembre 2012 par Pseudo

Nanard s'est donc refait une santé ! On l'a enfin, le challenger de Gaudin. A gauche — chez les officiels et les marquis en jabot rose tout du moins — ça se pisse dessus. Ils connaissent la bête, l'ont vue à l'œuvre sous le règne de Tonton : la mâchoire broie tout ce qui passe à portée, tout, et le menu fretin en redemande! Le sourire, la gouaille, le bagout et ce culot surtout, à décorner tous les cocus de Hollandie : le menu fretin a beau se faire mettre jusqu'au colon, il en redemande.

Ils savent tout ça les marquis roses. Tonton, selon ce que nous dit Séguéla — qui n'est pas qu'un jean-foutre — l'aurait avoué en son temps : « Tapie, l'avoir avec soi c'est difficile, mais l'avoir contre soi c'est pire... » Alors les sueurs leur viennent, aux prétendants socialissimes : comment piquer le fauteuil du vieux Gaudin avec cet ogre dans la place ?

Surtout que l'ogre est bien capable de s'aboucher avec les dévoyés du clan local, ceux qui font si honte à la famille rose et lui pètent la réputation, les Guérini et consorts. Depuis le temps qu'on les traîne devant les tribunaux, ceux-là, et qu'on leur trouve l'odeur maffieuse, comment ne rumineraient-ils pas une amère vengeance ? Et Nanard, ce ne sont pas les réputations sulfureuses qui lui font peur !

A droite le vieux Gaudin fait sa bravache. Mais ses rodomontades torse bombé ne trompent guère : après lui le déluge ! Son œil qui rit contredit ses bruits de bouche. L'ancien n'a rien préparé pour sa succession, comme s'il était moins insupportable d'abandonner le sceptre à l'ennemi plutôt qu'à un jeune trou-du-cul de sa propre famille. Un de ces pâlots qui n'ont qu'à mettre les pieds sous la table, mais font la fine bouche sur l'héritage !

Alors, la famille... Comme ce Muselier, bien prétentieux fut un temps, et qui a fini par laisser tomber : voilà qu'il est devenu la première groupie de Nanard sur la Canebière ! Comment compter sur des types comme ça ? Avec Guérini, au moins, on se comprend, on peut dealer, comme deux vieux renards dans la basse-cour. Ça peut même finir par rapporter des sous à la ville...

Il reste l'autre droite, celle de la Marine. Et là, comme chez les apparatchiks roses, le retour du pirate millionnaire risque bien de créer la panique. Nanard et elle ont la même clientèle. Mais lui peut l'élargir plus qu'elle : il peut mordre plus facilement sur le bataillon des déçus et protestaires de gauche qui hésiteraient à franchir le Rubicon du vote Front national, et surtout, il dispose d'une armée de réserve dans les banlieues infréquentables et les communautés d'immigrés. Parce que pour savoir les mobiliser à son profit, on peut lui faire confiance !

Et voilà comment, par la vertu du coup de poker d'un esbroufeur, on zappe tout d'un coup de Lille à Marseille ! Pour assister au remake (version avé l'assent) du mélenchonesque combat contre le dragon terrible — le FN, pour faire simple.

Car c'est bien un autre Mélenchon que la fatalité nous expédie, comme un fléau qui manquait encore à Marseille. Un Mélenchon venu de l'affairisme, mais un Mélenchon tout de même, creux comme un tambour, qui ne sait que rouler, rameuter, briser les murs... et brandir un poing rageur sur le tas de ruines qu'il a créées. A la différence notoire que le premier n'est qu'un Le Pen postillonnant de gauche, un Matamore, alors que l'affairiste, lui, a la vigueur pour forcer le passage et s'emparer du trône.

Pour n'en rien faire, bien sûr. Comme tous les démagogues que la Terre a portés. Car le propre des démagogues, c'est que leur habileté à tromper le monde est aussi grande que la vacuité de leur leadership. Ce ne sont, au mieux que des bouffons stériles, au pire des fossoyeurs.

Il ne manquait que Tapie à ce sud caricatural parti à la dérive, telle une Corse que sa propre corruption engloutit. Là où il aurait fallu un Mario Monti, c'est un Berlusconi à costard rayé et gourmette qui vient s'acheter une clientèle.

Aux dernières nouvelles, Patrick Menucci, prétendant officiel de la gauche endimanchée à Marseille, vert de trouille, chicane la légalité de l'achat de la presse d'Hersant par Tapie. Pauvre innocent ! Tu pourras toujours user de complicités opportunes, au gouvernement, au Parlement, à la Justice, dans les banques, tu n'abattras pas l'ogre si facilement — demande à Montebourg, lui et son cabinet ont tout tenté pour barrer la route au requin, ils se sont fait envoyer dans les cordes.

Si tu en as un peu, laisse tomber ces artifices de pétochard chicaneur, et accepte plutôt de l'affronter de face. Tu ne gagneras pas forcément, mais tu pourrais en sortir grandi. On verrait si tu as un peu de courage, et c'est bien ce qui manque le plus à cette pauvre ville.


(Crédits photos, de haut en bas : Bernard Tapie © La Provence ; Jean-Noël Guérini © Anne-Christine Poujoulat/AFP ; Jean-Claude Gaudin © AFP ; Renaud Muselier © François Guillot/AFP ; Marine Le Pen © lyonne.fr ; Jean-Luc Mélenchon © Bertrand Guay/AFP ; Patrick Menucci © Christophe Morin/IP3 Press)