Finies ou presque les errances instrumentales et bruitistes, Nôze fait désormais dans la chanson. Comme ils avaient pu le faire sur certains de leurs meilleurs morceaux (« Love Affair », « Kitchen » ou l'imparable « Remember love » - « N°1 techno track of 2007 » d'après le très influent Pitchfork et présent ici plus d'un an après sa sortie en maxi), Nicolas Sfintescu et Ezechiel Pailhes, sans se prétendre chanteurs, donnent de la voix avec une énergie hors du commun, passant de l'éructation façon cancer de la gorge à des choeurs moelleux et funky. Leurs paroles témoignent d'un esprit potache attachant, dénué de toute sophistication, entre incitation à la beuverie (« You have to dance to this / You have to drink all night ») et enfantillages dadaïstes. La palme de l'absurdité revient à « L'inconnu du placard », Vaudeville sonore sans queue ni tête qui décape d'emblée les écoutilles : « Quand je te vois le matin / Mon amour / Tous les jours / Je bois du vin »... Si le duo insiste lourdement dans cette veine paillarde, il se permet cependant un détour par la chanson d'amour, sur le très sensuel « Danse avec moi ». Pour l'occasion, ils invitent la délicieuse Dani Siciliano, souvent entendue avec Matthew Herbert, à chanter en français avec son sensuellissime accent. Et puisqu'on parle d'Herbert, la prod luxueuse de ce titre, avec ses cordes enveloppantes, rappelle incontestablement les grandes heures du magicien britannique, à l'époque où il sévissait sous pseudo Doctor Rockit.
Difficile, par ailleurs, de caractériser le son de Nôze, conglomérrat de micro-house, d'eurodance, de musette, de jazz éthiopien (« Ethiopio »), de chants slaves et de blues (« Childhood blues ») – plus disparate tu meurs... Boris Eltsine, qui nous lit sûrement depuis le paradis des ivrognes, n'aurait certainement pas dédaigné entonner, visage écarlate et haleine au kérozène, les airs russisants de « You have to dance » et « Little bug ». Des titres qui gravitent - je sais, c'est improbable - entre « Le petit bonhomme en mousse », « Kalinka » et la minimale allemande.
Je ne vais peut-être pas me faire des potes en disant ça, mais lorsqu'on voit l'énorme buzz que suscitent des albums médiocres comme le dernier Hot Chip, on ne comprend pas comment des artistes aussi brillants que Nôze peuvent rester aussi confidentiels.
En bref : Deux doux dingues parisiens se brisent les cordes vocales sur des rythmiques minimales avec une paillardise que l'on jugera, au choix, géniale ou affligeante. Un album qui ne ressemble à aucun autre.
A noter : En live, l'hystérie de Nôze est décuplée, comme j'ai pu en juger lors d'un mini-concert à la Bellevilloise. Ne ratez surtout pas leur prochaine apparition, le 16 mai au Bataclan ! Nos amis québecquois pourront quant à eux les voir le 30 mai au festival Mutek de Montréal.