'est quand même tout à fait désolant, la fin du monde n'a pas eu lieu, alors que nous avions des moyens médiatiques sans précédent pour la couvrir et la commenter, en direct ou en différé. Voilà qu'elle nous coupe l'herbe sous les pieds après s'être faite annoncer par les Mayas, les Hopis et les Bugarachois.
Il y a quand même un laisser-aller inédit dans tout cela et c'est un peu de notre France, de notre âme à tous, qui s'en vont alors que le jour se lève courbatu sur un week-end ordinaire claquant ses volets et branchant sa radio pour subir la morne voix du monde d'après.
Longtemps je me suis levé de bonne heure, mais là franchement je tapote sur le clavier sans conviction, au fond de mon lit à onze heure du matin. Nous avions lancé une randonnée dans le monde d'après la Normandie. Départ 9h zéro, zéro; dénivelé 300m ; durée 5h25 ; niveau : difficile. Étaient même prévu un repas sans viande et des exercices pratiques avec un compteur Geiger que Gégé notre guide avait acquis au Bon Coin après l'affaire Fukushima qui promettait déjà une belle fin du monde.
Nous pensions même à organiser une razzia-Carrefour les jours suivants, si la situation perdurait. Je sais ce qu'il est advenu durant l'an Mil, une des premières fins du monde sérieuse. Fuites, folie, pillages et massacres ont été au rendez-vous, sans coup férir. On a beau dire, la foi ça a du bon. A l'époque on était croyant, fermement et de père en fils, voire en fille. La fin du monde ne lambinait pas avec des chrétiens aussi fervents. Résultat, des villes en flammes, des saccages, des viols collectifs sur fond de chairs grillées et d'horizon sanglants. Il y a certaines vérités qui doivent être dites.
Aujourd'hui, trois milliards de personnes patientent en cinémascope et la fin du monde plante tout le monde. Non, franchement, je suis déçu.
A moins qu'elle n'ait été mal conseillée ou prise de doutes. Avec tous ces calendriers, ça peut se comprendre. Et les organisateurs fiables d’événementiel ça ne court pas les rues, il faut bien le dire.
Même entre eux, ils le reconnaissent. C'est un journaliste incontesté qui vient de dire que les patrons de presse étaient tous mauvais, et les dirigeants de télés ou de radios prennent des motions de défiance et des journées de grève dans les dents, à tous bout de champ.
Il faut en revenir aux fondamentaux. Une bonne guerre mondiale y a pas mieux, avec la sophistication actuelle de l'armement, couplée aux dérèglements du climat et aux appétits économiques libres de pousser les feux de la guerre pour s'enrichir.
Je conseillerais juste aux responsables de proscrire, voire d'interdire le commentaire sur l'ensemble de l'infosphère. Le doute fléchit les volontés les plus affirmées, le dénigrement décourage les âmes les plus enthousiastes. Du secret et des questions, voilà la potion magique a ingurgiter avant une fin du monde qui se respecte. Une petite vague de suicide ne peut que donner envie et quelques meurtres en série judicieusement répartis sur la planète dégonfleront les dernières résistances.
S'il vous plaît, sortez des vieux schémas. Il faut en finir avec les experts auto-proclamés certifiant la venue de la fin du monde, ou le supposé contraste porté par un discours d'Obama sur l'Amérique sauvant le monde. Depuis le temps plus personne ne croit aux experts et les américains eux-mêmes n'attendent qu'une chose des discours présidentiels : la fin.
Il faut innover, voilà tout. La fin du monde, chacun doit y participer. Elle doit être dans toutes les têtes parce qu'elle aura envahi nos rêves. C'est une philosophie de la vie, une culture. Le XXIème sera apocalyptique ou ne sera pas. Il faut avant tout y croire.