Voici une décision qui figurera certainement dans le top 10 du grand n’importe quoi des décisions politiques des Démocrates, même si elle favorise le pays de « notre ami le roi ».
Au moment où le chômage ne cesse d’augmenter, où on affiche une prétendue volonté de lutter contre les délocalisations, voilà que le gouvernement décide d’accorder un prêt à Casanearshore, une zone franche marocaine qui emploie des sous-traitants de grands groupes français. Le 12 décembre, à l’occasion du déplacement du Premier ministre Jean-Marc Ayrault au Maroc, l’Agence française de développement (AFD) a annoncé la signature avec le MEDZ (filiale de la Caisse des dépôts et de gestion marocaine) d’une convention de prêt de 100 millions d’euros destinés au refinancement des activités de délocalisation développées à Casanearshore.
Champagne! Pour le MUNCI, principal syndicat d’informaticiens français, « La France est en déficit, des mesures d’austérité (notamment budgétaires) sont imposées à tous, le chômage progresse fortement dans notre pays, y compris dans l’informatique, mais notre premier ministre n’a pas trouvé mieux que de favoriser les délocalisations vers le Maroc d’emplois dans les centres d’appel, les services informatiques et les processus métiers ! »
On ne saurait mieux dire. Invraisemblable. Le gouvernement a démenti, vous vous en doutez, mais les arguments de MUNCI ainsi que d’autres organismes exerçant dans le domaine informatique sont imparables. Rien ne sert de nier les évidences.
Le Maroc, royaume des délocalisations françaises (mars 2010)
« « Le Maroc est la banlieue économique de la France », affirme Mohammed El’Ouahdoudi, président de l’Association des centres d’appels et des services informatiques offshore du Maroc.
Pourquoi un tel succès ? Pour les candidats à la délocalisation, les avantages sont considérables. Smic horaire à moins d’un euro, semaine de 44 heures, faibles charges sociales, exonérations d’impôts… « Nous sommes 40 % moins chers qu’en France », explique Youssef Chraibi, président de l’Association marocaine de la relation client. Mais le Maroc n’est pas seulement une destination low-cost, sinon, estime Youssef Chraibi, « les entreprises iraient vers des pays encore moins chers comme Madagascar ou le Sénégal ». Autre attrait du Maroc, les employés parlent français et sont souvent diplômés. Du coup, les délocalisations ne concernent pas que les centres d’appels téléphoniques. Elles accueillent aussi des services de haute technologie (maintenance informatique, développement de logiciels, etc.). Et les entreprises privées ne sont pas les seules à goûter aux charmes du Maroc, la RATP et la SNCF, pour le passe Navigo ou la carte Imagine R, s’y sont mises. Selon nos informations, des hôpitaux parisiens négocient le transfert d’une partie de leurs démarches administratives à Casablanca. Erigées au rang de priorité par le gouvernement marocain, ces délocalisations ont fait un bond de 15 % l’an dernier. Elles ont généré sur place 35 000 emplois et le chiffre pourrait atteindre les 100 000 en 2015 ! Pour mesurer l’ampleur du phénomène, nos envoyés spéciaux sont allés à la découverte du quartier d’affaires ultramoderne de Casablanca où se concentrent les entreprises françaises délocalisées.
« La quasi-totalité des sociétés offshore viennent de France », par OUATIQUA EL-KHALFI directrice de la production du ministère de l’Industrie et du Commerce marocain.
En charge du programme des délocalisations « offshoring », cette conseillère ministérielle détaille les avantages proposés aux entreprises qui s’implantent au Maroc.
Comment favorisez-vous la délocalisation des entreprises vers votre pays ?
OUATIQUA EL-KHALFI. Nous avons constitué des zones dédiées. L’une d’elle est à Rabat et l’autre à Casablanca. Plusieurs autres zones sont en projet (Fez, Marrakech, etc.). Le coût de la location des bureaux prêts à l’emploi y est très compétitif : environ 8 € (90 dirhams) le mètre carré par mois pour des locaux neufs, câblés et sécurisés. Pour attirer ces activités, nous avons mis en place des incitations fiscales et nous mettons l’accent sur la formation. Nous allons former 10 000 nouveaux ingénieurs en 2010.
Q : Tous ces efforts uniquement pour attirer des centres d’appels… ?
R : Après les centres d’appels, nous visons les activités d’ingénierie, et notamment les activités de backoffice (NDLR : informatique liée aux opérations bancaires) des banques et des assurances. La BNP et Axa ont été parmi les premières à s’installer dans nos zones dédiées à l’offshoring.
Q : Les entreprises françaises sont-elles nombreuses à profiter des avantages que vous proposez ?
R : La quasi-totalité des sociétés installées dans nos sites d’offshoring sont des entreprises françaises. Celles qui ne sont pas d’origine française travaillent pour les marchés européens et principalement pour le marché hexagonal.
Q : Quelles sont les sociétés françaises qui projettent de s’installer au Maroc ?
R : Les négociations se passent dans la discrétion totale jusqu’à la conclusion des contrats.
Q : Pourquoi ?
R : Les employés de ces entreprises peuvent réagir de manière primaire face à ces implantations. Ils peuvent penser qu’on détruit des emplois chez eux. Or, une implantation au Maroc ne détruit pas de postes dans le pays d’origine de l’entreprise. Car s’implanter, pour une société, c’est se développer. Cela profite à l’entreprise et à ses salariés. L’offshoring, c’est du gagnant-gagnant.
Pas d’impôts pendant cinq ans
Plus d’un millier d’entreprises sont implantées au Maroc. Elles y emploient 115 000 personnes dont beaucoup travaillent, certes, pour le marché local. Mais les activités délocalisées au Maroc pour servir essentiellement le marché français représentent déjà 35 000 emplois au Maroc. Un chiffre qui devrait tripler d’ici à 2015.
Dans ce but, deux quartiers d’affaires offshore c’est-à-dire dédiées aux entreprises qui délocalisent ont déjà été construits à Rabat et à Casablanca. Ils hébergent Axa, Atos Origin, BNP ou Bull (voir notre document) et trois autres sont en projet à Fès, Marrakech et Oujda. Dans ces zones franches, les groupes français sont exonérés d’impôts sur les sociétés pendant cinq ans. Par ailleurs, leurs employés bénéficient d’un plafond d’impôt sur le revenu de 20 %, contre 38 % pour les autres citoyens marocains ! Mieux, le gouvernement du royaume rembourse la formation de chaque nouvel employé jusqu’à hauteur de 5 800 € (65 000 dirhams) étalés sur trois ans. Peu importe que cette formation soit réalisée au Maroc ou à l’étranger. « En matière de formation, l’Etat nous paie tout », confirme un dirigeant d’entreprise.
Axa : « Les coûts peuvent être 40 % moins chers »
Les grandes entreprises françaises assument leur implantation au Maroc. Avec un argument choc : il ne s’agit en aucun cas de délocalisations. Ainsi, l’assureur Axa « réfute le terme de délocalisation, n’ayant jamais fermé d’activités, ni supprimé d’emplois en France » mais se justifie tout de même par la nécessité de contenir les coûts. « En assurance automobile, nous faisons face à 160 concurrents sur le marché français. Si nous voulons avoir des prix compétitifs, nous devons maîtriser nos coûts. Et le Maroc est un pays dans lequel les coûts de fonctionnement peuvent être 40 % moins chers », assure Eric Lemaire, le porte-parole d’Axa. Aujourd’hui, 500 de ces salariés marocains travaillent pour la France. Ils devraient être 1 500 en 2012. Du côté de BNP Paribas, on explique que « les activités à Casablanca sont des développements informatiques pour l’Europe, le Maghreb et l’Afrique subsaharienne ». Sur les 6 000 postes de travail dans l’informatique au niveau mondial, dont la moitié en France, le site de Casablanca rassemble 400 informaticiens. Chez Ubisoft, le géant français du jeu vidéo, c’est la recherche de compétences « rares » qui a poussé le groupe à s’installer à Casablanca. « Le Maroc forme de bons ingénieurs », souligne-t-on chez Ubisoft. Rien à voir donc avec le faible coût du travail et les réductions fiscales ? « Cela compte aussi. Mais ce n’est pas notre motivation première. Nous payons bien nos salariés marocains. Sinon, ils pourraient facilement trouver un emploi chez un concurrent. »
Source: Munci