Laïcité mal comprise, sottise de mise

Publié le 23 décembre 2012 par Rolandlabregere

C’est devenu une tradition. Le Père Noël se fait refouler aux frontières de l’espace public. Cette année, dans une ville du centre, une directrice d’école maternelle a décidé de supprimer la traditionnelle visite du Père Noël dans l’école « afin de respecter les différentes croyances ainsi que les valeurs de l'école laïque ». Rien de plus favorable à l’allumage de polémiques pétaradantes que de mêler traditions, religions et rites sociaux sur fond de confusion, d’ignorance et de préjugés. http://religion.blog.lemonde.fr/ Voilà quelqu’un qui, en dépit de la crise, se met à croire au Père Noël. Pas question de rigoler ni de transiger. Quand l’alibi laïque croise le pèlerinage de la bien-pensance, les pères la rigueur espèrent accaparer le pouvoir d’influence. Penser à la place des autres en espérant être sur la première marche du podium des idées les plus fayottes est la meilleure façon de rater la marche. Le Père Noël est coutumier des déclarations enflammées qui vont jusqu’aux propos incendiaires : son mannequin ne fut-il pas brûlé le 24 décembre 1951 devant la cathédrale de Dijon à l’instigation des autorités ecclésiastiques pour concurrence déloyale face aux crèches qui étaient bannies des écoles publiques ?  L’affaire est connue et revient comme un boomerang en écho à des situations où la laïcité est prise à contre-sens. http://agoras.typepad.fr/regard_eloigne/2009/12/en-1952-cl-levi-strauss-publiait-un-texte-dans-les-temps-modernesle-p%C3%A8re-no%C3%ABl-supplici%C3%A9ce-texte-est-moins-connu-puisqu.html . Le Père Noël est solidement installé dans la sémiologie urbaine non pas au nom d’une origine biblique mais en raison de son adhésion aux valeurs de la marchandise et des outrances mercatiques du mois de décembre.

Sapin décoré. Hall d'une institution publique. Dijon 2012.

Le sapin du même nom subit lui aussi les rigueurs de la laïcité mal comprise. Souvent attesté comme une pratique d’origine chrétienne, le sapin de Noël passe pour avoir une origine païenne. Il est lui aussi, à la faveur de la sécularisation des sociétés occidentales, devenu un symbole banalisé des fêtes de famille et du renouveau de la vie représentée par les feuilles dites persistantes, mais non résistantes au progrès du chauffage central et de l’isolation des appartements. Les Celtes auraient adopté l’épicéa comme symbole pour fêter le solstice d’hiver. Il faut rappeler que la fête de Noël a été instituée dans le christianisme (IVème siècle après JC) pour contrecarrer le culte païen du dieu Soleil. Si le sapin trône dans les lieux privés, il est depuis longtemps présent dans les entreprises et les lieux publics sans intention prosélyte. Les sapins décorés peuvent sans offense aux sensibilités spirituelles être visibles dans l'espace public. C'est dans l'église que la crèche trouve sa place.

La laïcité est une composante de la citoyenneté. L’éducation au fait laïque ne peut s’envisager sans une connaissance fine des conditions de son émergence et des nécessités de sa transmission. L’idéal laïque qui est aux principes de la Constitution de la République n’est en rien une forme négative hostile aux religions. Il s’agit là d’un contre-sens sans fondement historique. Elle exprime au contraire l’idéal de la liberté de conscience, l’égalité des croyants et des sans croyances. La laïcité vise le bien-commun et non l’intérêt particulier. La Charte de la laïcité que Vincent Peillon veut diffuser dans les établis­se­ments sco­laires « dans les mois à venir » est une initiative adaptée aux enjeux présents.  Elle devra, a déclaré le ministre « notamment s'attacher, par des défi­ni­tions simples et courtes, à expli­ci­ter des notions de laï­cité, de République, de citoyen­neté de manière com­pré­hen­sible pour les élèves »,  lors d'une inter­ven­tion devant Haut Conseil à l'Intégration (HCI). L’éducation à la citoyenneté et à la laïcité est une innovation. Pour réussir, elle a besoin d’adultes disponibles pour répondre à toutes les questions des élèves.