François Hollande a adressé au Tribunal de Grande Instance la lettre manuscrite suivante : "Je tiens à dénoncer comme pure affabulation les passages du livre La Frondeuse (p. 46 et 47) concernant une prétendue lettre jamais écrite et donc jamais parvenue à son prétendu destinataire. L'invention ne peut être un procédé dans un essai politique sauf à être présenté comme un roman".
N’ayant pas lu le livre en question, j’ignore donc tout de la prétendue lettre mentionnée par notre président et, plus particulièrement, le nom de son destinataire. Or, à mon sens, seul le destinataire d’une lettre sans accusé de réception est en mesure d’indiquer s’il l’a reçue ou non. Si François Hollande n’est pas ce destinataire, il ne peut éclairer le tribunal sur ce point. S’il suffit, pour prouver l’existence d’un document, de le produire, il est beaucoup plus malaisé d’établir qu’il n’existe pas. Donc, à moins que les auteurs du livre n'aient prétendu que Hollande était le destinataire de cette lettre, son témoignage n’apporte rien à la manifestation de la vérité.
La deuxième phrase citée ci-dessus n’est que l’expression d’une opinion, expression fort maladroite au demeurant. En effet, on discerne mal dans cette formulation ce qui doit être présenté comme un roman : l’invention, le procédé ou l’essai ? Il eut été plus compréhensible de rédiger cette phrase ainsi : « L'invention ne peut être un procédé dans un essai politique à moi que celui-ci n’ait été présenté comme un roman ».
Mais tout ceci n’est que broutille comparé à la faute que constitue l’envoi de cette lettre. Par une démarche aussi puérile que vaine, François Hollande croit s’être affranchi de son statut de président en écrivant cette lettre de sa main, sur un papier libre, vierge de tout en-tête, et en la signant de son simple nom qu’il pense ainsi faire passer pour celui d’un citoyen ordinaire. La frontière entre vie professionnelle et vie privée est beaucoup plus poreuse que l’on croit. Qu’il en soit satisfait ou pas, François Hollande est depuis le 6 mai, et pour cinq ans, le nom du président de la France.
Comme en a usé et abusé son prédécesseur, l’immunité dont il bénéficie lui interdit de témoigner en justice. Cette lettre, qui lui a peut-être été suggérée par un proche, constitue une tentative illégale de pression de l’exécutif sur le judiciaire. On ose espérer qu’il se montrera après cet écart plus respectueux de la séparation des pouvoirs.