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Algérie : oublier, omettre

Publié le 23 décembre 2012 par Egea

Le récent voyage du président de la République s'est donc "bien déroulé". De nombreuses exégèses ont eu lieu dans la presse intelligente. En gros, un président socialiste allait réussir la où ses deux prédécesseurs de droite avaient échoué :J. Chirac pour une loi sur les bienfaits de la colonisation, N. Sarkozy pour avoir voulu à la fois renouer avec l'Algérie et donner des gages aux harkis. Cette fois, des gestes avant-coureurs (la reconnaissance d"événements terribles à Paris) et une attitude très mesurée semblent démontrer que la normalisation est enfin possible. Qu'en penser ?

Algérie : oublier, omettre
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1/ Si l'on a bien suivi, chacun a mis un mouchoir sur sa poche. Les Algériens ont évité de resservir le discours vindicatif dont ils avaient l'habitude, quand les Français ont fait des efforts; Chacun pourra juger que ce n'est pas assez de la part de l'autre, ce qui est finalement un assez bon critère pour dire qu'on va enfin passer à autre chose. Voici peut-être le principal enseignement de ce voyage : un bon timing "historique", chaque partie prenant conscience qu'il est temps de passer à autre chose. Tourner la page sans la déchirer, comme je l'évoquais dans un précédent billet. Choisir non l'oubli, mais l'omission : ne pas mettre les différends au premier plan.

2/ Il reste que d'oubli en omission, il y a plein de sujets dont on n'a pas parlé. Bien sûr, il eut été discourtois d'évoquer la situation politique intérieure, entre un régime arc-bouté sur ses recettes du passé et une population jeune qui ne sait plus ce qu'est cette indépendance, et qui attend le développement. A cet égard, on aura lu, dans un quotidien, que la langue française est aujourd’hui plus parlée qu'à la veille de l'indépendance ! Somme toute, nous n'aimons pas quand les États-Unis ou l’Allemagne viennent nous faire des leçons, et ce n'est pas aux dirigeants français de se laisser aller publiquement à ce genre de choses.

3/ Toutefois, il y eut bien des silences régionaux, qui intéressent à la fois la France et l'Algérie. Pas un mot des révoltes arabes, et notamment de ce qui s'est passé en Tunisie ou en Libye. Pas un mot du Sahara espagnol et donc des relations tendues avec le Maroc, ce Maroc qui attire tant les investisseurs français, au grand dam de bien des élites algériennes. Pas un mot public du Mali, alors pourtant qu'il s'agit d'un sujet faisant l'objet d'appréciations très différentes de la part des deux capitales....

4/ Ce "tour d'horizon" aura bien évidemment dessiné un voisinage géopolitique qui montre en creux la Géopolitique de l’Algérie. Celle-ci n'est en effet pas seulement un héritage de l'histoire, et de relations tumultueuses avec la France, par-delà la Méditerranée. Ses marges lui posent problème, aussi bien vis-à-vis du "Maghreb" que du Sahel. En récupérant les régions sahariennes à l'indépendance, l'Algérie est devenue le plus grand État africain (du moins depuis la partition du Soudan), mais elle a également obtenu des confins difficilement gérables.

5/ La vraie zone lisse n'est en effet pas la Méditerranée, mais le Sahara. Et on ne trace pas des frontières dans un espace lisse, ce qui pose le problème du Mali, mais aussi du Sahara Occidental ou du sud algérien (ou des rapports entre Libye et Tchad, ...). Cette difficulté "intérieure" entre donc logiquement en résonance avec des difficultés qu'on ne peut simplement dire extérieures, puisqu'elles tiennent d'une logique de confins.

6/ Ces contradictions frappent l'Algérie depuis longtemps. Elles expliquent d'ailleurs que l'Algérie ait si longtemps insisté sur le ressentiment avec l’ancienne puissance coloniale, afin de fonder une identité nationale. Le rapprochement avec la France amène, logiquement, à lever le voile de non-dits nombreux. Il est dès lors assez logique qu'ils aient été omis. Y penser toujours, n'en parler jamais...

Mais les réalités sont là, et le mouvement de l'histoire vient désormais du sud, non du nord. La politique du silence ne poura durer bien longtemps.

Références :

  • Sur les rapports franco-algériens, un billet de juillet
  • sur l'asymétrie historique, si nécessaire pour comprendre la psyché algérienne, ce billet de 2011.

O. Kempf


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