L’alcoolisme insidieux des pots en entreprise

Publié le 23 décembre 2012 par Mouze
L’alcoolisme insidieux des pots en entreprise:
C'est une tradition qui coûte parfois très cher aux salariés. Une société s'est saisie du dossier.
Pour Adeline, 30 ans, Noël c’était hier. Le 22 octobre, il y a deux mois jour pour jour, elle a arrêté de boire. La jeune femme, cadre dans les assurances, prend conscience de sa dépendance quand elle s’endort lors d’un salon ce qui lui vaut un avertissement et un protocole pour soigner sa "maladie", l’alcoolisme, contractée lors d’insidieux pots de fin de journée en repas professionnels arrosés. "Là, j’ai appris que j’étais alcoolique et dépendante. Que c’était un besoin."
3è jours d'abstinence
Comme des centaines d’autres salariés, elle est suivie par alcoologue et médecin de la société Hassé Consultant. Ce spécialiste du phénomène, encore tabou, aide 350 entreprises en France, dont certaines de la région à Montpellier ou Castelnaudary, par exemple, notamment dans le bâtiment. Et a déjà réussi à aider 1 800 alcooliques. Anniversaires, départs à la retraite, en vacances ou en week-end... Les occasions “d’arroser” sont, au bureau, innombrables et ancrées dans la culture française. "Du festif, on peut tomber sans s’en rendre compte dans la dépendance", témoigne ce salarié d’une société héraultaise du bâtiment. Stéphane, 37 ans, manager dans une mutuelle, est fier de ses 37 jours d’abstinence. "J’étais de tous les pots. Je partais avec les derniers." Sa vie en prend un coup : sa femme le quitte, la direction de son entreprise s’inquiète. Un jour, les policiers le verbalisent pour alcoolémie "alors que je n’avais bu que la veille..." C’est la goutte d’eau qui le mène à une prise en charge.
"8 % des salariés sont dépendants à l’alcool"
"La convivialité mise en avant est un prétexte. La réalité, c’est que 8 % des salariés sont dépendants à l’alcool. Ça passe inaperçu jusqu’à un dysfonctionnement majeur. 20 % des accidents du travail et 40 % des accidents mortels sont liés à l’alcool", révèle Patrick Buchard, créateur de Hassé Consultant, qui a participé à l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques salué par la Mission interministérielle contre la drogue et la toxicomanie. Avec 45 000 morts chaque année, l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac (70 000 morts). La pêche, l’agriculture, le marketing, la communication et même la santé sont les secteurs les plus touchés.
Limiter la quantité d'alcool
Interdire totalement l’alcool au bureau n’est pas la solution. Les organisateurs de pots doivent être "responsables" : limiter la quantité d’alcool en fonction des participants, créer une heure de début mais surtout une heure de fin du pot. L’entreprise, garante de la bonne santé de ses salariés, peut aussi proposer des formations et des éthylotests. Et s’éviter absentéisme, arrêts de travail, accidents, etc., dont le coût est d’au moins 1,5 % de la masse salariale. "Déjà 65 entreprises parmi celles que nous accompagnons ont créé un groupe de prévention qui élabore des actions. Avec de bons résultats", précise Patrick Buchard.
CODE DU TRAVAIL : INTERDIT, SAUF...
« Beaucoup de sociétés imposent zéro alcool dans leurs murs en proposant parfois de remplacer les pots alcoolisés par un petit-déjeuner avec café, croissants, viennoiseries », explique Patrick Buchard. Le Code du travail, héritant du Code Napoléonien, interdit tout alcool dans l’entreprise, et l’état d’ébriété. Mais il est ambigu : « Le vin, le cidre, la bière et le poiré (alcool fermenté à base de poire fraîche) peuvent être consommés lors de repas. »