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Jorge Amado : Cacao

Par Gangoueus @lareus
Jorge Amado : Cacao
Ce livre est mal composé. Mais c'est qu'il n'a pas d'intrigue à proprement parler, et ces souvenirs de la vie des plantations, je les mets sur le papier à mesure qu'ils me viennent à l'esprit. J'ai lu quelques romans avant de commencer Cacao, et je vois bien que celui-ci n'a rien de commun avec eux. Tel qu'il est, le voici. J'ai voulu seulement conter la vie de la plantation. Parfois j'ai eu des envies d'écrire un pamphlet ou un poème. Peut-être n'ai-je même pas réussi à faire un roman.
Page 147, éditions J'ai lu
Joseph, le Sergipano, qui nous livre les impressions de Jorge Amado est un peu dur avec lui-même. Il n'a pas vraiment tort d'indiquer la prétention de ce texte qui est avant tout un éclairage sur une époque au Brésil et un lieu, le Domaine Fraternité tenu par le Colonel Manuel Misael de Souza Teles, dit Manu-la-Peste. Le bien nommé domaine est une très grande plantation de cacao, la plus riche et la plus importante de la région.
Venant du Sergipe, Joseph est adolescent quand il arrive dans cette plantation. Joseph appartenait à la petite bourgeoisie de sa région natale quand son père est mort et qu'il a été déshérité ainsi que sa mère et sa soeur. Pauvre, mais instruit, "loué" à Manu-la-Peste, il porte un regard affectueux sur ce petit peuple de la plantation fait de personnes au statut et aux conditions plus que précaires. Le sergipano parle des barraques sordides et insalubres partagés par plusieurs ouvriers de la plantation, du travail éprouvant et qui déforme le physique, les pieds à force de marcher sur les cabosses de cacao, des femmes de la plantation belles mais aux mains calleuses, déflorées par les tenants de la terre. Il touche aussi par sa plume aux prostituées que les ouvriers vont parfois rejoindre lors de rarissimes expéditions hors de ce lieu d'exploitation. Sergipano évoque les contremaîtres et surtout le Colonel qui dirige de main de fer la plantation, ainsi que sa famille révélant les rapports extrêmement violents et la profonde fracture entre ces deux mondes où la seule valeur partagée est la haine.
Il n'est pas ici question de l'esclavage. La pratique est déjà aboli au moment où le sergipano narre les faits. Il est intéressant de voir la difficulté à mettre des mots sur les injustices vécues, sur ce qui n'est pas encore défini, dans les environs de Bahia comme une lutte des classes. On ressent, dans ce texte, de l'amour et de l'intérêt pour les personnages qu'il décrit. Prenons les mots suivants sur des maux lourds ...
Je n'ai jamais pu comprendre pourquoi les bordels sont pleins d'images et de statuettes de saints. Rue du Bourbier, c'était ainsi. L'image de Notre-Seigneur de Bonfim, toutes les maisons la possédaient. Antonieta, avant de se coucher avec un homme, faisait sa prière. Elles croyaient en la sorcellerie et faisaient des promesses. Elles maudissaient la vie qu'elles menaient et en même temps remerciaient tous les jours le Créateur de les avoir mises au monde [...]
Pauvres filles, qui pleuraient, priaient et se soûlaient dans la rue du Bourbier. Pauvres ouvrières du sexe. Quand viendra-t-il, le jour de votre libération?
Page 73, éditions J'ai lu
J'ai donc apprécié cette lecture particulière, où les préoccupations de forme et de chronologie sont finalement peu importantes. Le manichéisme très présent n'enlève rien à ce témoignage d'une époque. Une dernière remarque : La couverture est assez trompeuse. La dimension raciale n'est pas forcément évidente à identifier, même si on note quelques joutes injurieuses ou l'insistance sur le caractère très blond de la fille du maître de l'exploitation pour ne citer que cet exemple. Cela semble être avant tout une affaire de classes sociales dans ce Brésil des années 30 autour de la production des chocolats que nous aimons tant.
Bonne lecture,
Jorge Amado, Cacao
Editions J'ai lu, 155 pages, 1ère parution en 1933 sous le titre original Cacau
traduit  du portugais par Jean Orecchioni
Voir également les chroniques de Biblioblog, Notes de lecture, Le cercle club lecture en ligne, Jules se livre
  

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