L'affaire Depardieu a permis à des politiciens sans notoriété de se faire un nom, par exemple le député Yann Galut. Examinons ses subventions.
Par Léopold Saroyan.
Article mis à jour à 18:45 :
Suite à un entretien téléphonique sollicité par Guillaume Crépin le directeur de cabinet de M. Galut, l'article a été modifié. Il semblerait que le député à la plume si assassine envers d'autres (Gérard Depardieu en a fait l'amère expérience récemment) n'en a que peu goûté certaines phrases, estimant qu'il était victime d'accusations de détournement de fonds ou autre joyeuseté. Si nous avions estimé que M. Galut a effectivement ce genre de choses à se reprocher, nous en aurions parlé sans détournement, en termes absolument explicites, en apportant bien entendu les preuves de telles allégations. L'objet de l'article n'est pas celui-ci : il s'agit ici d'examiner un aspect du travail de M. Galut en tant que Conseiller Général du Cher, et inspecter la liste des subventions octroyées aux associations. Il ne s'agit pas d'une attaque contre la personne de monsieur Galut, mais d'un simple examen de son activité politique ainsi que celle de la collectivité locale dont il est élu, comme la Déclaration des Droits de l'Homme en donne le droit à chaque citoyen.
La récente affaire Depardieu a permis à certains politiciens en mal de notoriété de commencer à se faire un nom. C'est par exemple le cas de Yann Galut.
Celui-ci a publié ces derniers jours un communiqué indigné pour dénoncer l'horrible crime de Gérard Depardieu :
Yann Galut se déclare attristé de voir que Gérard Depardieu parachève « son bras d’honneur à la France », s’enfermant dans cette logique de fuite et s’annonçant prêt à renoncer à sa nationalité française plutôt que de continuer à participer au redressement de son Pays. Yann Galut dénonce cette attitude particulièrement égoïste et rappelle qu’en ces temps de crise de nos finances publiques et de délitement de l’esprit public, chacun doit également contribuer en fonction de ses facultés à cette ambition commune qui est le redressement de la France.
Yann Galut, qui es-tu ?
Yann Galut est avocat de profession, ce qui est déjà quelque chose d'admirable puisque cela signifie qu'il s'agit d'un politicien qui a un vrai métier, ce qui n'est pas le cas de tous. Yann Galut a déjà sa propre page Wikipedia, c'est dire s'il s'agit de quelqu'un d'important, page que Wikipedia soupçonne d'être trop promotionnelle ou publicitaire ; celle-ci a donc très probablement été rédigée par l'intéressé lui-même ou l'un de ses assistants, on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Saviez-vous par exemple que Jean Jaurès a un jour été porté sur les épaules d'un aïeux de Yann Galut ? Vous pensez que cette anecdote, présente sur la page Wikipédia de Yann Galut puis retirée pour son manque évident d'intérêt, est farfelue ?
Si l'on redevient sérieux un instant (ce qui est difficile lorsque l'on parle des agissements des politiciens), il faut rappeler que Yann Galut est un des 35 conseillers généraux du Cher depuis 2008 (vous verrez dans la suite que c'est un détail important), et en est même Vice-Président. À propos de l'affaire Depardieu, le député Yann Galut a écrit :
Chacun doit également contribuer en fonction de ses facultés à cette ambition commune qui est le redressement de la France.
Nous allons vérifier ensemble si le Conseiller Général Galut Yann suit ces conseils de bon sens.
Les subventions du Conseil Général du Cher
Jeter un œil sur les subventions des collectivités locales est toujours un exercice intéressant, et devrait par ailleurs être systématiquement fait par les citoyens. Celles du Conseil Général du Cher sont détaillées dans un document PDF. Alors certes, ce n'est pas le surmenage qui guette les employés du CG du Cher (ce fichier détaille les subventions 2010, le fichier des subventions 2011 n'est toujours pas disponible alors que nous sommes fin décembre 2012), certes ces informations sont données dans un fichier PDF absolument inexploitable en l'état (l'usage d'un petit logiciel permet de transformer celui-ci en tableau Excel assez rapidement), mais on est obligés de constater que l'information est bel et bien disponible, ce qui n'est pas toujours le cas. Par exemple, les comptes de la mairie de Sevran, ville du maire Stéphane Gatignon ne sont pas du tout disponibles. Les Sevranais aimeraient pourtant bien savoir comment leur commune s'est retrouvée dans une telle difficulté financière, mais c'est un autre sujet.
N'y allons pas par quatre chemins, extrayons quelques informations de la liste des subventions octroyées par le CG du Cher en 2010, dont le total versé est de 8 millions d'euros environ. D'abord, un classique, les organisations qu'on appelle à tort "syndicats" et qui ne sont que des partis politiques déguisés vont bien évidemment à la gamelle, et reçoivent bien entendu leur petit argent de poche (les sommes sont en euros) :
- AS FORCE OUVRIÈRE 18 UNION DÉPARTEMENTALE : 4 000
- FSU 18 FÉDÉRATION SYNDICALE UNITAIRE DU CHER : 1 142
- INSTITUT HISTOIRE SOCIALE CGT CENTRE AS : 350
- UNION DÉPARTEMENTALE SYNDICATS CGT 18 : 6 500
- UNION SYNDICALE SOLIDAIRES 18 : 1 643
Ce sont donc 13 635 euros qui sont versés à ces organisations amies de la gauche (on notera avec stupeur l'absence du syndicat appelé MEDEF dans cette liste). Ces organisations, en acceptant cet argent, sont-elles en train de contribuer en fonction de [leurs] facultés à cette ambition commune qui est le redressement de la France ? On peut en douter.
Évidemment, pour faire bonne figure, le CG du Cher verse aussi de l'argent à des organisations utiles, comme les organisations caritatives (sommes en euros) :
- BANQUE ALIMENTAIRE CHER : 31 180
- COMITÉ CATHOLIQUE CONTRE LA FAIM ET POUR LE DÉVELOPPEMENT : 1 200
- LES RESTAURANTS DU CŒUR DU CHER : 11 000
- SECOURS CATHOLIQUE : 3 000
- SECOURS POPULAIRE FRANÇAIS: 28 000
Ici le total est de 74 380 €, soit un versement 5 à 6 fois supérieur à ce que reçoivent les amis syndicalistes de la gauche. On pourrait ainsi se dire que finalement, ce CG du Cher n'est pas si mal, et que si l'on peut contester le fait même de subventionner quoi que ce soit, on peut reconnaître que verser de l'argent à ces organisations caritatives a un intérêt immédiat.
Mais le plus drôle est à venir. Nous allons nous intéresser à une mystérieuse association, l'Amicale des Conseillers Généraux du Cher. Reçoit-elle des subventions ? Est-il possible, concevable, que les Conseillers Généraux du Cher s'octroient à eux-mêmes de l'argent qu'ils n'utiliseront QUE pour eux-mêmes ? Aucune personne sensée ne peut imaginer une telle chose.
Quelle est cette drôle d'association ?
Eh bien si, c'est possible : en 2010, les Conseillers Généraux du Cher se sont donnés à eux-mêmes 95 460€ ont voté une généreuse subvention de 95 460€, soit 25% de plus qu'à toutes les organisations caritatives réunies. Pour donner un ordre d'idée, si cette somme était répartie sur les 35 Conseillers Généraux, cela correspondrait alors peu ou prou à un 13ème mois (2700€ par tête). Un détail complémentaire : sur les 414 subventions octroyées en 2010, la subvention à cette Amicale est la neuvième la plus importante. Joint au téléphone, le directeur de cabinet de M. Galut explique que les activités de cette association "ne concernent que le versement de retraites aux anciens Conseillers Généraux, et que les actuels Conseillers Généraux ne sont en rien bénéficiaires de ses activités". Ce point va être prochainement vérifié par la rédaction de Contrepoints.
La consultation des statuts de cette association publiés au Journal Officiel peut laisser perplexe après une telle affirmation :
À aucun moment n'est mentionné que ses activités (quelles qu'elles soient) sont réservés aux anciens Conseillers Généraux. Ainsi, le nom de l'association n'est pas "Amicale des anciens Conseillers Généraux du Cher". Les deux premiers points de l'objet disent plutôt que les bénéficiaires des activités (encore une fois quelles qu'elles soient) sont les actuels Conseillers Généraux ("resserrer les liens de solidarité entre eux") et que ceux-ci peuvent (ce qui signifie qu'ils n'y sont pas obligés ou que ce n'est pas le cas général) faire appel aux anciens Conseillers Généraux pour certains travaux. Un autre point dans les statuts de cette association explique bien qu'un voyage peut être organisé par le président sur demande du Bureau. Dans une période de crise en France, ce point peut surprendre. Enfin et en dernier lieu seulement, il est question des retraites des anciens Conseillers Généraux.
L'effort national de redressement
Rappelons la question initiale : le député Yann Galut a exhorté par communiqué de presse Gérard Depardieu à contribuer en fonction de ses facultés à cette ambition commune qui est le redressement de la France. Est-ce que le Conseiller Général Yann Galut contribue en fonction de ses facultés à cette ambition commune qui est le redressement de la France en acceptant qu'il existe une subvention de presque 100 000€ (!), dépensée pour le seul bénéfice de quelques personnes ? Toujours d'après le directeur de cabinet de Yann Galut, ces quelques personnes ne seraient donc que les anciens Conseillers Généraux. Comme rappelé au début de l'article, la question ici est celui de l'usage de l'argent public, et non pas de ses destinataires. Les citoyens peuvent-ils accepter qu'une telle somme ne serve qu'à si peu de monde ?
Chacun répondra lui-même à cette question, à commencer par le député Yann Galut lui-même (qui pour le moment et comme expliqué plus haut par son directeur de cabinet, a commencé par parler d'une plainte pour diffamation à son égard).
Il serait également intéressant de reprendre la liste des indignés qui ont littéralement couvert de boue Gérard Depardieu, et examiner l'un après l'autre leurs différents mandats politiques afin de vérifier s'ils joignent le geste à la parole, si, comme ils le prétendent chacun doit également contribuer en fonction de ses facultés à cette ambition commune qui est le redressement de la France.
Nous lançons donc un grand concours, dans les commentaires de cet article : reprenez la même démarche que ci-dessus mais avec d'autres indignés comme Michel Sapin, Jean-Marc Ayrault, Philippe Torreton... etc.