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Congédiement: Autre cause juste et suffisante et la Charte

Publié le 22 décembre 2012 par Veritejustice @verite_justice

Pat

Ce qui fait état d’une « cause juste et suffisante » doit être interprétée tout comme si elle comportait les mots « et conforme à la Charte ». C’est le principe de la suprématie de la Charte, loi quasi constitutionnelle. 

Par Vérité Justice

Nous aborderons aujourd’hui le congédiement versus les oublis de la CSST et la CLP lorsqu’il est question de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Attention par contre car si vous êtes congédié parce que vous n’aviez pas les aptitudes et/ou qualités requises pour exercer l’emploi je ne vous conseil pas la Charte car l’article 20 de cette dernière risque de ruiner votre protection envers la discrimination

20. Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d’une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d’un groupe ethnique est réputée non discriminatoire. ( Source: La Charte )

Donc si vos aptitudes ou qualité ne sont pas cités comme faisant parties d’une cause juste et raisonnable, vous êtes protégé si vos droits en vertu de la Charte ont été lésés!

L’article 255 de LATMP

Vous avez fait une plainte en vertu de l’article 32 de LATMP. Votre premier recours s’exercera devant un conciliateur-décideur de la CSST et si ensuite une des parties n’est pas satisfaite du jugement rendu elle pourra s’adresser à la CLP.

La première étape sera la présomption selon l’article 255 de LATMP soit:

255. S’il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l’objet d’une sanction ou d’une mesure visée dans l’article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d’une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle ou à cause de l’exercice de ce droit.

Dans ce cas, il incombe à l’employeur de prouver qu’il a pris cette sanction ou cette mesure à l’égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.

______ Attention spéciale ____________

Supposons que le motif invoqué par l’employeur pour vous congédier exclu vos aptitudes ou qualités requises pour l’emploi, vous êtes en affaire et la Charte vous sera probablement utile.

Un fait important serait de rappeler aux lecteurs que la CLP soit l’instance suivant la CSST induit sur son site Internet et ce à première vue le travailleur en erreur lorsqu’elle prétend que SA décision est finale.  Voir l’article sur le sujet

En effet la Cour Supérieure, d’Appel et dans la pire des situations la Cour Suprême ont un droit de regard et surveillance concernant les décisions rendues par les Tribunaux administratifs.

Une très bonne décision rendue par la Cour D’Appel à cet égard démontre également que les Tribunaux administratif ont aussi l’obligation de traiter de toutes questions relatives à la Charte.

Regardons de plus près:

[18] L’appelante n’accepte pas ce refus de son employeur et dépose une plainte auprès de la CSST invoquant « que l’employeur a exercé à son endroit une mesure discriminatoire en raison du fait qu’elle est enceinte et qu’elle a exercé un droit prévu à la LSST1, en l’occurrence, un retrait préventif ».

[19] L’affaire sera par la suite portée devant la Commission des lésions professionnelles (la CLP).

[..]

[24]  La Cour supérieure constate que le premier énoncé ci-dessus constitue une erreur mais ajoute :

                                         [29] Mais ce n’est pas une erreur déterminante puisqu’elle base sa décision sur le fait que la cause invoquée par l’employeur à l’encontre de la plainte constitue « une autre cause juste et suffisante » au sens de l’article 255 LATMP[2] et la Charte n’est pas impliquée. 

[..]

LA CHARTE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE (L.R.Q., C. C-12) 

[34] Pour l’appelante, son absence d’immunité à la cinquième maladie constitue une source de discrimination à son égard. Elle invoque le droit à l’égalité garanti par les dispositions suivantes :

10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap. 

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. 

[ ]

16. Nul ne peut exercer de discrimination dans l’embauche, l’apprentissage, la durée de la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d’une personne ainsi que dans l’établissement de catégories ou de classifications d’emploi.

III     LES QUESTIONS EN LITIGE 

[35] En reprenant les mots des instances antérieures, les questions en litige sont, selon la CLP : a-t-elle compétence pour « statuer » sur les questions qui relèvent de la Charte? et pour la Cour supérieure : la Charte est-elle « impliquée »?

[36] Le litige est lié à l’expression de l’article 255 LATMP : « une autre cause juste et suffisante ». Une cause peut-elle être ainsi qualifiée si elle va à l’encontre des droits fondamentaux garantis par la Charte?

[..]

[43] Toujours avec égards, la juge de première instance ignore le problème lorsqu’elle écrit que « Pour ce faire, la CLP doit interpréter sa loi constitutive, la LATMP, la LSST, la convention collective et sa jurisprudence ». La question est de déterminer s’il faut ajouter la Charte à cette liste.

V     LA LSST ET LA CHARTE 

[49]  Traitant de la Charte canadienne des droits et libertés, le juge Gonthier, pour la Cour suprême du Canada, écrit :

                                              Premièrement — ce qui est le plus important —, la Constitution est, aux termes du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, « la loi suprême du Canada » et « elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit ». L’invalidité d’une disposition législative incompatible avec la Charte découle non pas d’une déclaration d’inconstitutionnalité par une cour de justice, mais plutôt de l’application du par. 52(1). Donc, en principe, une telle disposition est invalide dès son adoption, et l’obtention d’un jugement déclaratoire à cet effet n’est qu’un moyen parmi d’autres de protéger ceux et celles qui en souffrent préjudice. En ce sens, la question de la constitutionnalité est inhérente à tout texte législatif en raison du par. 52(1). Les tribunaux judiciaires ne doivent pas appliquer des règles de droit invalides, et il en va de même pour tout niveau ou organe de gouvernement, y compris un organisme administratif de l’État. 

[50]  Le même raisonnement vaut pour la Charte québécoise :

                   52. [Dérogation interdite] Aucune disposition d’une loi, même postérieure à la Charte, ne peut déroger aux articles 1 à 38, sauf dans la mesure prévue par ces articles, à moins que cette loi n’énonce expressément que cette disposition s’applique malgré la charte. 

[51]  En quelque sorte, les dispositions de la Charte qui assurent la protection des droits fondamentaux sont partie intégrante de toute loi sans qu’il soit nécessaire d’en faire mention dans le texte de celle-ci.

[52] Plus particulièrement, la disposition de la LSST qui fait état d’une « cause juste et suffisante » doit être interprétée tout comme si elle comportait les mots « et conforme à la Charte ». C’est le principe de la suprématie de la Charte, loi quasi constitutionnelle.

[..]

[54] La Cour a déjà statué que la cause juste et suffisante doit être « au premier chef légale en regard des lois d’ordre public »5. La Charte est incluse dans ces lois.

[..]

[57] La LATMP donne expressément à la CLP « le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence »

[58] Rien dans la LSST, ni dans une autre loi, ne restreint ce pouvoir de la CLP quant aux questions relatives à la Charte.

VII    CONCLUSION 

[71] À mon avis, le pourvoi est fondé. La CLP peut et doit examiner s’il y a cause juste et suffisante à la lumière de la Charte comme le demandait l’appelante.

Voir l’intégralité du jugement: Cliquer ici

À mon avis une jurisprudence à mettre entre les mains des travailleurs ou juristes devant plaider devant les Tribunaux administratif


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