comptes de Noël

Publié le 22 décembre 2012 par Pjjp44

"Il appartient à une génération abîmée, oubliée, écrasée et condamnée à errer. Il fait partie d'une génération où les blessures ne cicatrisent jamais.
Dès sa naissance, son rêve a été brisé par la violence, la guerre, le pouvoir de l'obscurantisme et mille et un malheurs.
Tout jeune, il quitte son pays, l'Afghanistan, pour parcourir des routes périlleuses. il traverse l'Iran où les Afghans sont méprisés par le pouvoir et certains Iraniens afghanophobes. Il est traité comme un sous-homme. A la recherche de la paix, il ne savait pas que ce chemin passait par des obstacles inimaginables. Ainsi, il fuit la violence et tombe dans la violence.
Puis il quitte l'Iran et il arrive en Turquie, il se souvient des soldats turcs dans son pays. Là, le jeune homme doit se battre tout comme ses compagnons contre les trafiquants qui leur volent leur argent. Il doit traverser la mer sur des canots gonflables; il y rencontre des vagues violentes. Il a peur de se noyer. il ne sait pas nager car il a vécu dans une contrée loin de la mer. Il ne connait ni la mer, ni l'océan si ce n'est dans les vieilles revues de son grand-père.
Il est secoué dans cette barque qui tangue comme un ivrogne dans les vagues géantes. Tout se confond entre le ciel et la mer. Il oublie les éloges des poètes afghans pour la mer. La mer devient amère. Avec les tempêtes, elle devient folle. Nul ne sait où les vagues les ramènent? Vers le néant? Ou la vie?
Il arrive en Grèce. Son grand-père lui a dit un jour qu'Alexandre le Grand, l'homme protecteur venait de la Grèce pour conquérir le pays de ses ancêtres. Il est fier de mettre le pied sur la terre d'un héros. il se dit qu'Alexandre le Grand avait la volonté de conquérir le monde, mais lui a la volonté de sauver sa vie, d'être un citoyen du monde. En Grèce, il se fait arrêter, emprisonner. Désormais, il connait la prison. Il se souvient du refrain d'une chanson afghane: "J'ai peur que le chasseur ne me libère pas de la cage, et que le chemin de la prairie s'efface de mon souvenir." Il se souvient aussi des cailles en cage de son oncle. Un jour, il ouvrira la cage et les cailles s'envoleront dans le ciel. Il soupire! Y aura-t-il quelqu'un un jour qui ouvrira cette cage?
Par quel miracle, il ne sait plus, un beau jour il se retrouve hors de sa prison. Ce jour-là, il ne se pose pas la question du comment et du pourquoi. Alexandre ke Grans dans sa tombe a-t-il entendu son soupir?
Maintenant, il faut trouver le chemin qui mène à Rome. Ce chemin maudit où beaucoup de jeunes ont perdu la vie. 2crasés par les camions ou disparus. Il doit se cacher dans un de ces camions qui empruntent la route. Il retrouve l'énergie, le courage et la volonté de vivre.
Le camion s'arrête, il descend et prend la fuite sinon  le chauffeur lui fera la peau. il passe devant un étang. Il voit son reflet dans l'eau et aussitôt il se dit: "Je ressemble plus à un oiseau mazouté qu'à un jeune homme!"
C'est la vie! Il est en Italie. A deux pas de son objectif! Quelle ville? Peut-être Rome? il ne sait pas. il a faim et soif. il ne sait pas comment se nourrir mais il refuse la mendicité. Après quelques jours et nuits, il monte dans un train qui l'emmène à Paris. il met le pied sur la terre parisienne et verse quelques larmes. il cherche refuge dans un parc. il regarde le ciel et voit la Tour Eiffel de loin. il se souvient de sa petite soeur qui lui montrait souvent son classeur bleu où les photos de la Tour Eiffel étaient collées soigneusement. Il ferme les yeux. il rêve d'être allongé dans un lit avec des draps de coton.
Les jeunes Afghans lui conseillent d'aller en Angleterre, mais lui, il choisit Strasbourg, la capitale de l'Europe, où se trouve la cour européenne des droits de l'homme.
Un jour, il est reçu au foyer X. L'éducateur l'oriente vers une chambre. il sent le lit avec ses draps blancs. il sourit; ça faisait des mois qu'il n'avait pas pu sourire. Les éducateurs l'inscrivent dans des cours de langue. il retrouve le plaisir du chemin de l'école.
Un soir après le repas, il se confie à son éducateur: Dans l'enfer afghan, j'ai pratiqué la lutte, un sport bien courant là-bas. Je reprendrais les entraînements et je gagnerai des matchs. un jour vous seres fier de moi.
Ainsi, le lendemain, il commence à courir dans un parc. il court tous les soirs jusqu'à tard dans la nuit.
Un soir, lors de son entraînement, il voit une femme en train de se noyer dans un étang du parc de la Citadelle. il oublie qu'il ne sait pas nager. il saute dans l'eau glacée et il la ramène sur la berge. Quelle chance! La victime est en vie. La police le remercie et s'occupe de la victime. il se dit: "Je suis redevable à la France; ça y est, en sauvant la vie d'une femme, j'ai payé une partie de ma dette."
La vie continue, comme ses démarches administratives, sa formation, la convivialité et la cohabitation. Tous les jours, il apprend le sens de la citoyenneté, le respect et le vivre ensemble.
"Ici, ils me traitent comme les autres. Soit à cause de leurs métiers d'éducateurs, soit à cause de la Cour européenne des droits de l'homme, soit...je ne sais pas, je n'en sais rien!", dit-il
Un jour, il entend que le conseil général du Bas- Rhin a adressé un courrier aux foyers pour ne plus prendre en charge les mineurs isolés. Quel malheur! Je n'ai pas imaginé que le malheur ait pu franchir les frontières. Le malheur est donc un phénomène universel. Néanmoins, cette mesure, ça ne le concerne pas!
Quelques temps après, il entend qu'à leur majorité, les mineurs isolés, pris en charge par les structures d'accueil, doivent quitter les établissements. il est pétrifié par cette nouvelle mais se dit, je suis déjà majeur et encore une fois, cette mesure ne le concerne pas.
Puis, un peu plus tard, l'équipe éducative, avec beaucoup de peine, l'infomr que le conseil général du Bas-Rhin a adressé un nouveau courrier, son nom et ceux de ses camarades figurent sur la liste dont la prise en charge prend fin.
Il pleure! Deavnt cette mesure qui ne vise que des jeunes d'origine étrangère, il observe que l'équipe éducative est indignée. Les travailleurs sociaix du conseil général sont-ils également indignés? Il n'en sait rien.
Son destin est brisé pour la énième fois. il pense que c'est de sa faute d'être né en Afghanistan. Un pays où le malheur rôde perpétuellement. Il ne fallait pas naître ni en Asie, ni en Afrique.
"Ah mon Dieu, si j'étais né à Paris, à Brest, ou à Strasbourg
 peu importe la ville. J'aurais droit à une identité, à ce qu'on me reconnaisse citoyen. A être comme les autres jeunes de mon âge."
Depuis, ses rêves sont à nouveau saccagés. Désormais, comme auparavant, les cauchemars hantent ses nuits.
Le ciel de la capitale européenne est gris, les nuages épais prennent la lumière de cette ville qui a connu la souffrance.
Sur la Cour des Droits de l'homme, le ciel pleure.
en attendant le lever du soleil à l'horizon de la terre de la Fraternité, de l'Egalité et de la Liberté, Strasbourg respire mal ces mesures discriminatoires."
-Mahammad Zaher-
Ce texte a été publié dans la page "Rebonds" de l'hebdomadaire: Lien Social numéro 1083
illustrations: source: Toile