CRAQUERELLE DU MIDI
Lait nourricier, mais non marin, disaient déjà mes langues-mères, vert foncé exquisément pour chacun selon la sienne, avec, parfois, chez diverses consœurs, des moirés incarnats ; radieuse au soleil jardinier, rafraîchie entre chien et loup par le fredon léger d’une pluie qu’on lui dédie, elle est d’abord rosette à ne pas effeuiller puis devient cœur (certes pas de midinette), cœur en pomme, ferme fondant comme motte chez la crémière, cœur à craquer : baume tendre, narcotique un peu, stimulant de concert rêve, « tête rebelle dans la tête », et sang – que la jupe soit lâche ou non – ainsi qu’au temps du nilotique Min ou de Héra enfantant la Jouvence, ce temps d’il était une fois, de la Belle au Bois Dormant, des bœufs rentrant couverts de brume. Dorothea Viehmann en vendait-elle, quand elle connut les frères Grimm ?
S’il lui arrive d’être fatiguée, elle n’en fait pas d’histoires, fût-elle composant du mesclun dans le saladier convivial. A l’arrivée du récipient fusent des ah ! fusent des eh ! Les « c’est bon », les « j’aime ça » sont rarement bien perceptibles : difficile de déterminer si c’est surprise émerveillée ou politesse élémentaire.
Voilà sans doute l’occasion de servir un tavel (ce rosé du vignoble qu’assainit le mistral) ; façon de s’épargner une fin en querelle.
François Laur