Retour sur ma prédiction pour 2012

Publié le 20 décembre 2012 par Patriceb @cestpasmonidee
Au tout début de cette année, je me suis hasardé, comme beaucoup d'autres, à lancer une prédiction, sur le sujet alors brûlant des paiements via mobile. L'échéance approchant, il est temps de faire le bilan des 12 mois écoulés dans ce domaine qui domine toujours autant l'actualité et de vérifier si mes hypothèses se sont réalisées...
Pour résumer celles-ci, j'estimais alors que 2012 serait une année charnière pour le paiement via mobile dans les commerces "physiques", au cours de laquelle au moins un acteur du paiement par internet (par exemple PayPal) prendrait suffisamment d'ampleur pour esquisser la disparition prématurée des solutions sans contact (NFC).
Évidemment, il serait un peu exagéré de prétendre que cette prédiction s'est entièrement réalisée. Cependant, à regarder de près le paysage actuel du secteur, je pense qu'une bonne partie des arguments que j'ai développés il y a un an sont plus que jamais pertinents. Qui plus est, il semblerait qu'ils commencent désormais à être partagés par d'autres observateurs.
La réalité la plus incontestable est le piétinement persistant du paiement sans contact sur mobile. Les expérimentations continuent, notamment en France, sans aucune avancée notable, l'initiative américaine ISIS des principaux opérateurs de télécommunication a accouché d'une souris avec des mois de retard, Google Wallet a quasiment disparu des radars... Et, comme prévu, l'iPhone 5 n'intègre toujours pas la technologie NFC.
Face à cette situation, le réalisme commence à prendre le dessus. D'une part, les principaux intéressés (y compris quelques opérateurs) deviennent plus prudents, parlant de plus en plus d'une généralisation à l'horizon de 2017 et misant sur d'autres applications que le paiement pour déclencher la transition. D'autre part, quelques grands noms de la distribution décident de ne plus attendre et lancent leurs propres initiatives (entre autres, McDonald's et, plus récemment, Auchan, en France, ou Starbucks et le Merchant Customer Exchange, en Amérique du Nord).
A l'opposé, les "porte-monnaie mobiles" (m-wallet) basés sur Internet (les transactions sont gérées sur un serveur avec lequel communique le téléphone du consommateur et/ou le terminal du commerçant) se sont multipliés à l'infini, au point que je pense qu'il existe maintenant plusieurs centaines de solutions de ce type. Mais, contrairement à ce que je prédisais, aucune n'a réellement montré le moindre signe d'une domination en émergence.
Certes, Square a encore progressé, considérablement, mais son modèle repose toujours, pour l'essentiel, sur les paiements par carte et la perspective de l'introduction du standard EMV aux États-Unis (qui deviendrait obligatoire d'ici 2 ans) menace sérieusement son avenir. Quant à PayPal, le géant dont on attend l'arrivée effective dans le commerce "en dur", il a poursuivi ses expérimentations, toujours aussi variées, sans pour autant s'affirmer sur le secteur.

Alors, où en est-on aujourd'hui ? Comme le suggère David Marcus, président de PayPal, dans ses propres prédictions pour 2013, je pense qu'il est définitivement temps d'enterrer la technologie NFC pour le paiement. Même si les problèmes auxquels elle est confrontée maintenant étaient résolus, les quelques années qu'il faudrait pour y parvenir seraient suffisantes pour qu'une autre solution prenne sa place, si le paiement via mobile a réellement un avenir.
Car, dans l'état du marché actuel, il devient difficile de croire à un succès, quelle que soit la technologie retenue. Pour la plupart des acteurs, la raison de l'échec latent du sans contact serait liée à la complexité de l'écosystème (impliquant, en premier lieu une convergence d'intérêts entre opérateurs, institutions financières et fabricants de mobiles). C'est ce qui justifie la prolifération récente de porte-monnaie à base de QR codes, permettant à peu près les mêmes usages en toute autonomie.
Or, et David Marcus le rappelle aussi, ce sont là des solutions à un problème qui n'existe pas : les modes de paiement historiques sont non seulement inscrits au plus profond de nos cultures (donc difficilement remplaçables), ils sont également simples et rapides, quoi qu'on en dise, en comparaison des propositions alternatives. Pour réussir, il faut donc trouver une autre valeur à offrir, aux commerçants et aux consommateurs.
Conséquence directe, tout le monde s'est emballé pour la dernière tendance censée répondre à cette exigence : les porte-monnaie mobiles doivent intégrer le marketing, des offres promotionnelles, des bons de réduction, des cartes de fidélité... Incidemment, il s'agit du seul levier pour définir un modèle économique, les marges sur les paiements étant trop faibles pour cela. L'idée semble raisonnable mais est-elle réellement viable ?
Pour ma part, j'ai un doute... Les consommateurs seront naturellement intéressés mais les commerçants, qui devront en supporter les coûts, risquent de trouver la pilule amère. A minima, il faudra leur prouver que l'investissement qu'ils devront consentir sera rentable, ce qui s'avèrera probablement délicat. Et la multiplication des options disponibles dans ce domaine, qu'elles intègrent le paiement ou non (les promotions s'infiltrent partout !), est un facteur de confusion supplémentaire.
Je pense donc que cette solution miraculeuse pour l'adoption du paiement sur smartphone est un miroir aux alouettes. Je reste persuadé que seules de nouvelles expériences seront capables de faire changer les habitudes des consommateurs et qu'elles restent à inventer (encore que le "paiement automatique" de Square constitue pour moi un modèle du genre). David Marcus évoque ainsi les possibilités ouvertes par la géolocalisation ou par la capacité du point de vente à venir à la rencontre du client, mais il y en aura d'autres.
Pour conclure sur une nouvelle prédiction, sans regret pour celle de 2012, je propose celle-ci, en demi-teinte : les paiements via mobile (en boutique) resteront marginaux en 2013, en France, mais j'espère voir apparaître de nouveaux modèles, radicalement différents de ceux qui prévalent aujourd'hui, capables de donner une vraie impulsion au porte-monnaie sur smartphone.