Pierre
Durand
" NOLA Improvisations
"
Paris. Péniche l’Improviste.
Mercredi 19 décembre 2012. 21h30.
Pierre Durand : guitare électrique
Guido Zorn : contrebasse
Pierre Durand commence seul. En concert comme en studio, le son est très recherché, dès les premières notes. Une sorte de ballade lente, étrange. Parfait pour un avant-dernier soir d’automne sous la pluie à Paris. C’est synchrone avec le rythme des gouttes qui tombent dans l’eau du canal derrière la fenêtre de la péniche l’Improviste. Ce morceau se déroule comme une intro qui ne démarre jamais sur un morceau, laissant le suspense régner jusqu’au bout.
Les amplis crachouillent comme une radio bulgare des années 70. C’est un genre. Ce concert est le 2e d’une série de 6 concerts à l’Improviste qui visent à présenter les différentes facettes de l’album solo « Chapter one: NOLA Improvisations » de Pierre Durand. NOLA comme New Orleans, Louisiana puisque l’album a été enregistré là bas et comme l’anagramme d’Alone. Le premier concert portait sur la musique improvisée, inspirée de Buster Keaton, acteur et réalisateur comique américain du temps du muet (après avoir vu un film de Buster Keaton, voir Jean Dujardin en muet fait rire. De pitié) qui inspira une belle chanson à Jacques Higelin. Le 2e concert, celui de ce soir, est centré sur des musiques empruntées à d’autres genres musicaux que le Jazz, musique métisse par excellence : Tom Waits, Nick Drake, musique d’Inde du Nord. Les 4 prochains concerts auront lieu à l’Improviste en janvier, février, mars et avril 2013. Quant à leur programme, surprise.
Pour l’instant, Pierre Durand continue en solo. L’ampli participe au concert en crachouillant toujours. Pas grave. Cela fait partie de l’ambiance. Une sorte de Blues pop, très classe. Ca vient de la Pop Music à l’évidence. C’est doux et troublant. Pierre Durand joue en ondulant au rythme de sa musique, tenant sa guitare à la verticale. Nom de Zeus, c’est beau !
A 18 ans, Pierre Durand ne jouait que du Blues et n’aimait pas le Jazz. Trop de notes, trop compliqué. D’où la fameuse blague : quelle est la différence entre un guitariste de Rock et un guitariste de Jazz ? Un guitariste de Rock c’est 3 accords et 1 000 000 d’albums vendus. Un guitariste de Jazz c’est 1 000 000 d’accords et 3 albums vendus. Pierre a ouvert ses oreilles et son esprit au Jazz en écoutant quelques musiciens dont le guitariste américain John Scofield, toujours en activité. D’où ce titre hommage « Who the damn is John Scofield ? ». Il commence par des expérimentations entre mouvements du manche, cordes pincées très sèchement dans l’aigu, très beau vibrato dans le grave et, toujours présent derrière, le crachouillis de l’ampli comme un nuage de pluie fine. La mélodie mordante, ironique arrive. Ca devient captivant, envoûtant, un Blues sensuel, mystérieux, strié d’éclairs nerveux. L’électronique permet de faire tourner une boucle rythmique pendant qu’il improvise dessus. Plus besoin de guitare rythmique. S’il vivait en 2012, Django Reinhardt jouerait-il sans ses cousins ? C’est devenu méchamment funky, groovy. Ca marche. Je ne suis pas le seul spectateur à danser sur mon fauteuil, fort confortable d’ailleurs. Fin surprise au milieu d’une phrase.
Guido Zorn monte sur scène et prend sa contrebasse. Une très belle ballade s’élève de la guitare. C’est de la Pop Music de qualité, chantante comme un oiseau. Et le crachouillis de l’ampli ? Toujours présent en fond sonore. Cela en devient un choix esthétique. Son très romantique de la contrebasse sous l’archet. Un peu trop à mon goût d’ailleurs. Le contrebassiste en vient aux mains avec son instrument mais toujours en douceur.
Morceau plus rapide, énergique, lancé en duo, synchrone. Le contrebassiste garde la ligne mélodique, grave, profonde, vibrante alors que le guitariste tourne autour, léger, tranquille en parsemant des notes bien senties. La tension monte mais calmement, paisiblement, sans forcer. Le crachouillis de l’ampli a disparu. Il me manquerait presque. Pierre Durand partage un défaut avec Keith Jarrett et Glenn Gould : il grogne ce qu’il joue. Beau solo de contrebasse malheureusement un peu gâché par l’amplification qui étouffe, voile le son.
Une nouvelle ballade tout en douceur à la guitare. Ca sonne comme une bossa nova décalée. Beau solo, très précis du contrebassiste. Un peu larmoyant tout de même. « Apelo » et « Tristeza » de Baden Powell réunis en un morceau. C’était bien de la Bossa Nova.
PAUSE
Il y a école demain. C’est l’heure pour l’enfant sage que je suis de rentrer se coucher. Un guitariste en solo qui captive l’auditeur sans effet de manche, c’est assez rare pour être signalé. 6 concerts différents à partir d’un seul album, cela aussi c’est étonnant. C’est dire la diversité des talents de Pierre Durand. Vous avez donc compris, généreuses lectrices, munificents lecteurs qu’il vous faut, toutes affaires cessantes, écouter cette musique en studio et/ou en concert, l’acheter et en parler afin que son talent continue de s’épanouir pour notre plus grand plaisir.
Voici Pierre Durand jouant un morceau de son précédent album, " Coltrane " à Paris au 38 Riv' le 3 juillet 2012. A l'Improviste le 19 décembre 2012 c'était autre chose. De retour à l'Improviste en janvier 2013, ce sera encore autre chose. Artiste à suivre vous dis-je, généreuses lectrices, munificents lecteurs.