C’est devenu une habitude : Chaque année nous a présenté, au milieu des vétérans et de ceux qui ont prouvé leur talent, une multitude de nouveaux talents du hip-hop, en rap ou en production. Si certains officient depuis bien avant 2012, ils ne se seront imposés comme immanquables que cette année. Nous avons compilé 5 rappeurs et 5 producteurs, dans aucun ordre précis, qui ont réussi à s’imposer cette année au milieu des plus grands.
Si l’année dernière était phénoménale en termes de nouvelles figures, il est difficile pour 2012 d’en faire autant… Même si les pointures présentées cette année ne sont pas négligeables, loin de là. Mais c’est juste que quand 2011 nous a présenté A$AP Rocky, Cities Aviv, a agrandi le registre de Kendrick Lamar ou ScHoolboy Q, a mis Danny Brown au top de la scène underground, a révélé Death Grips, a témoigné du retour d’Ishmael Butler sous Shabazz Palaces, a vu des déjà-cultes comme Clams Casino ou Hit-Boy… On ne peut pas s’empêcher d’en vouloir autant pour 2012. Enfin bref. Il y a énormément de nouveaux rappeurs fascinants aussi, certains très jeunes même. On a choisi ceux qui semblent les plus… rentables. Allez !
Rappeurs
Joey Bada$$
A écouter : Survival Tactics, Waves, Hardknock
De tous les crews qui ont champignonné ces deux dernières années, on retient surtout Odd Future, l’A$AP Mob, les Black Hippy etc. Cette année, Joey Bada$$ et sa clique des Pro.Era auront marqué à leur tour les esprits du hip-hop. Alors qu’il n’a que 17 ans, il s’impose parmi ses pairs comme un pur produit de la génération Boom-Bap, s’inspirant du légendaire Illmatic de Nas et d’autres albums de cette période. Sa mixtape 1999 est une machine à remonter le temps et semble avoir été au sein de l’univers du rap depuis tellement longtemps… Plus que la simple production qui, prise à part, n’est pas si old school que ça, c’est Joey lui-même qui insuffle cet esprit vintage rap dans sa musique avec un flow ravageur. Il a récemment joué dans la cour des grands en compagnie de Danny Brown, A$AP Rocky, Kendrick Lamar, Big K.R.I.T., Action Bronson et Yelawolf sur le posse cut 1 Train issu du futur album de Rocky et il ne se laisse pas marcher sur les pieds. S’il a parfois des lyrics qui révèlent malheureusement quelques maladresses de jeunesse, on espère qu’en 2013 il saura s’imposer comme une figure essentielle du rap moderne.
Antwon
A écouter : Living Every Dream, Sittin’ In Hell, Give Me My $$$
Dans notre interview avec l’artiste cette année, on a comparé Antwon à un Biggie qui se mettrait au Cloud-Rap. Il faut dire qu’il est aussi affable et attachant, qu’il a un flow similaire tout en restant imposant. Pourtant, ça va plus loin que ça. Fréquentant Heems, Lil Ugy Mane, Main Attrakionz ou autres Cities Aviv, il est issu de la même ville que le fascinant Lil B et il nous répète que The Bay Area ain’t no joke. L’année dernière, il nous avait claqué avec sa mixtape Fantasy Beds où il rappait sur des beats de Clams Casino, Salem, Washed Out, Beautiful Lou… et Helicopter, avec son beat chillwave futuriste, qui reste l’un des meilleurs tracks hip-hop de 2011. Cette année il s’est beaucoup plus imposé, notamment avec la sortie de son premier album, End Of Earth, où son personnage évolue avec force et précision sur une production tout aussi variée. Il a des idées, beaucoup, et l’innovation dont il fait souvent preuve le rend tout aussi intéressant que ses thèmes introspectifs qui le rendent aussi intéressant. Antwon est maintenant signé sur Greedhead, le label de Heems, ex-membre de Das Racist et on est prêt à parier que son talent et ses sonorités uniques finiront par payer.
Chief Keef
A écouter : I Don’t Like, Love Sosa, Hate Being Sober
Cette année, la problématique du rap à Chicago s’est beaucoup posée. Entre King Louie ou Lil’ Reese, Chief Keef est passé de star régionale à 16-17 ans à rappeur reconnu internationalement. Tout ça, c’est d’abord pour le succès de I Don’t Like, mais aussi pour son style original et imprévisible. Alors oui, le personnage en lui-même s’est souvent prouvé détestable, comme on l’a montré ici. Mais au fond, Chief Keef est un de ces rappeurs qui ont commencé à prôner la violence et qui, au final, ont réussi à s’en échapper et à sortir de la rue pour contempler leur réussite phénoménale et décrire leur échappatoire. S’il a été repéré par Kanye West qui lui a donné encore plus de couverture avec son remix d’I Don’t Like, Chief Keef n’a jamais été un one-hit-wonder : Après sa mixtape Back From The Dead et son titre Love Sosa (qui, je peux vous l’assurer, n’est pas une chanson d’amour), son premier album sur un major label, Finally Rich, est sorti récemment et on voit bien que c’est une valeur sûre. Son flow est lent, ses rimes internes prêtent à confusion, son côté anti-lyrique est fascinant et la production pour l’épauler est tout aussi puissante. Quand il sort des phrases comme I get lots of commas, I can fuck yo mama, qui paraîtraient étranges chez d’autres, le tout prend beaucoup plus de style chez lui. Il a d’abord été comparé à un mini Waka Flocka mais son style évolue sans arrêt. Si le succès fantastique d’I Don’t Like, qui a fini par devenir un véritable meme ne vous suffit pas, le (très) jeune rappeur a beaucoup d’autres tours dans son sac et mérite toute votre attention.
Future
A écouter :Turn On The Lights, Same Damn Time, You Deserve It
Future est dans le rap depuis une bonne dizaine d’années. Il a suivi l’entraînement du Dungeon Crest, la famille d’Outkast et de Goodie Mob. Mais ce n’est que récemment qu’il a réellement percé dans le monde du rap mainstream, après plusieurs mixtapes. C’est un rappeur imprévisible, que beaucoup auront détesté à la première écoute car beaucoup trop singulier, mais qui, en général, ramènera toujours l’auditeur à le réécouter tellement il sera fasciné. C’est ainsi qu’on a vu beaucoup de sites acclamer son album Pluto comme le descendre – et qu’on l’a finalement vu partout dans les top albums de fin d’année. Future alterne entre rap idiosyncratique comme sur le trap anthem Same Damn Time et chant inondé (littéralement) d’autotune qui repousse tellement au début, lui donnant une voix unique aux sonorités maximalistes. Mais le résultat est réellement incroyable. Turn On The Lights est l’un des meilleurs tracks de l’année, révélant un Future extrêmement déchirant et émouvant comme il l’est beaucoup sur son album. Future est une figure difficile à cerner, réellement. Si vous vous laissez faire et que vous admettez que son style de rap est différent, vous trouverez sûrement l’un de vos nouveaux rappeurs favoris. Pluto a eu un succès commercial phénoménal, et posez vous la question : Quand est-ce que c’est, la dernière fois que vous avez écouté du rap aussi bizarre à la radio, aussi haut dans les charts ? L’astuce, c’est que Future a déjà marqué le hip-hop et on ne s’étonnera pas si en 2013 son style se fait pomper par d’autres.
Angel Haze
A écouter : New York, Werkin’ Girls, Cleanin’ Out My Closet
La place des femmes dans le hip-hop a toujours été ambigüe et difficile. Entre une Nicki Minaj imprévisible et une Azealia Banks moderne, s’imposer n’est pas chose facile. Angel Haze a pourtant un talent comparable à ces deux figures contemporaines du rap féminin. Son flow ravageur, son attitude jeune et son storytelling viscéral lui ont attiré un succès critique incroyable et on comprend pourquoi. Peu de rappeurs cette année auront été aussi téméraires : Après la sortie de Reservation, l’artiste a sorti une chanson qui reprend Cleanin’ Out My Closet d’Eminem en racontant l’histoire déchirante et brutale de l’évènement qui changea sa vie. Des violences sexuelles dès le plus jeune âge, ça marque et c’est encore plus courageux de le dire devant tous et de délivrer ses démons avec une énergie fantastique et ce n’est qu’un aperçu de ce dont elle est capable. On est prêt à parier qu’elle ne fera de ses camarades qu’un souvenir.
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Producteurs
Ryan Hemsworth
A écouter : Charly Wingate, Colour & Movement, Thinkin’ Bout You (Bootleg)
Ryan Hemsworth est sans doute le seul producteur de cette liste dont on vous fera écouter ses propres compositions/remixes que ses productions pour d’autres rappeurs. Pas que ces dernières n’en valent pas la peine, sinon il n’ouvrirait pas la deuxième partie de cet article – mais cet artiste est tellement talentueux et intéressant qu’il serait dommage de l’aborder que pour son travail dans le rap. Alors oui, il a toujours fait partie de la scène hip-hop, avec Friendzone et il est surtout reconnu pour avoir beaucoup produit pour les Main Attrakionz. Il est ce qu’on pourrait appeler une fusion d’un Clams Casino aux sonorités éthérées et un Lunice aux beats surpuissants et suintant de trap. Mais Ryan n’est pas seulement un hip-hop head, non. S’il mérite tant d’attention, c’est aussi parce qu’il fait partie du collectif Wedidit dans lequel officient Shlohmo ou encore RL Grime. On comprend alors pourquoi ses collaborations sont aussi fascinantes. Son dernier EP, Last Words, est l’une des sorties immanquables de cette année. Il s’est aussi fait connaître par ses remixes/bootlegs de Future, Grimes ou encore Frank Ocean. Il ne fait aucun doute que, vu la variété de son travail et son talent, il sera le prochain chaînon manquant entre cloud-rap et trap.
Mike WiLL Made It
A écouter : Turn On The Lights, No Lie, Bandz A Make Her Dance
Mike WiLL n’est pas simplement un simple producteur à surveiller, il est surtout le meilleur producteur de 2012 et celui qui a défini le son du rap cette année. Il a suffi d’entendre la voix féminine et suave qui murmure Mike WiLL Made It au début d’un track pour savoir que ce sera un énorme banger. Dans une année marquée par l’expansion du trap avec TNGHT ou Baauer, Mike WiLL a su faire continuer l’héritage trap dans le rap mainstream et a produit quelques unes des meilleures chansons rap de l’année. Les synthés qui suintent, les gros drums, les snares trap surpuissants, la basse colossale, tout ça c’est lui et il a su imposer ses sonorités dans le hip-hop moderne. De l’émotion d’un Turn On The Lights a la puissance colossale de Bandz A Make Her Dance en passant par sa co-production explosive sur Mercy avec Kanye West et Sonny Digital, ce producteur de génie a un vrai toucher de Midas sur le rap. Avec des sonorités marquées par son travail et celui de Hit-Boy, le rap mainstream a de longs jours devant lui.
Apollo Brown
A écouter : Just Walk, Prove Me Wrong, People’s Champ
Apollo Brown avait déjà sorti quelques releases l’année dernière et un peu avant. Il a aussi produit pour les rappeurs de Detroit, d’Elzhi à Danny Brown… Mais surtout, il a produit cette année un album sympathique avec Guilty Simpson, Dice Game, et le superbe Trophies avec O.C., pure perle de hip-hop. Cet album semble tout droit venu des années 90 avec son gros Boom-Bap, ses samples Soul bien intenses qui rappellent cette période et qui offrent à O.C. un espace singulier qui lui permet de ressusciter de chez les morts et de reprendre sa carrière en main avec énormément de punch. Il n’y a aucune difficulté à comprendre pourquoi cet album a été aussi bien reçu par les amateurs de rap oldschool : Avec Reloaded de Roc Marciano, peu d’albums cette année auront prouvé que la formule bon flow + bon beat était toujours aussi efficace.
Harry Fraud
A écouter : Bird On A Wire, Do It For The Bay, Cowabunga Gnarly
Harry Fraud aura touché à un peu tout cette année en rap. Du cloud-rap des Main Attrakionz avec son fantastique Do It For The Bay aux grosses pointures comme Wiz Khalifa ou French Montana, sa liste de victimes est impressionnante : RiFF RAFF, Action Bronson, Smoke DZA, Curren$y, Juicy J, Stalley, Wale, Meyhem Lauren… A la manière de Mike WiLL, La Musica de Harry Fraud en intro suffit à certifier une perle. C’est lui qui est à l’origine de Shot Caller, l’un des meilleurs tracks de French Montana. Rien que ça ! Son CV parle pour lui, et s’il est l’un des noms les plus demandés, c’est bien pour la qualité rafraichissante de ses beats, hazy à souhait. S’il a déjà accompli beaucoup, on est sûr que 2013 portera encore plus sa griffe.
Young Chop
A écouter : I Don’t Like, Love Sosa, 3Hunna
Au début, Young Chop a l’air d’être juste une version obèse de Chief Keef. Et pourtant, Chief Keef/Young Chop aura été l’un des duos gagnants en rap cette année, avec El-P/Killer Mike. En gros, c’est le producteur de Chief Keef et sa clique, et c’est à lui qu’on doit l’hymne I Don’t Like ou Love Sosa… Ou presque tous les beats de Chief Keef à vrai dire. Comme on a comparé ce dernier à Waka Flocka, il est naturel de remarquer que les beats de ce producteur sonnent comme ceux de Lex Luger. Son approche est plus minimaliste – on trouvera beaucoup de loops composés de simples notes, moins de hi-hats et plus de basse en général. Le résultat est toujours puissant et donne aux artistes une force capable de faire oublier le trap de Waka Flocka pour concentrer l’attention sur leurs hooks, tous aussi addictifs. S’il ne fait que commencer avec ses jeunes camarades, on sait aussi qu’il a eu de la production sur la tape de Big Sean et pour Gucci Mane. Il est probable que ses sonorités tellement reconnaissables finissent par se répandre sur une large partie de la production, pas seulement dans le Chi mais à un niveau global. Qui sait, le prochain Lex Luger est peut-être obèse.
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