Une veille de vacances endeuillée (Le voleur d’enfance #2)

Publié le 20 décembre 2012 par Lheureuseimparfaite @LImparfaite

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La classe était finie pour aujourd’hui. Bien au chaud depuis ma salle, une tasse de thé chaud dans les mains, je regardais les enfants jouer dans la cour attendant gentiment leurs parents pour rentrer en toute sécurité. Depuis la disparition d’une quatrième petite victime plus personne n’osait laisser son fils ou sa fille repartir seul sur le chemin de la maison. Tout le monde se montrait soudainement solidaire. Madame Martin raccompagnait les jumeaux Boudoucha, la famille Dutournoux avec son énorme monospace faisait la tournée des maisons isolées et ainsi de suite. Une gigantesque vague de solidarité s’était spontanément soulevée pour veiller au mieux à la sécurité des petits bouts… Quant à moi je restais toujours jusqu’au dernier instant. Épiant chaque visage, m’assurant qu’aucun inconnu n’aborde les petits. J’étais devenue hyper vigilante. Bien plus encore qu’avant que ce cauchemar ne commence…

Voilà. La cour s’était enfin vidée. J’allais à mon tour finir de ranger le matériel utilisé pour ce dernier jour avant les vacances de Noël, vérifier la fermeture de tous les volets et fenêtres de la petite école, passer dans mon bureau et récupérer les derniers papiers administratifs que je devais mettre à jour pendant ces chers congés…

Je me sentais complètement vidée. La journée passée avec les enfants s’était pourtant merveilleusement bien passée malgré l’excitation grandissante qui les gagnait, la fatigue accumulée par leurs petits corps et la crève carabinée du petit Valentin. L’hilarité générale nous avait même gagnés quand Pinuts, le lapin bélier de la classe, avait réussi l’exploit d’effrayer Jordan, la terreur des plus faibles,le mini caïd du village perdu de Murette-sur-Oivre. Échappé de sa cage (sans aucun doute avec l’aide d’un petit complice qui avait voulu le caresser en douce ou partager avec lui un bout de son goûter) Pinuts parti à la conquête de la salle s’était glissé derrière Jordan, le chatouillant au passage dans le dos et l’avait violemment fait sur-sauter, lui arrachant au passage un énorme « Mamaaaaan !!! » haut perché.

Dernière lumière éteinte, alarme enclenchée, je fermais la porte du petit bâtiment à double tour et me dirigeais doucement dans le froid vers ma vieille titine. C’était certes assez puéril d’avoir baptisé ma voiture, mais elle et moi avions parcouru tellement de kilomètres qu’elle était devenue titine, tout simplement. J’allumais le chauffage à fond, ou plutôt j’essayais. Avec le froid au dehors, l’air ambiant resterait glacé encore de nombreuses minutes avant qu’un peu de chaleur ne daigne s’échapper de la ventilation. Cela faisait bientôt dix ans que j’avais quitté la fac et je ne comptais plus les nombreuses fois ou j’avais rêvé, pardonne-moi titine, d’acheter une nouvelle voiture, plus confortable, avec plus de reprise et une meilleure tenue de route… Mais je n’étais jamais assez économe pour m’atteler pour de bon à un tel achat. Peu importe, tant que ma vieille 106 passait le contrôle technique, je ne me sentais pas dans l’urgence. C’était toujours le même problème avec moi, il fallait que je sois acculée à prendre une décision pour que je passe à l’acte. Enfin, ce soir ce n’était ni la neige, ni les copies, ni mon budget qui me préoccupaient.

Quatre familles s’apprêtaient à passer cette période de fêtes dans la plus grande tristesse et la plus grande souffrance qui soit. Trois petits corps démembrés avaient été retrouvés par des promeneurs dans trois grandes forêts françaises : le premier dans les Landes, le second dans la forêt de Fontainebleau et il y avait quatre jour à peine la dernière découverte macabre avait eu lieu dans la forêt de Chaux, quelque part en Franche-Comté. Vingt-quatre plus tard un quatrième garçonnet disparaissait à son tour. D’après les enquêteurs en charge de l’affaire, cet enlèvement était immanquablement relié aux premiers meurtres. Dans chaque cas les parents effondrés recevaient un colis contenant deux objets significatifs le lendemain du kidnapping. Aucun mot dans la presse n’avait encore révélé la nature exacte de ces objets, mais le fait était qu’ils étaient annonciateurs d’un grand malheur à qui les recevait.

Finalement ce soir peu m’importait d’être seule le soir du réveillon.

Prologue
Défi litéraire

  1. Lire le prologue : Le voleur d’enfance
  2. Participation au jeu d’écriture, défi littéraire « Des mots, une histoire » 84 chez Olivia. Les mots imposés étaient : cauchemar – ou – conquête – problème – frais – objet – mais – hilarité – jour – relier – fois – rester – glacé – mieux – période – fac (faculté) – deux