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Main dans la Main ne rencontrera peut-être pas le même succès public (et critique) que le précédent long métrage de Valérie Donzelli, La Guerre est déclarée. Pourtant, il apparaît nettement plus abouti dans la forme, toute dédiée à son concept. Tout commence, comme d’habitude chez Donzelli depuis La Reine des pommes en 2009, avec une rencontre. Un couple. Le début de quelque chose à deux. Joachim (Jérémie Elkaïm, fidèle muse), est un petit miroitier de province. Hélène (excellente Valérie Lemercier) est la directrice d’une école de danse de l’Opéra Garnier, à Paris. Ils se croisent, et ne peuvent plus se séparer. S’il bouge la main gauche, elle bouge la main gauche. S’il décide de quitter une pièce, elle ne peut que le suivre. Et vice versa. Coup de foudre forcé ? Non assumé ? Quoi qu’il en soit, c’est de ce postulat semi burlesque semi fantastique que Donzelli débute son ballet pop sur la relation fusionnelle, ce qu’elle signifie, ce qu’elle coûte, ce qu’elle cache. Ses théories, elles les exposent via diverses représentations : fusion dans le couple, fusion en amitié (entre Hélène et Constance), en famille (entre Joachim et sa sœur), au travail. Autant de chaînes qui, tout en rapprochant deux êtres (souvent complètement différents), se révèlent également très destructrices, dynamitant la notion d’individualité et de singularité nécessaires (ironiquement) à la survie même du couple.
Quand le « nous » prend le pas sur le « moi », que se passe-t-il ? Voilà la question qui hante aussi l’esprit du film, et celui de la cinéaste. Pour autant, Donzelli ne joue ni la carte de la simple dissertation (démontrer platement) ni celle de la facilité (se contenter d’une trame réjouissante) et parvient véritablement à ce que forme et fond s’étreignent en douceur, réussite qui demeurait discutable dans La Guerre est déclarée. Bien qu’elle déploie ici, les mêmes intentions, soit saupoudrer les rires de gravité, noyer le chagrin sous l’humour, elle le fait avec plus de subtilité. Ainsi, une tragique incinération laisse place à des éclairs de drôlerie bien sentis, la légèreté d’une parenthèse amoureuse devient chemin de croix existentiel. Jusqu’à la fin, Donzelli jouera l’équilibriste avec talent, animée par une métaphore originale, fil rouge plein de fraîcheur d’un film qui chorégraphie l’amour avec grâce et folie.