夜の部屋 (yoru no heya) chambre nocturne
À Paris.
Quand tombe la nuit, tu éprouves toujours ce plaisir coupable de regarder, par la fenêtre, la vie des autres. Observer l'intérieur d'un inconnu, sa décoration qu'on aperçoit juste, fragmentaire, diffuse derrière un voile de coton.
Des plafonds, des moulures.
Des embrasures.
Des livres au murs, des croûte horrible que tu ne voudrais jamais chez toi.
Mais voilà, c'est chez un autre.
Dans la pénombre, dissimulé dans l'anonymat de la rue, tu lèves le visage, tu contemples des différences, l'altérité infinie. Parfois, luxueuse, parfois, vétuste et dans une misère absolue.
Autant de vies et d'intimités inaccessibles. Une envie de voyeurisme, d'être une petite souris, pour observer un peu comment cela fonctionne ici. Voir les gens vivre dans un foyer, voir une autre normalité.
Juste en levant les yeux. Toutes ces fenêtres éclairées offre un panel d'humains. La diversité.
À Tokyo, la nuit tombe tôt, vers 19 h en été.
Un court crépuscule nimbe la ville de ses lumières de discothèque et déjà, partout la nuit s'étend. Les noren sont accrochés aux portes des izakaya et aux multiples petits restaurants de quartiers pour signifier leur ouvertures. Dans les hautes tours d'affaires, les lumières s'éteignent une à une.
Très vite, le noir domine, juste percé ici et là par les néons multicolores. Les zones commerçantes vivent à toutes heures, leur éclairage crient leur envies festives. Tu t'arrètes pour grignoter une patate à l'étal d'un marchand de rue.
Tu quittes les grandes artères, à l'abri des maison bases, toujours séparées par ces espaces vides, protections antisismiques qui sont autant de zone vides d'humain, juste fréquentées par les chats.
Des zones de ténèbres absolues.
Et puis, dans le dédale pentu calme et silencieux, un combini. Tu reconnais la franchise juste aux couleurs de l'enseigne.
L'intimité au Japon résonne avec encore plus de mystères, plus d'attrait. Tu connais la rigueur du masque social. Tu sais que dans ces chambres, dans le cercle de la famille, à l'intérieur, la vie est différente.
Ici aussi, tu ne perçois que des bribes étrangères, derrière les vitres, dans la nuit. Les différences.
Pourtant, nous sommes tous des humains.Copyright : Marianne Ciaudo