"Ce jugement confirme le rôle joué par la Macédoine dans les programmes secrets de transferts et de détentions orchestrés par la CIA, et c’est un grand pas en avant vers l’obligation de rendre des comptes pour les États européens qui se sont rendus complices de "restitutions" et d’actes de torture. La Macédoine est loin d’être un cas isolé. Plusieurs gouvernements européens ont coopéré avec les États-Unis dans le cadre des opérations de "restitutions", qui se sont traduites par des enlèvements, des transferts, des "disparitions" et des actes de torture. Si cette décision de justice va dans le bon sens, il reste encore beaucoup à faire pour que tous rendent compte de leurs actes en Europe", a estimé Julia Hall, spécialiste de la question de la lutte antiterroriste et des droits humains à Amnesty International.
"Ce jugement est historique. Il reconnaît que la torture et les disparitions forcées n’étaient pas étrangères au système de détentions secrètes et de "restitutions" mis en place par la CIA. Il insiste sur le fait que les victimes et le grand public ont le droit de connaître la vérité sur ces graves atteintes aux droits humains. Il affirme sans ambiguïté que l’Europe ne saurait être une zone d’impunité, mais doit être une terre de réparations et de responsabilisation, où les obligations découlant du droit international relatif aux droits humains ne sont pas contournées, mais bien remplies", a estimé Wilder Tayler, Secrétaire général de la CIJ. "D’autres gouvernements européens, comme la Pologne, la Lituanie et la Roumanie, contre lesquels des affaires sont en instance devant la Cour européenne, devraient prendre la mesure de l’arrêt rendu aujourd’hui et veiller à révéler la vérité, à diligenter des investigations approfondies, efficaces, indépendantes et impartiales, et à demander des comptes aux responsables présumés."
L’arrêt de la Cour met également en lumière l’absence d’obligation de rendre des comptes et de recours aux États-Unis, en notant que la plainte déposée contre la CIA par Khaled El Masri a été classée sans suite par les tribunaux américains, le gouvernement des États-Unis ayant invoqué la primauté des "secrets d’État".
Le 31 décembre 2003, les autorités macédoniennes ont arrêté Khaled El Masri, Allemand d’origine libanaise qui avait pénétré sur le territoire macédonien en provenance de Serbie. Elles l’ont maintenu en détention au secret, l’ont soumis à une disparition forcée, à des interrogatoires répétés et à des mauvais traitements jusqu’au 23 janvier 2004, date à laquelle elles l’ont remis à des agents de la CIA.
Dans le cadre des programmes secrets de "restitution" et de détention organisés par les États-Unis, la CIA a transféré Khaled El Masri vers un centre de détention secret en Afghanistan. Il y a été maintenu en détention illégale, sans être inculpé d’aucun crime et sans que sa détention ne fasse l’objet d’une révision judiciaire. Il n’a pas pu s’entretenir avec un avocat. Les autorités n’ont pas dévoilé où il se trouvait et il a été détenu au secret. Cet homme a véritablement été victime de disparition forcée pendant plus de quatre mois. Au cours de sa détention en Afghanistan, il a été torturé et maltraité.
Le 28 mai 2004, Khaled El Masri a été transporté par avion jusqu’en Albanie, où il a été libéré. L’arrêt rendu jeudi 13 décembre 2012 sur le placement en détention et la "restitution" par l’Agenc...