Ce 13 décembre 2012, l’Assemblée nationale a définitivement adopté, en dernière lecture le projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement. La loi devrait être prochainement promulguée.
J'ai suivi attentivement le trajet de ce projet de loi pour lequel j'avais été auditionné au Sénat puis à l'Assemblée nationale. Un texte très important qui marque un progrès du principe de participation sans éviter toutefois une complexité supplémentaire du droit de l'environnement. Le premier aurait pourtant pu se faire sans la seconde.
En effet, ce texte prévoit une procédure d'expérimentation ainsi qu'une motivation anticipée et par acte séparé qui auraient pu toutes deux être conçues bien plus simplement.
La ré écriture du principe de participation
Il convient de rappeler que le principe de participation, principe général du droit de l’environnement, est inscrit à deux endroits : dans la Charte de l’environnement et à l’article L.110-1 du code de l’environnement. Ce même principe de participation possède donc deux valeurs juridiques différentes mais en outre deux rédactions différentes.
L’article 7 de la Charte de l’environnement telle qu’écrite au sein de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, le définit en ces termes :
« Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».
L’article L.110-1 du code de l’environnement précisait, jusqu’alors :
« 4° Le principe de participation, selon lequel chacun a accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses, et le public est associé au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement ou l'aménagement du territoire ».
C’est cette rédaction du principe de participation au sein de l’article L.110-1 du code de l’environnement qui est désormais modifiée. L’article 1er de la petite loi relative à la participation du public précise en effet
« Article 1er
Le 4° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement est remplacé par des 4° et 5° ainsi rédigés:
« 4° Le principe selon lequel toute personne a le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques ;
« 5° Le principe de participation en vertu duquel toute personne est informée des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement dans des conditions lui permettant de formuler ses observations, qui sont prises en considération par l’autorité compétente. »
Cet article a donc pour effet de séparer, nettement, le principe du droit d’accès à l’information environnementale du principe de participation. Auparavant, le droit d’accès à l’information était une condition de la participation du public et définit au sein d’une phrase précédant immédiatement celle relative à la participation. Cette « séparation » du droit d’accès à l’information tient sans doute compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel au terme de laquelle la participation du public ne saurait se réduire à son information. Elle permet également de justifier le fait que ce projet de loi, relatif au principe de participation, ne traite pas, sinon à la marge, de son information. Reste qu’il est étrange que la définition « législative » du principe de participation s’écarte ainsi de sa définition constitutionnelle. Dans la loi et dans la Constitution, le principe de participation n’a plus tout à fait ni le même sens, ni la même portée. On regrettera également que le législateur n’ait pas saisi l’occasion de ce débat parlementaire pour mieux préciser le contenu et la garantie de ce droit d’accès à l’information.
Extension du champ d'application du principe de participation
La petite loi votée à l'Assemblée nationale comporte des dispositions qui s'appliquent directement à la procédure d'élaboration des décisions "autres que les décisions individuelles" (d'espèce et réglementaires donc),
- "des autorités de l’État, y compris les autorités administratives indépendantes, et de ses établissements publics"
- "ayant une incidence sur l’environnement"
Ce faisant la loi étend le champ d'application du principe de participation en élargissant la définition des décisions concernées.Rappelons que, jusqu'alors, l'article L.120-1 du code de l'environnement diposait :
"Sauf disposition particulière relative à la participation du public prévue par le présent code ou par la législation qui leur est applicable, les décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics sont soumises à participation du public lorsqu'elles ont une incidence directe et significative sur l'environnement".
Ainsi, seules les décision réglementaires ayant "une incidence directe et significative sur l'environnement" étaient soumises au respect du principe de participation. Les termes "directe et significative" ont donc été effacés.
Il demeure cependant encore une imprécision au sein de la petite loi : quelles sont précisément les décisions concernées ? En réalité, toute décision a, directement ou indirectement, une incidence sur l'environnement. Identifier les décisions soumises au respect du principe de participation était un enjeu majer de ce texte : le débat aura malheureusement été éludé sur ce point. Il faut espérer que le pouvoir réglementaire intervienne pour publier une liste des décisions concernées. A défaut il appartiendra, ce qui n'est pas une bonne solution, au Juge de le faire.
Pour les décisions des collectivités teritoriales, la loi habilite le Gouvernement a procéder par une ordonnance.
Une procédure de participation modifiée
La loi apportera plusieurs modifications.
En premier lieu, une note de présentation du projet de décision sera mis à disposition du public, par voie électronique ou sur support papier :
"Sous réserve des dispositions de l’article L. 120-2, le projet d’une décision mentionnée au I, accompagné d’une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique et, sur demande présentée dans des conditions prévues par décret, mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures. Lorsque le volume ou les caractéristiques du projet de décision ne permettent pas sa mise à disposition par voie électronique, la note de présentation précise les lieux et horaires où l’intégralité du projet peut être consultée".
La mise à disposition du projet de décision et de la note de présentaton part d'une bonne intention, celle de lutter contre la fracture numérique. Toutefois, tout opposant à un projet de décision aura certainement intérêt à demander la consultation en sous préfecture de ces documents. En cas d'absence constaer de ces documents en sous préfecture desdits documents, nul doute qu'un requérant soutiendra l'existence d'un vice de procédure.
Par ailleurs, le texte ainsi modifié de l'article L.120-1 du code de l'environnement précise que la note de présentation pourra être consultée dans un lieu déterminé en raison de son volume. Le texte ne précise cependant pas si le volume de ce document peut constituer un motif régulier de rejet d'une demande de consultation en sous préfecture.
En second lieu, la liste des consultations à venir et leurs modalités seront rendues publiques :
« Pour les décisions à portée nationale, la liste indicative des consultations programmées est publiée tous les trois mois par voie électronique.
« Au plus tard à la date de la mise à disposition prévue au premier alinéa du présent II, le public est informé, par voie électronique, des modalités de consultation retenues." (nouvel article L.120-1 du code de l'environnement).
En second lieu, le public pourra formuler des "observations", ce qui permettra un débat à la fois vertical et horizontal.
Il convient de noter que ces observations ne seront pas immédiatement rendues publiques par mise en ligne. Dans un premier temps, lesdites observations seront simplement remise à l'autorité administrative qui est, "juge et partie" :
« Les observations du public, déposées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l’autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt et un jours à compter de la mise à disposition prévue au même premier alinéa".
La mise en ligne de ces observations fera tout d'abord l'objet d'une expérimentation comme le précise l'article 2 de cette petite loi :
« Au terme de la période d’expérimentation prévue à l’article 3 1er bis A de la loi n° du relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement, les observations déposées sur un projet de décision sont accessibles par voie électronique dans les mêmes conditions que le projet de décision.
L'article 3 de la petite loi dispose :
"À titre expérimental, à compter du 1er avril 2013 et pour une durée de dix-huit mois, dans le cadre des consultations organisées sur certains projets de décrets et d’arrêtés ministériels en application de l’article L. 120-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la présente loi, et sous réserve des III et IV du même article :
1° Les observations du public formulées par voie électronique sont rendues accessibles par voie électronique au fur et à mesure de leur réception et maintenues à la disposition du public pendant la même durée que la synthèse prévue au II du même article L. 120-1 ;
2° La rédaction de cette synthèse est confiée à une personnalité qualifiée, désignée par la Commission nationale du débat public.
Un décret détermine les domaines dans lesquels les projets de décrets et d’arrêtés ministériels sont soumis à l’expérimentation prévue au présent article. Il précise, en outre, les modalités de désignation et de rémunération de la personnalité qualifiée mentionnée au 2° et les conditions auxquelles celle-ci doit satisfaire en vue notamment d’assurer son impartialité.
Six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation en vue de décider de sa généralisation, de son adaptation ou de son abandon."
L'expérimentation portera donc, tant sur la mise en ligne des observations du public que sur la rédaction de la sytnhèse des observations du public par une "personnalité qualifiée". Le principe de cette expérimentation est assez étrange car on voit mal comment, à son terme, son objet pourrait être abandonné. Par ailleurs, il est étonnant que cette "personnalité qualifiée" n'ait pour foonction d'être la garante de la participation du public au delà de la rédaction de la note de synthèse. Dans ces conditions qui sera chargé de modérer les observations du public et de s'assurer en retour qu'aucune censure n'est excercée au delà des propos injurieux, xénophobes etc.. ?
En troisième lieu, la petite loi étend l'obligation de motivation des actes administratifs non sans en accroître la complexité :
"Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations du public ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. La synthèse des observations indique les observations du public dont il a été tenu compte".