Retour en Terre du Milieu. Presque 10 ans après le dernier volet de la trilogie qui redéfinit les contours de l'heroic fantasy, Peter Jackson réinvestit l'oeuvre de Tolkien en portant à l'écran Le Hobbit, prologue à l'oeuvre phare de l'auteur du Silmarillion. Prélude à deux autres segments devant sortir en 2013 et 2014, Le Hobbit, un voyage inattendu, s'avère une oeuvre décevante, bien que dotée de fulgurances émotionnelles indéniables.
Car loin de la puissance d'immersion et de la force d'évocation du Seigneur des Anneaux, Le Hobbit souffre d'un traitement dont la légèreté n'a d'égale que la profondeur de propos dans laquelle baignait la trilogie initiale du réalisateur de Braindead. Ainsi, les vannes à répétition des nains ou la navrante scène des orques autour du feu de bois font tomber le film dans une quasi-parodie pour enfants qui rebondit loin, bien loin de son modèle.
Malheureusement, ce n'est pas seulement dans le cadre du bac à sable que le bât blesse. Ainsi, le sentiment d'avoir déjà vu ces montagnes, d'avoir déjà été émerveillés par ces plaines, d'avoir déjà observé ces splendides vues aériennes filmées d'un hélicoptère, amputent sérieusement le film de son pouvoir d'émerveillement: ce que l'on voit et la façon dont on le voit nous ont déjà été servis par le passé, dans les mêmes décors, par le même réalisateur, avec les mêmes effets.
Cependant, et malgré ces faiblesses qui égrènent le film du début à la fin, Le Hobbit parvient de temps à autre à trouver de sa superbe et à sortir la tête de l'eau, notamment lors de deux scènes. La première convoque deux géants de pierre qui se livrent à un combat homérique. La séquence, d'une force d'évocation instantanée, nous laisse littéralement bouche bée, la mise en scène de Jackson saisissant le gigantisme de l'action et caractérisant ses monstres de pierre par la seule force de ses cadres et de ses mouvements de caméra.
La seconde, située en fin de métrage, retrouve enfin le souffle lyrique et la dimension épique que l'on attendait du film. Ainsi, le face-à-face entre le roi des Nains et son ennemi, le chef des Orques, mérite à lui seul (et alors qu'il ne dure qu'une dizaine de secondes) la vision du film dans son entier.
En-dehors de ces deux moments de pur génie, Le Hobbit se révèle malheureusement un pétard mouillé. Et lorsque Bilbon déclare à la fin du film que le plus dur est maintenant derrière lui, on espère de tout coeur qu'il en est de même pour nous. Réponse dans les deux ans à venir.