Musique : Stereolane, l’orphelin d’une génération à fleur de peau

Publié le 18 décembre 2012 par Ralph

Photo du clip JailBreak. Vocals : Craig Walker.
Guitar : Nicolas Berrivin. Keyboard : Aymeric Westrich. MPC : Erwann Guirriec. Mixed by Quentin Guiné; François Baurin.

L'album Stereolane, entre concept artistique et expérimentation musicale, est une véritable surprise. Il réunit plusieurs artistes, certains plus connus que d'autres, dans un EP (Extended Play) à la fois paradoxal et incontournable.

Pour Nicolas Berrivin et Aymeric Westrich, à l'origine du projet, "Stereolane n’est ni le nom d’un groupe, ni celui d’un album, ou les deux à la fois". L'album devait à l'origine servir de bande originale à un court-métrage qui ne verra finalement jamais le jour.

Orphelin donc, mais doté d'un potentiel artistique profondément incarné, c'est finalement la passion et la fougue de ses créateurs qui ont eu raison de cette triste situation avec la publication cette année de l'œuvre audio, avec tous ses paradoxes, son ambiguïté aussi, mais avec une chaleur d'écoute pour le moins attendrissante.

Les six titres sont réalisés sur mesure, avec un réel souci du détail. En écoutant JailBreak, le décor est planté. Il y a quelques mois, c'est en découvrant cette chanson, interprétée par Craig Walker du groupe Archive, que nous avons pour la première fois goûté à ce climat doux et feutré.

L'ambiance est émouvante dans un sérieux souvent touchant. Les sentiments y sont exacerbés ou au contraire tout en retenue sur d'autres mesures. Cette ballade chatoyante dégage une mélancolie à la mesure, à priori, de ce qu'auraient pu être les images d'un film dont l'absence laissera un goût amer à ces artistes ambitieux.

Pour illustrer l'émotion que suscite Stereolane, il faut aussi découvrir By the Road avec au chant l'interprète et musicien suédois Olle Nyman. L'orchestration, l'harmonie, sa voix transportent cet EP dans une autre dimension, où tristesse, désillusion et espoir se mélangent, se bousculent ou simplement interagissent en toute intimité.


Le site Internet de Stereolane - www.stereolane.com

Cet album de vingt-cinq minutes tout au plus, entre arrangements pop, rock, folk, et "ambient", en forme de bande originale, se prête aussi à des sons plus rythmiques comme Well Well Well interprété par Craig Walker. L'album débute avec ce titre un brin nostalgique plongé dans des sonorités à la fois typiquement "british" mais très clairement orientées vers un Rock'n Roll plutôt classique, en place.

Une valeur sûre

Au fil de notre écoute, nous avons aussi croisé une artiste nantaise, Loh (Lorraine Houpert). Comédienne et chanteuse, elle fait également partie de ce projet dans lequel on la retrouve sur le titre New Guy. Sa voix chaude, très affirmée, sa délicatesse, sa maturité, cette douceur à fleur de peau, ajoutées au titre qu'elle interprète, font d'elle une valeur sûre.

Autre surprise: le style et le ton donné à Come Back to me par Jessie Rose. En fermant les yeux on croit entendre l'une des "enfants cachées" de la regrettée Amy Winehouse. Toute raison gardée, le titre est efficace, à l'image d'un projet charismatique, pour lequel il faudrait encore s'investir pour ne pas gâcher la fête et rester, malgré nous, sur notre faim.

Ainsi donc, au-delà du son, de la réalisation, de ce professionnalisme et de cette musicalité, cet EP est une aubaine, une belle opportunité, bienvenue pour les passionnés que nous sommes. Même si selon toutes vraisemblances nous restons plutôt attaché à l'"individualisme" des titres, à défaut du concept qu'ils intègrent, malgré eux.

Mais comment y donner une suite, un avenir pour Stereolane, avec ou sans images? Pourquoi pas sur scène ou pour réaliser un nouvel album, plus abouti, moins dépendant, peut-être, de telles ou telles idées ou projets, aussi originaux soient-ils?

En attendant, nous vous invitons à lire l'interview que nous ont accordé Lorraine Houpert (Loh) et Aymeric Westrich, une interview réalisée par notre correspondant à Paris, Charles-Éric Perrin Gimet.

INTERVIEW - Lorraine Houpert (L) et Aymeric Westrich (A):

Avant toute autre chose, que cache l’appellation STEREOLANE, le nom d’un groupe, le titre d’un album?

A : STEREOLANE c’est d’abord une idée, un concept, un « mood »,  de Nicolas Berrivin, membre du groupe SMOOTH, qui est par ailleurs mon cousin.

On cherchait tous les deux à sortir de nos univers. Nicolas voulait quelque chose de différent de ce qu’il avait fait longtemps avec SMOOTH et moi autre chose qu’AUFGANG.

On a composé ensemble les premières notes pour un court métrage de Jules Thenier, « Jane ». D’abord pensé sur la relation musique-image, on en a finalement fait un E.P.

L : On a travaillé très dur pendant 6 mois, moi de mon côté et les garçons du leur…  mais le court-métrage, dans lequel j'étais en plus sensée jouer Jane, a été abandonné, une semaine seulement avant la présentation des créations.

Quand on nous a annoncé que le film ne se ferait pas, on s’est tous dit qu’on ne pouvait pas abandonner ce qui avait déjà été fait.

A : STEROLANE ce n'est finalement ni un titre d’album, ni un nom de groupe mais plutôt, par la force des choses, la musique d’un film qui n’existe pas.

Vous vous êtes entourés d’une équipe solide. Comment s’est passée votre rencontre?

L : Je connaissais Nicolas depuis le lycée. A l’époque je le voyais bien travailler comme animateur. Il me faisait penser à De Caunes … Mais finalement il s’est tourné vers la musique et la composition. On s’est retrouvés au moment de travailler sur la B.O du court-métrage.

Je devais jouer Jane, mais à force de travail sur les titres de l’E.P, ils m’ont aussi encouragée à reprendre New Guy, d’abord chez moi à Paris, seule, et ensuite en studio à Nantes.

A : Oui, l’équipe, dont Lorraine fait intégralement partie, est idéale. Xavier Thibault pour l’arrangement des cordes, Cyril Montreu pour les guitares, Richard Posselt à l’accordéon, et beaucoup d’autres artistes … se sont avérés ultra-importants et surtout très engagés.

Nous n’aurions pas pu faire cet E.P sans l’aide de tous les featurings.

Pour parler des featurings, comme expliquez-vous qu’il n' y ait qu'eux sur l’E.P?

A : Comme on l’a dit, les musiques avaient été composées pour un film. Il nous fallait absolument plusieurs timbres pour "coller" au mieux à toutes les situations possibles.

A chaque temps fort du film devait s’exprimer un talent, un timbre différent et on a trouvé intéressant de faire appel à plusieurs chanteurs, d’univers variés, pour servir les ambiances.

Au final, on a un E.P très contrasté entre Pop et Folk avec Jesse Rose ou Craig Walker, et des voix parfois lyriques ou plus mélancoliques comme celle de Loh. Un beau mélange…

Un beau mélange comme vous dites, avec Loh (Lorraine) qui sert le style très diversifié de l’E.P. Lorraine, dites nous justement comment s’est passée votre collaboration avec Nicolas et Aymeric?

L : Je travaillais sur tous les titres, tranquillement, chez moi, et j'envoyais les résultats aux garçons à Nantes. Ils ont semblé apprécier la plupart de mes propositions mais le titre New Guy s’est imposé à tous comme une évidence.

Cette chanson devait être le titre générique du film, et ce sont les idées de l’héroïne Jane, les miennes donc, qui étaient censées s’exprimer…

A : Lorraine, quand elle chante New Guy a un timbre très particulier et nous fait pénétrer dans un univers dans lequel nous n’avions pas encore plongé. Elle enrichit encore l’E.P, et de quelle façon!

Lorraine, on connaissait vos talents de comédienne à travers le FIEALD, mais nous sommes forcés de constater que vous êtes aussi chanteuse…

L : Le chant était là bien avant la comédie. J’ai commencé au FIEALD par le groupe qui s’y produit aussi tous les dimanches et ce n'est que deux ans plus tard que je suis montée pour la première fois sur la scène du Trévise. Au FIEALD je chante encore mais heureusement ça n’a rien à voir! (Rires)

Je n'ai pas décidé de devenir « chanteuse ». J’arrive même tout juste à me dire que je le suis.

A la maison, mon frère jouait de la guitare, j’aimais l’écouter et mes parents m’ont envoyée faire un stage de chant… Ca a été une formation bien courte mais qui a sans doute beaucoup participé à l’amour que j’ai de la scène aujourd’hui et au plaisir que j’ai eu à enregistrer avec STEREOLANE.

C’est peut-être le début d’une longue collaboration… A ce propos, avez-vous des projets en commun ou même chacun de votre côté?

A : Au vu des retours que l’on a sur STEREOLANE, on va continuer à travailler dessus avec Nicolas dès ce début 2013. Et pourquoi pas aussi avec Lorraine? Cet E.P est une excellente carte de visite et on va s’atteler à donner une véritable identité à STEREOLANE.

Plus personnellement je réalise l’album de Ana Zimmer, une artiste de talent qui ne demande qu’à émerger. Et avec mon groupe, AUFGANG, on travaille à la finalisation de notre nouvel album qui, on l’espère, sera prêt en mars 2013.

L : Pour ma part, j’espère encore faire cartonner le FIEALD tous les week-ends. Ce que je fais au Trévise entraine à écrire vite et du mieux que l’on peut, alors je continue à le faire pour moi mais aussi, en ce moment, pour Arnaud Cosson, et ses sketchs pour France 2 dans « On ne demande qu’à en rire » et le « Ondar Show ».

D’un point de vue plus musical, je travaille sur un album Pop avec Alexandre Azaria que j’ai rencontré sur le tournage de Transporteur 3. Un soir, alors que je travaillais déjà avec Nicolas sur les titres de STEREOLANE, il a entendu un de mes morceaux et, par je ne sais quelle chance, il a énormément apprécié.

J’espère voir le résultat paraître courant 2013. Et tout cela, entre autres projets sur le web.