Coïncidence.
Rien qu'une coïncidence mais c'est tout de même... surprenant. Ces
derniers temps, il est rare que je lâche le polar ou la SF pour des
ouvrages de littérature générale, et encore moins de littérature
générale française. Néanmoins, il y a quelques semaines, j'ai lu
l'avis très élogieux de Morgane concernant le dernier livre de
Martin Winckler, En souvenir d'André. Hormis Le Chœur des femmes,
j'avais apprécié tous les romans appartenant à la veine médicale
de l'auteur parus chez POL et je ne manque jamais de m'intéresser à
chaque parution s'y inscrivant (les polars que le monsieur a écrit
m'ont bizarrement beaucoup moins intéressés).Pourquoi
coïncidence, donc ? J'ai commencé le livre hier soir dans un
cabinet médical – n'allez pas croire que j'aie pu déceler une
coïncidence dans ce simple état de fait, mes perfides et chers
collègues vous diraient que je passe mon temps chez les médecins –
pour le terminer aujourd'hui, date à laquelle le professeur Sicard a
remis à François Hollande son rapport sur la question de la fin de
vie.La fin
de vie. Le suicide médicalement assisté, c'est là le thème
central abordé de manièresensible et juste dans En
souvenir d'André.Dans
un futur proche, l'aide médicale au suicide a été légalisée.
Emmanuel, ancien médecin à l'Unité de la douleur, est atteint d'un
cancer et reçoit chez lui la visite d'un volontaire chargé de
l'accompagner dans ses derniers instants. A cette occasion, il
raconte ses souvenirs, remonte aux sources de son parcours, des
circonstances qui l'ont amené à aider les gens à mettre fin à
leur jour, quand cela n'était pas encore autorisé."Quant
à les aider à choisir le moment de partir, il n'était même pas
permis d'en parler. Les principes comptaient plus que le soulagement
des souffrances." Il
l'a fait une première fois. Puis une autre, en souvenir d'André.
Puis plein d'autres fois encore. Il restait présent. D'abord pour
soulager la douleur, ensuite, parce que c'était indissociable, pour
écouter et absorber les histoires des uns et des autres."J'espère
que je ne vous assomme pas avec toutes ces histoires. Mais nous
n'avons que ça, finalement. Des histoires. Pour nous aider à vivre,
pour nous préparer à mourir."En
souvenir d'André est un roman qui mérite d'être lu à voix haute.
Martin Winckler a usé ici d'une sobriété stylistique qui restitue
d'une façon assez remarquable la fragilité des êtres qui le
peuplent. Emmanuel s'en fait le témoin grâce à sa mémoire
exceptionnelle. C'est par lui que transitent toutes leurs histoires,
qu'elles nous parviennent avec émotion. Point de pathos pour autant.
La réalité, dans cette fiction, n'est pas loin, on le sait. Elle
n'a pas besoin d'artifices pour s'exprimer dans sa plus absolue
sincérité. A cet effet, Martin Winckler revient donc sur
l'importance de l'écoute du patient, la considération à apporter à
la souffrance et à la nécessité de l'atténuer, sans oublier
l'évolution de la société, une société qui gagnerait à être
plus progressiste, ne serait-ce que pour se recentrer, en ce qui
concerne la fin de vie, sur le respect dû aux personnes et à leur
dignité. Vaste débat qui n'a bien sûr pas fini de faire couler de
l'encre...