C’est peu de dire que j’avais des doutes sur ce concert. En même temps, Peter Hook quoi… Mais, justement, Peter Hook c’est aussi Monaco et Revenge. Pas la meilleure chose que la musique ait produite. En même temps, Peter Hook quoi… Echappé en solo de New Order et arrimé à un nouveau groupe, The Lights, avec qui il dit prendre du plaisir à jouer. En même temps, Peter Hook qui ressasse son passé, de livre sur la Hacienda en concerts de Joy Division. Mais, justement, Joy quoi.
Mes sentiments sont mitigés et, au dernier moment, j’ai la tentation de la fuite. En même temps, Peter Hook quoi. Avec LE François Miranda, plus Blue Monday que jamais malgré son total look noir : caban, écharpe et pompes cirées. Et puis, c’est le Trabendo, LA salle qui va bien, lieu où je me suis régalé d’un Gang Of Four dantesque ou encore d’une Melissa Auf Der Maur sublime. Alors va pour Hookie et ses souvenirs. Je suis tellement de bonne humeur ce matin que je vais même avoir la délicatesse de zapper toute appréciation sur la première partie qui me force à me réfugier au bar avec mon complice.
Nous y voilà donc. Joy, ça commence forcément par une ligne d’accords à la basse. Normalement, c’est Peter Hook qui s’en charge. Le flémard va déléguer à un acolyte sacrément doué, donnant mieux que l’illusion. Je te parle pas des répètes qu’il a dû se fader avec le vieux. Le batteur, outre une coupe de cheveux estampillée post punk comme il faut, maîtrise sacrément les fûts. L’ambiance est donnée d’entrée de jeu, on va plus lorgner du côté de Warsaw (Joy avant qu’ils ne changent de nom) que d’une fin dominée par le carton commercial de Love Will Tear Us Apart. Me voilà joie.
La salle est gentiment pleine. De quadras essentiellement. Du coup, ça va pogoter sec à chaque pic d’énergie dont The Lights ne se montre jamais avare. Hookie harangue la foule, le bras souvent levé (l’avantage de ne pas jouer, hey). Je me vois obligé de rassurer François, c’est un clin d’œil à 1977 et rien de plus, t’inquiètes pas. Cette débauche d’énergie est, par instants, mélangée à tous les stupéfiants qu’a consommés Hookie au cours de ses longues vies. Ça donne un ton singulier à Isolation.
Assurément, nous ne sommes pas dans le revival nostalgique mais bien dans une interprétation toute personnelle des standards séminaux qui composent Unknown Pleasures et Closer, les deux albums de Joy. On en vient vite à oublier que Hook, à force d’abus et avec un petit ventre replet qui me fait oublier mes propres rondeurs, ne pourra jamais avoir la voix d’Ian Curtis. Et tu sais quoi ? Ce n’est pas grave. Même quand il beugle, ça le fait. Nous sommes ailleurs, dans un pub bondé de Manchester (pour parfaire le truc, il caille comme de juste dehors).
Au final, ce ne sont pas moins que deux heures de concert que nous offre The Lights, quitte à faire ahaner le vieux. Mais après, il y prend visiblement plaisir. Sourire. Mains tendues vers la foule. Il s’essaie même à échanger avec elle. Qui n’en demandait même pas tant, heureuse qu’elle est d’être là, replongée – adulte – dans ces années 77-79 qu’elle n’a guère eu l’heur de connaître. Evidemment, y a des veinards… François quoi… lequel rejoint la longue liste de ceux qui ne peuvent plus brailler sans mettre trois jours à s’en remettre. Mon ami est néanmoins exceptionnel : lui non plus n’a pas jugé bon de s’introduire des bouchons dans les oreilles. Au vu du volume sonore dégagé, il faut qu’il aime vraiment Joy. Ça tombe bien, moi j’aime vraiment Warsaw. L’un comme l’autre nous avons eu notre compte de bonheurs.
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Bonus vidéo : Peter Hook and The Lights « Decades »
(live @ Trabendo, Paris, 17 décembre 2012)