Stephan Beaucher, coordinateur pour la France de la Coalition OCEAN 2012, une coalition européenne regroupant une centaine d'associations qui luttent contre la surpêche.
donnez votre avis 24 24 personnes aiment cet articleOCEAN2012, coalition européenne d'ONG (170 dont 12 en France), oeuvre pour que la réforme de la Politique commune de la pêche mette un terme à la surpêche.
Plus d'infos sur le site : ocean2012.eu
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De tous temps, manger du poisson a été associé aux évènements festifs pour, en quelque sorte, "marquer le coup" en remplaçant la viande quotidienne. Pourtant les plats de poisons qui étaient considérés comme un festin accessible au plus grand nombre comme la bouillabaisse Provençale ou la cotriade de Bretagne se retrouvent maintenant plus souvent sur les menus des restaurants plutôt haut de gamme que sur la table familiale.
La surpêche est passée par là; elle a sérieusement endommagé les stocks et mené à la ruine des pêcheries jadis florissantes et propulsé le prix du poisson vers le haut. Jusqu'à quand pourrons nous encore nous régaler d'une brandade de morue ou proposer une anchoïade le soir du nouvel an? Les seuls poissons que nous verrons seront-ils ceux en chocolat qui fleurissent dans les boutiques à Pâques ou ceux du premier avril?
Deux évènements majeurs vont aujourd'hui apporter une réponse à ce questionnement volontairement caricatural.
Ce mardi 18 décembre, notre ministre en charge de la pêche, Frédéric Cuvillier, va fixer, avec ses homologues européens les limites de captures qui seront applicables lors de la campagne 2013. C'est l'occasion ou jamais pour les ministres des pêches de faire preuve d'audace en fixant des quotas conformes aux recommandations scientifiques en la matière. Notre ministre doit prouver qu'il a bien à l'esprit les intérêts à long terme de la pêche française en apportant un soutien sans faille à la restauration des stocks et à l'avenir des communautés côtières qui en dépendent.
Les hasards du calendrier politiques font qu'aujourd'hui également, la commission Pêche du Parlement Européen se prononcera sur la réforme de la Politique Commune des Pêches, une réforme très attendue parce que nécessaire. Les députés européens ont maintenant un rôle clé et doivent s'en servir pour mettre un terme à la surpêche qui est devenue endémique au fil des ans. Nos représentants à la Commission Pêche, Isabelle Thomas et Alain Cadec doivent sortir la pêche européenne de l'ornière en restant déterminés sur l'engagement qu'ont pris les états-membre en 2002, au Sommet de la Terre de Johannesburg, de restaurer les stocks en 2015.
La bonne santé des océans est une idée qui a fait son chemin dans les préoccupations de la société civile qui perçoit la surpêche comme un gaspillage que rien ne peut justifier. Ce 18 décembre, des millions d'yeux observeront notre ministre et nos députés européens dans l'attente de décisions tranchées et non de " réformettes ". Ils disposent là de l'espace politique pour le faire ; qu'ils n'aient pas la faiblesse de manquer cette occasion qui est sans doute la dernière !
63% des stocks atlantiques et 82% de ceux de Méditerranée sont surpêchés, ce qui rend la situation extrêmement délicate. Les décisions qui seront prises ce 18 décembre devront répondre à une question centrale : Mettons-nous, oui ou non, un terme immédiat à la surpêche ? Quand et à quel rythme le faisons nous? Si nous ne répondons pas à ces questions, tous les autres axes de la Politique Commune des pêches deviendront caducs et nous aurons tous perdu la partie...
Pour être délicate, la situation n'en est pas pour autant sans issue : En effet, la surpêche est le fléau le plus accessible parmi les défis environnementaux auxquels est confrontée l'Union Européenne. Ce qu'il faut pour y mettre fin, c'est une bonne dose de courage politique, celui qui a manqué sur les 30 dernières années, celui dont l'absence a enfermé les décisions dans les intérêts de court terme.
La surpêche n'est pas une fatalité et certains pays l'ont éradiquée. Aux Etats-Unis, elle est même passible de prison depuis 2006! Lors des discussions et votes, les ministres et députés européens doivent garder en tête l'exemple de ces pays et faire preuve d'ambition quand il s'agira de fixer les limites de capture et d'entamer le processus de restauration des stocks. Ce n'est qu'avec cette conviction qu'ils parviendront à garantir un avenir au monde de la pêche et aux communautés de pêcheurs.
L'an dernier, les limites de captures accordées par le conseil dépassaient de 41% les recommandations scientifiques. En octobre de cette année, sur les dix qui ont été accordées pour la Baltique, cinq se situent au-dessus de la recommandation scientifique (jusqu'au double dans le cas du saumon). Monsieur le Ministre, c'est exactement ce que nous ne voulons plus voir ! Car là ou l'avis scientifique est respecté la situation s'améliore comme l'a confirmé la Commission dans sa communication de juin dernier.
Mesdames et Messieurs les ministres de la pêche, vous devez honorer votre engagement de restauration des stocks en 2015 en réduisant dès aujourd'hui les autorisations de capture. Bien sûr, nombreux seront ceux qui vous diront que c'est impossible en raison de la crise ; peut-être même serez-vous tentés de le penser. Mais c'est une fausse manière de considérer la situation, celle-là même qui a mené les pêcheries européennes à la morosité dans laquelle elles tentent de surnager. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne leur proposer qu'une perspective de trop court terme en laissant plonger les stocks vers l'effondrement.
Dans une récente étude, la New Economics Foundation met en lumière ce que la surpêche fait perdre à nos économies européennes en terme de stocks, de revenus et d'emplois. Le bilan est implacable :
- Chaque année qui passe sans que nous nous fixions pour objectif de restaurer les stocks, nous "passons à côté" de 970 000 tonnes de morue et de 854 000 tonnes de harengs.
- La restauration de 43 stocks atlantiques génèrerait 3,2 milliards d'Euros de revenus et 100.000 emplois pérennes (dont 6 000 rien que pour la France).
- La valorisation pour les pêcheurs augmenterait tandis qu'à l'inverse, le prix payé par le consommateur baisserait.
Monsieur le Ministre, Madame et Monsieur le député européen, avons nous les moyens de dédaigner une telle manne?
Vous avez le soutien attentif de l'opinion publique pour prendre les bonnes décisions. Vous avez une occasion historique de renverser la tendance en éradiquant la surpêche. Ne la manquez pas! Ayez du cran!
Stéphan Beaucher, Coordinateur pour la France pour OCEAN2012
"Plus un poisson d'ici trente ans ? : surpêche et désertification des océans", découvrez le livre de Stephan Beaucher aux éditions Les Petits Matins