Titre : Daytripper
Scénariste : Fabio Moon
Dessinateur : Gabriel Ba
Parution : Avril 2012
« Daytripper » est un ouvrage paru en avril dernier. Il reprend une mini-série datant de 2010 en la regroupant sous la forme d’intégrale. Le bouquin est imposant et de belle facture. Il se compose d’environ deux cent cinquante pages. Le format est un petit peu inférieur aux albums franco-belges classiques de notre enfance. Ce ravissant objet est édité chez Urban Comics dans la collection Vertigo. Son prix avoisine vingt-trois euros. Il est l’œuvre conjointe de Fabio Moon et Gabriel Ba. Je ne les connaissais pas jusqu’alors et étais curieux de partir à la découverte de leur univers. La couverture est très réussie. On découvre un homme face à nous, assis sur un banc. Il est en train de lire un journal. Des feuilles semblent s’échapper un nuage contenant une machine à écrire et toute une série de lieux sans lien apparent. Cette illustration est intriguant et offre une porte d’entrée agréable dans notre lecture.
La quatrième de couverture nous présente le synopsis suivant : « Les mille et une vies d’un aspirant écrivain, et ses mille et une morts. Bras de Oliva Domingos, fils d’un célèbre écrivain brésilien, passe ses journées à chroniquer les morts de ses contemporains pour le grand quotidien de Sao Paulo… et ses nuits à rêver que sa vie commence enfin. Mais remarque-t-on seulement le jour où notre vie commence vraiment ? Cela commence-t-il à 21 ans, lorsqu’on rencontre la fille de ses rêves ? A 41 ans, à la naissance de son premier enfant ? Ou au crépuscule de sa vie ? »
Cet album est un « one shot ». Il ne nécessite ni prérequis ni suite. Tout le monde peut donc s’y plonger et le fermer une fois terminé sans la frustration de ne pas en connaitre le dénouement. Il est agréable de découvrir de temps en temps une histoire qui ne s’inscrit pas dans une grande saga qui s’étale sur plusieurs années. De plus, il n’est pas nécessaire de de lire ce bouquin d’une seule traite. La narration se décompose en dix chapitres qui, à l’exception de l’avant-dernier, peuvent se lire dans n’importe quel ordre. Néanmoins, cette originalité ne veut pas dire que les parties ne sont pas liées. Mais elle forme un ensemble sans qu’aucune des étapes de notre lecture n’ait d’emprise directe sur une autre. Cet opus s’adresse davantage à un public adulte. Les enfants ne seront pas sensibles à la nature du propos tant sur la forme que sur le fond.
Chaque chapitre correspond à une étape de la vie du héros. On le découvre dans l’ordre à 32, 21, 28, 41, 11, 33, 38, 47 et 72 ans. Chacune se compose d’une vingtaine de pages et se conclue irrémédiablement par le décès du héros. Le mécanisme narratif est curieux. En effet, à sa première mort, Bras a trente-deux ans. On n’est surpris et touché. Néanmoins, le deuxième chapitre qui le présente à vingt et un apparait comme un flashback. Mais on est stupéfait quand on le voit mourir une nouvelle fois. On en vient à se demander ce qui est vrai et ce qui est faux. On a du mal à dissocier le rêve de la réalité. On est complètement emporté par le vertige d’aller systématiquement vers une issue fatale. On a le sentiment que cette œuvre incarne la philosophie qui dit qu’on a plusieurs vies. Mais avoir plusieurs vies, est-ce mourir plusieurs fois ? C’est ce type d’interrogations que génère la lecture…
La lecture de « Daytripper » nous habite vraiment. Je me suis vraiment senti possédé par l’histoire, ses personnages, ses décors, ses émotions. La narration alterne parfaitement les moments « voix off » et dialogues directs. La variation est habilement dosée et rend la trame passionnante. Chaque chapitre possède son propre attrait, son atmosphère, son message. Bien que tous les dénouements soient rudes, chaque épisode apporte son éco au plaisir qu’on ressent en découvrant cette belle aventure. Une fois les premières pages découvertes, je n’ai pas pu me détacher de ma lecture. J’ai dévoré les deux cent cinquante pages d’une traite. J’ai d’ailleurs une certaine hâte de m’y plonger une nouvelle fois pour savourer davantage ce voyage.
Les illustrations sont de toute beauté et accompagnent parfaitement l’histoire. Le trait est précis. Les décors sont travaillés. Le souci du détail offre une réelle immersion dans l’univers de l’intrigue. Le travail sur les couleurs est remarquable. Il génère une variété d’ambiance d’une belle intensité. Les chapitres nous font voyager dans des lieux différents et les choix chromatographiques facilitent l’évasion du lecteur. De plus, l’intensité des émotions est également amplifiée par les dessins autant par la gestion des espaces, le choix des couleurs que le trait du dessinateur.
En conclusion, « Daytripper » est un album qui mérite vraiment le détour. J’ai décidé de partir à sa découverte un lisant un article dans un magazine. Je ne regrette pas le voyage. Il s’agit d’un ouvrage assez unique et envoutant. Je vous incite vraiment à vous plonger dans cet ouvrage. Vous ne le regretterez pas…
par Eric the Tiger
Note : 18/20