AVERTISSEMENT : Cet article est paru inialement sur le site "Le Cercle - Les Echos". Il sera également le dernier de ce blog qui sera clôturé définitivement courant janvier. L'auteur tient à remercier tous les lecteurs.
Depuis maintenant 20 ans, un concept très français – devenu discipline – se répand petit à petit dans la culture d'entreprise : celui d'"intelligence économique". Pour beaucoup, cette discipline-concept reste floue, à mi-chemin entre la "competitive intelligence" anglo-saxonne et les pratiques de veille. En réalité, elle recouvre une composante managériale qu'il est urgent de mettre à jour.
En se gardant du fond idéologique étatiste et protectionniste qui entoure parfois l'intelligence économique (IE), il faut remarquer que depuis quelques années, nombre de recherches situent l'IE dans un contexte de management stratégique. À titre d'exemple, citons les travaux de Frank Bournois et Pierre-Jacquelin Romani ("L'intelligence économique et stratégique dans les entreprises françaises", Economica, 2000), ceux de Sophie Larivet ("Intelligence économique – Enquête dans 100 PME", L'Harmattan, 2009), ou encore ceux de Norbert Lebrument ("Intelligence économique et management stratégique", L'Harmattan, 2012). Tous ces travaux ont en commun de partir des pratiques des entreprises pour les ressaisir en tant qu'instruments stratégiques d'intelligence économique. Le concept d'IE n'est jamais imposé de l'extérieur. L'IE apporte ici une meilleure compréhension de processus qui sont déjà en acte dans les entreprises, et permet ainsi de mieux les maitriser.
Il ne s'agit pourtant pas de "réinventer la roue", mais d'orienter le management stratégique de manière à accroitre la performance tant organisationnelle qu'économique de l'entreprise. Pour ce faire, l'intelligence économique, en tant que discipline managériale, propose de maitriser les flux informationnels et communicationnels d'une entreprise en vue de dégager des avantages concurrentiels durables par une meilleure compréhension de son environnement stratégique et un meilleur choix des actions à mener. Les enjeux sont notamment la maitrise du processus d'innovation, des risques d'image, ou l'anticipation des besoins client.
Pour bien comprendre cette position stratégique de l'IE, il faut la dégager, d'une part, de sa conception "boite à outils" (outils de veille et méthode
d'analyse notamment) qui opère une réduction utilitariste vidant l'IE de sa substance managériale ; et d'autre part, l'extraire de sa tendance étatiste qui l'englobe dans l'appareil
d’État au détriment d'une réelle utilité opérationnelle pour les entreprises (politique publique d'intelligence économique).
Si en effet historiquement en France, c'est bien un rapport du commissariat au plan qui a introduit l'intelligence économique, il est temps aujourd'hui de
la refonder sur des bases managériales. Et si avec l'arrivée d'Internet et de la surabondance d'informations, les outils prennent une place centrale dans les pratiques, ils ne doivent pas
être l'alpha et l'oméga de l'IE. En clair, il faut "privatiser" le concept sans le réduire à un ensemble d'outils.
L'approche managériale de l'IE demande de considérer des processus globaux qui sont propres à chaque entreprise. Il est donc certain que jamais, de manière sérieuse, l'intelligence économique ne pourra faire l'objet d'un "manuel" clé en main. En revanche la grille de lecture de l'intelligence économique permettra aux managers d'organiser, à partir de leurs pratiques, de nouveaux leviers de performance pour les entreprises.