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Plaisirs de Noël et cadeaux intelligents avec saint Thomas d’Aquin

Publié le 17 décembre 2012 par Tchekfou @Vivien_hoch

Les fêtes de Noël approchent à grands pas, avec leurs joies, leurs déceptions, et l’armada de critiques des « intellectuels »  qui voient dans cette fête une apologie du consumérisme et du commercial. Le plaisir est multiple, mais le plaisir intellectuel est au-delà de tous les autres. L’occasion de rappeler, lors du choix des cadeaux, quelques grand principes inscrits dans le marbre de la sagesse humaine par les docteurs de l’Eglise, Thomas d’Aquin en tête. Certains cadeaux sont cito deficiunt, dit Thomas d’Aquin : ils s’éteignent vite. D’autres sont quasi-éternels… Faites le bon choix ! 

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Noël célèbre la naissance de Jésus, le véritable présent de Dieu !

Les plaisirs spirituels et intellectuels sont plus grands (majores) que les plaisirs corporels et sensibles (I-II, q.31, a. 5). Si on compare le plaisir de connaître par les sens (écouter de la musique) au plaisir de connaître par l’intelligence (composer de la musique),  il n’y a pas de doute que les plaisirs intellectuels sont de beaucoup supérieurs, multo majores, aux plaisirs sensibles. En effet, un être humain éprouve beaucoup plus de plaisir à connaître quelque chose pas son intelligence que pas ses sens, car la connaissance intellectuelle est plus parfaite et mieux connue, parce que l’intelligence réfléchit davantage sur son acte que ne le font les sens.

L’être humain appartient à une espèce particulière parce qu’il est doué d’intelligence : Homo speciem sortitur ex hoc quod habet intellectum (II-II, q. 179, a. 1, sol. 2). Dans son commentaire de l’Éthique de Nicomaque9, il dit que c’est par l’intelligence que nous ressemblons le plus à Dieu : Deo autem maxime sumus similes secundum intellectum. Rien dans la création n’est plus noble ni plus parfait que l’acte de l’intelligence : Nihil nobilius et perfectius in creaturis invenitur quam intelligere.

« Pensée fait la grandeur de l’homme. Toute notre dignité consiste en la pensée . » (Pascal)

La connaissance intellectuelle est aussi plus aimée que la connaissance sensible ; il n’est personne qui ne préférerait perdre la vue du corps plutôt que celle de l’esprit, dit saint Augustin dans son De Trinitate, XVI, 14. En note, Lachat rapporte au complet le texte évoqué par Thomas d’Aquin : « Il n’est personne qui ne préférât perdre la vue du corps plutôt que la vue de l’esprit. Privé de la vue du corps, l’homme reste homme ; privé de la vue de l’esprit, il devient une brute. Eh bien, qui voudrait être brute plutôt qu’homme ? » Et Montaigne d’ajouter sa fine remarque : « Le plus fructueux et naturel usage de notre esprit, c’est à mon gré la conférence. J’en trouve l’usage plus doux que d’aucune autre action de notre vie ; et c’est la raison pourquoi, si j’étais asteure forcé de choisir, je consentirais plutôt, ce crois-je, de perdre la vue que l’ouïr ou le parler . »

 « Nul plaisir ne l’emporte sur ces joies de l’esprit . » (Cicéron)

Considérés en eux-mêmes, secundum se, les plaisirs spirituels sont plus grands, majores, que les plaisirs sensibles. Cela est manifeste, dit-il, si l’on considère les trois facteurs requis pour le plaisir : 1) le bien uni ou présent, bonum conjunctum ; 2) ce à quoi il s’unit, id cui conjungitur ; 3) et l’union elle-même, et ipsa conjunctio. Trois facteurs pour déterminer le plaisir :

  1. Premier facteur requis pour le plaisir : le bien uni ou présent, bonum conjunctum. Le bien spirituel est plus grand que le bien corporel et plus aimé. Thomas d’Aquin en voit un signe, signum, dans le fait que les humains s’abstiennent des plus grands plaisirs corporels pour ne pas perdre leur honneur, qui est un bien spirituel. On a parfois entendu des gens en vue – je pense à un ministre dont le nom ne m’échappe pas – qui disait ne pas avoir brillé dans ses études parce qu’il était paresseux. On en a vu d’autres alléguer d’autres raisons, mais aucun n’a dit que c’était faute d’intelligence. On peut dire qu’on a une mauvaise mémoire, mais jamais qu’on n’est pas intelligent. Attaquer l’intelligence, c’est attaquer ce qui fait de nous des êtres humains.
  2. Deuxième facteur requis pour le plaisir : ce à quoi le bien s’unit, id cui conjungitur. Le plaisir dépend de la faculté à laquelle le bien s’unit. Dans le cas des sens, on est facilement d’accord. Les couleurs, les sons, les goûts produisent des sensations différentes selon que la personne qui en est affectée est peintre, musicienne ou dégustatrice. Cependant, les sensations sont intransmissibles. J’imagine quand même qu’un artiste peintre jouit plus que moi, daltonien, devant un paysage, mais je n’y peux rien : je suis condamné à voir avec mes yeux comme Alfred de Musset buvait dans son verre qu’il disait n’être pas grand. Le bien spirituel s’unit à la partie intellective de l’âme qui est beaucoup plus noble (multo nobilior) et plus connaissante (magis cognoscitiva) meilleur instrument de connaissance que la partie sensitive. Il s’ensuit, selon Thomas d’Aquin, que le bien spirituel qui s’unit à cette partie de l’âme produit un plaisir plus grand.
  3. Troisième facteur requis pour le plaisir : l’union elle-même, ipsa conjunctio. L’union du bien spirituel à la partie intellective est plus intime, magis intima, plus parfaite, magis perfecta, et plus ferme, magis firma. Les sens s’arrêtent aux accidents extérieurs des choses – forme, couleur, odeur, etc. – tandis que l’intelligence pénètre jusqu’à leur essence. L’union du bien spirituel à l’intelligence est plus parfaite que l’union du bien sensible au sens. En effet, l’union du bien sensible au sens comporte un mouvement. C’est pourquoi les plaisirs sensibles ne se réalisent pas pleinement dans l’instant : il y a en eux quelque chose qui passe et quelque chose que l’on attend, comme c’est évident pour les plaisirs des aliments et pour les plaisirs vénériens. Ces plaisirs ne sont pas complets dans l’instant mais avec le temps. Les réalités intellectuelles, au contraire, ne comportent pas de mouvement. La saisie par l’intelligence est instantanée, de sorte que les plaisirs de ce genre se réalisent pleinement dans l’instant. Le professeur explique que les angles intérieurs d’un triangle sont égaux à deux droits ; les distraits et les moins brillants peuvent l’obliger à reprendre son explication, mais la saisie est instantanée pour les uns comme pour les autres. Enfin, l’union du bien spirituel à l’intelligence est plus ferme, car les sources du plaisir corporel sont corruptibles, et le plaisir corporel ne dure pas. On connaît la chanson : « Plaisir d’amour ne dure qu’un moment. » Cito deficiunt, dit Thomas d’Aquin : ils s’éteignent vite. Les biens spirituels sont incorruptibles ; ils durent (I-II, q. 31, a. 5). Le plaisir du verre de porto n’est bientôt plus qu’un souvenir, tandis que les notions dont j’ai enrichi mon intelligence demeurent longtemps et je peux en jouir quand je veux (I-II, q. 31, a. 5).

Ne succombez pas au plaisir immédiat. N’oubliez pas que les choses de l’esprit procurent plus de joie que celles de la sensation. Les joies du plaisir passionnel sont cito deficiunt, dit Thomas d’Aquin : elles s’éteignent vite. Les joies de l’esprit, d’un bon livre, d’un bon CD, sont plus lentes, plus difficiles, moins immédiates, mais plus belles et plus durables. Le choix d’un cadeau de Noël, avec saint Thomas d’Aquin, permet de garantir et de développer ce qu’il y a de plus beau et de plus stable dans l’humanité de celui qui reçoit le présent.

Quelques plaisirs intellectuels : 

Le dernier ouvrage de Benoit XVI : L’Enfance de Jésus   Acheter_sur_La_Procure

Au diable la tiédeur, du père Michel-Marie Zanotti-Sorkine  Acheter_sur_La_Procure


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