Le changement annoncé est monstrueux. La réglementation européenne ressemblerait à celle des USA des années 30. Les banques financent la dette d’entreprise à 30% là-bas, contre 90% en zone euro !
Que va-t-il arriver ? Les banques pourraient organiser des emprunts pour les (grandes) entreprises. Elles empocheraient ainsi des bénéfices sans risque, celui-ci étant pris par le prêteur. Essentiellement des compagnies d’assurance et des fonds de pension (cf. les assurances vie, en France). Les dettes des petites sociétés pourraient être titrisées, façon subprime. Des plates-formes d’échange électroniques pourraient aussi mettre en relation ceux qui ont de l’argent avec ceux qui en cherchent.
Nouveau Far West Tout est prêt pour un nouveau Warburg, et pour un renouveau de la City, dont le métier est l’organisation de syndicats pour la levée emprunts internationaux. Bonne nouvelle aussi pour les intermédiaires de type Rothschild et pour les organismes financiers américains, qui ont de l’expérience dans le domaine ?
Thomas Watson, d'IBM
Et peut-être pour d’autres. Cette situation a fait la fortune de Watson, le fondateur d’IBM. On était alors dans les années 30, ses clients n’ayant pas les moyens d’emprunter, il est parvenu à leur louer son matériel. C’était un exploit puisqu’il avait les mêmes problèmes qu’eux. Mais, du coup, aucun concurrent ne pouvait se mesurer à lui. Même après la crise. Un demi-siècle de monopole s’ensuivit.Quant aux dangers pour la société, ils semblent colossaux. Aujourd’hui les banques exercent un contrôle sur l’entreprise. Ce contrôle est direct, social, il agit sur le comportement même de l’entrepreneur. Il ne peut pas être remplacé par une réglementation, facilement contournable, ou par des agences de notation (cf. le précédent des subprimes). Or, cette transformation arrive au moment où l’aléa moral pourrait atteindre un sommet. Car les assurances cherchent désespérément à relever la rentabilité de leurs placements et l’on ne sait pas comment payer les vagues de retraités qui s’annoncent. Aléa d’autant plus imparable que la zone euro n’est pas homogène, mais dépend pour son financement d’autres nations qu’elle ne peut pas contrôler ? Et si les marchés de capitaux sur lesquels elle emprunte, et où sont placés ses économies étaient hors d’Europe, par exemple à Londres ?
Comment contrôler le changement ? L’aléa moral étant plus fort que tout. Eviter un cataclysme est illusoire. Quelques idées à titre d’exercice intellectuel : Le nœud de la question est le contrôle de terrain. Qui peut contrôler la gestion de l’entreprise ? La grande entreprise pourrait s’occuper des finances de ses sous-traitants. C’est en fait déjà le cas. En effet, la survie du fournisseur dépend massivement des délais de paiement du donneur d’ordre, et les conditions de paiement que peut faire le fournisseur au donneur d’ordre dépendent de sa capacité à emprunter (nulle aujourd’hui). Mais qui peut contrôler la grande entreprise, et éviter qu’elle ne se transforme en ENRON ? Il y aurait aussi sûrement de la place pour des mécanismes d’autocontrôle d’un groupe d’entrepreneurs (type coopérative). Finalement, le risque sera d’autant plus faible que l'autofinancement se développera.