Alors que la Californie a rejeté par référendum l'étiquetage obligatoire des OGM, dans le Dakota du Nord, le droit des agriculteurs de s'engager dans des pratiques modernes d'agriculture a été renforcé.
Par Wackes Seppi.
Publié en collaboration avec le site Imposteurs.
Californie : non à la concurrence déloyale !
Les médias ont bruissé, assez faiblement du reste, au début de ce mois-ci sur l'échec, en Californie, de la « proposition 37 » qui tendait à rendre obligatoire l'étiquetage des OGM. Celle-ci a été rejetée par 53,1 % des voix contre 46,9 %.
La presse pour bobos en a surtout retenu deux aspects :
- c'était l'échec du « droit de savoir » ce que l'on mange face à l'argument de la « stigmatisation » des OGM ;
- c'était la victoire de 45,6 millions de dollars contre 8,7 millions, des « géants de l'agrochimie et de l'agroalimentaire » contre « des associations de protection des consommateurs et des organisations écologistes ».
Les choses ne sont pas aussi simples !
Sur le fond, la proposition aurait eu pour effet :
- certes d'exiger l'étiquetage, comme « génétiquement modifié », des produits alimentaires bruts ou transformés issus de plantes ou d'animaux génétiquement modifiés ;
- mais aussi d'interdire l'étiquetage de tels produits, ainsi que la publicité, comme « naturels » ;
- et également d'exempter de l'étiquetage les produits alimentaires : certifiés biologiques ; élaborés fortuitement à partir de produits génétiquement modifiés ; issus d'animaux non modifiés génétiquement mais nourris avec des produits génétiquement modifiés ou ayant reçu de tels produits en injection ; élaborés à partir de petites quantités d'ingrédients génétiquement modifiés, ou en contenant ; administrés comme traitements thérapeutiques ; vendus pour la consommation immédiate, comme dans un restaurant ; les boissons alcooliques.
Cette description de l'objet de la proposition dévoile en partie l'identité de ses initiateurs : outre la Organic Consumers Association, qui serait forte de 850.000 membres sur l'ensemble des États-Unis d'Amérique, il s'agit de producteurs et de marchands de produits alimentaires biologiques ou non-OGM, d'intervenants de la médecine « alternative », etc., auxquels se sont adjoints des groupes politiques (notamment le Parti démocrate californien), religieux, etc. [1].
Elle dévoile aussi des motivations qui ne sont pas innocentes : créer des conditions de concurrence – que nous estimons déloyales – qui favorisent leurs activités ou promeuvent leurs conceptions.
Les opposants ont donc eu tout à fait raison de dénoncer la « stigmatisation ». Leurs arguments principaux étaient de cinq ordres :
- C'est un système d'étiquetage trompeur, très imparfait qui – ici on entre dans la rhétorique électorale américaine – augmenterait la bureaucratie gouvernementale et les coûts pour les contribuables ;
- C'est bourré d'exceptions en faveur d'intérêts particuliers ;
- Cela créerait des possibilités de poursuites judiciaires frivoles (harcèlement judiciaire) ;
- Cela ajouterait quelque 400 dollars aux dépenses alimentaires des ménages ;
- Cela n'apporte rien en termes de santé et de sécurité.
Pour les déçus du résultat, ce seraient donc les dollars qui l'auraient emporté. Inf'OGM, par exemple, écrit : « La pression des entreprises, très forte, a donc réussi à faire basculer le vote par un déferlement de publicité via télé et radio ».
Ce n'est exact que sur le plan comptable. Dans la réalité de terrain, il est facile d'argumenter en faisant appel à l'émotion et la démagogie, et les partisans du « oui » ne s'en sont pas privé ; il en coûte beaucoup plus en temps, énergie et moyens pour contrer ces arguments fallacieux (y compris par des arguments faisant aussi appel à l'émotion) et pour convaincre par la raison [2].
Et c'est aussi une analyse avec des œillères. Une recension des avis de la pressemontre que celle-ci a été très majoritairement en faveur du « non », avec des arguments de raison. Des sociétés savantes sont aussi venues à la rescousse (mais leur influence a probablement été faible) [3].
Les électeurs californiens ne se sont pas laisser abuser.
Dakota du Nord : touche pas à mon agriculture !
Passer de la Californie au Dakota du Nord, c'est passer fondamentalement des bobos consommateurs (encore que l'agriculture soit loin d'être négligeable en Californie) aux ruraux producteurs. Dans le deuxième État, les électeurs avaient à se prononcer sur la Mesure 3 d'amendement pour l'agriculture et l'élevage du Dakota du Nord (North Dakota Farming and Ranching Amendment, Measure 3 (2012)).
Texte simple. Il s'agissait d'ajouter le paragraphe suivant à l'article XI de la Constitution du Dakota du Nord : « Le droit des agriculteurs et des éleveurs de s'engager dans des pratiques modernes d'agriculture et d'élevage sera garanti à perpétuité dans cet État. Aucune loi ne sera promulguée qui limite le droit des agriculteurs et des éleveurs d'employer des techniques agricoles, des pratiques modernes de production animale et d'élevage. »
La proposition avait été lancée par le North Dakota Farm Bureau. C'était essentiellement une réaction préventive face aux mouvements des droits des animaux, notamment la Humane Society of the United States. Elle a été adoptée à une très large majorité (66,9 %).
On pourra laisser aux juristes le soin d'examiner si cet amendement empêcherait la promulgation d'une loi sur l'étiquetage des OGM. En tout cas, dans le match entre bobos et ruraux, le score est de 0 – 1.
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Sur le web.
Notes :
- Pour une liste complète : http://www.carighttoknow.org/endorsements. ↩
- Le Monde a mis des vidéos en lien.
Voir aussi :
http://www.carighttoknow.org/
http://www.noprop37.com/ ↩ - En particulier la American Association for the Advancement of Science (AAAS) avec une déclaration qui présente aussi un intérêt pour l'Europe. ↩