À la question « quel est le plus grand album de house de tous les temps ? », je répondrai sans doute aucun Midtown 120 Blues de DJ Sprinkles. Certes, je ne donnerais là qu’une réponse tout à fait subjective, d’autant plus que je ne connais mais alors vraiment pas grand-chose à ce genre pourtant si important depuis les années 80, si ce n’est quelques clichés et artistes incontournables bien sûr. Mais c’est bien peu.
Pourtant, ma réponse serait assurément pleine de bon sens, et l’une des meilleures à proposer. En effet, DJ Sprinkles est actif depuis plus de vingt ans déjà dans cette scène alors en pleine effervescence qui atteindra un sommet épique en 1996 grâce à deux petits Français sortis de (presque) nulle part. Dès lors, la house n’aura plus jamais rien de ringard.
Pourtant, en 2008, douze années après que ce chef-d’œuvre intemporel d’une musique qui effrayait encore à l’époque la très grande majorité de notre petit monde, un autre chef-d’œuvre verra le jour, dans un style beaucoup plus épuré, à des années lumières des beats littéralement assassins de Homework (et que le duo laissera tomber assez justement sur Discovery), et emprunt d’une ambiance autobiographique très déroutant dès les premières écoutes.
La première information essentielle concernant Midtown 120 Blues est que Terre Thaemlitz (son vrai nom) a attendu d’avoir quarante ans et plus de vingt ans de carrière en tant que DJ pour produire son premier album perso. En effet, Midtown 120 Blues est la culmination d’un parcours chaotique d’un style au nom ultra fameux, la house, qui n’a pourtant jamais perdu son héros méconnu.
Cet album est un trip, au sens premier du terme : une véritable épopée au cœur de New York et ses boîtes qui, dans les années 80 et 90, ont saigné tout ce qui pouvait sortir dans ce genre totalement dénaturé depuis : la house a en effet eu le malheur de devenir commerciale, et dès lors corrompu. Le paroxysme en fut le single « Vogue » de Madonna, véritable purge pour Sprinkles, à tel point qu’il bannira tout son de cette artiste dès lors qu’il officiait en soirée derrière les platines. Le morceau « Ball’r (Madonna-free zone) » en est l’affirmation, tant le succès de « Vogue » fut, à ses yeux, le début de la fin, à laquelle il ne pouvait rien.
Des disques comme celui-ci, on n’en rencontre que très rarement. Et le plus grand bonheur, c’est de le découvrir par soi-même, et non parce qu’on nous a bourré le cerveau à base de qualificatifs élogieux à son égard, qui ici atteindraient pourtant une pléthore.
Je vous laisse donc avec Midtown 120 Blues qui, bien qu’il restera sûrement sans successeur, permettra à tout jamais à DJ Sprinkles de briller comme il le mérite, même si dans un coin trop obscur. Car on le sait, la lumière d’une étoile nous parvient bien après qu’elle ait cessé de produire la moindre lumière. Cela explique sûrement pourquoi je l’ai découvert quatre ans après sa sortie. À mes yeux, cette lumière n’est pas près de s’arrêter…
(in heepro.wordpress.com, le 16/12/2012)