Interview de Cai Chongguo, rédacteur en chef du China Labour Bulletin et dissident politique chinois, menée par Sibylle Laurent le jeudi 3 avril 2008 pour le nouvel obs
LA CONDAMNATION DE HU JIA
"Les JO n'améliorent pas les droits de l'Homme, au contraire"
Le dissident chinois Hu Jia vient d'être condamné par le régime de Pékin à une peine de trois ans et demi de prison. Qu'en pensez-vous ? Son activité dissidente était-elle réellement subversive ?
- Sa condamnation est totalement absurde. Hu Jia n'est pas vraiment un dissident politique. Il est simplement engagé depuis sa jeunesse dans des combats, notamment ceux de la protection de l'environnement et du sida.
En effet en Chine, le commerce du sang est très répandu. Beaucoup de paysans pauvres vendent leur sang pour avoir un petit peu d'argent et c'est comme cela que la maladie se répand. Hu Jia dénonçait la corruption et la responsabilité des gouvernements locaux, qui sont très compromis sur ces sujets.
Hu Jia a été condamné parce qu'il a donné des informations sur ces problèmes, ce que le gouvernement ne tolérait pas. Un autre des problèmes qu'il a montré du doigt, est l'expropriation des paysans de leurs terres par le gouvernement. Hu Jia aurait pu fuir la Chine et demander l'asile politique, mais il a préféré rester pour aider des gens. Il a choisi de s'exprimer publiquement : il a envoyé des mails à des correspondants à la fois à l'intérieur de la Chine et à l'extérieur.
Il a juste posé la question des droits civils, a critiqué les phénomènes de corruption et de violation des droits élémentaires.
Quelles sont les libertés les plus menacées en Chine ? Peut-on vraiment parler d'une dissidence chinoise ?
- Le vrai problème est celui de la liberté d'expression. L'Etat contrôle la presse, les sites internet sont surveillés. Les associations vraiment indépendantes n'existent pas. Quant aux syndicats indépendants, ils sont strictement interdits. Même les organisations non gouvernementales (ONG) sont plus ou moins liées au gouvernement : elles font souvent bien leur travail, mais sous l'œil de Pékin.
On parle de dissidents politiques, mais il est plus exact de parler de défenseurs des droits civils et des droits de l'Homme. Ces défenseurs des libertés existent en Chine : ce sont des avocats, des journalistes, ou même des citoyens ordinaires, qui dénoncent les responsabilités du gouvernement et l'injustice sociale par tous les moyens de communication, internet, la radio… Beaucoup de paysans aussi font des grèves.
Bien évidemment c'est dangereux, mais c'est déjà quelque chose. En Chine, personne ne peut prétendre changer des choses. Mais il y a quand même une marge de manœuvre.
Quel est l'impact des Jeux Olympiques sur la répression chinoise ? La donne a-t-elle changé ?
- Je suis à la fois très en colère et désolé. On voit très bien que les Jeux Olympiques ne permettent pas d'améliorer les droits de l'Homme. Les pays occidentaux ont souvent dit qu'en organisant les Jeux Olympiques, le gouvernement chinois avait fait des efforts. Non. Il a fait tout à fait le contraire. Les Jeux Olympiques ont créé un sentiment nationaliste en Chine. La crise au Tibet a fait grandir ce sentiment et la haine envers les Occidentaux. Les menaces de boycott des pays occidentaux ne servent à rien. Ce n'est plus le moment.
Le gouvernement chinois profite de cette montée de ce nationalisme pour accentuer la répression. Il est en plein rapport de force. La condamnation de Hu Jia à trois ans et demi de prison est une nouvelle provocation, un nouveau symbole de ce mépris qu'a la Chine pour cette question des droits de l'Homme.
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