L’etourdi.

Publié le 15 décembre 2012 par Ziril

Déjà, encore bambin, ma brave mère me tirait les oreilles (mon dieu que ça faisait mal !) en me disant : « Tu as encore oublié le litre de vin pour le déjeuner de ton père, chez l’épicier de la rue de la mairie. Tête en l’air ! Tu ne changeras donc jamais ? »

Et pourtant, je vous assure que, des efforts, j’en faisais. Mais que voulez-vous, il y avait chemin faisant tellement de choses admirables a contempler : les jupes des filles qui se soulevaient, aidées par un vent fripon complice, un chien collé un autre par le cul, des flaques d’eau qui vous invitaient à marcher dedans, qu’il m’arrivait obligatoirement d’oublier au moins un des articles à ramener à la maison.

Des années ont passé (un peu trop vite à mon goût) et rien n’a changé. Toujours aussi étourdi. Il n’est pas rare qu’arrivé au bord de ma rivière chérie, fouillant dans la sacoche de moto, je m’aperçoive qu’il manquait mon moulinet ou ma boîte à mouches et même parfois ma canne qui était restée dans mon atelier et je devais affronter, le rouge au front, le sourire de ma femme qui me voyait réapparaître une demi-heure après, la queue entre les jambes.

« Déjà finie ta partie de pêche, mon trésor ? »

-Well…j’ai encore oublié mes chaussures de wading.

Bon. Mais ce jour-là, je n’avais rien oublié à la maison et la journée était parfaite. Le mistral avait bien diminué et le soleil me picotait délicatement les épaules. J’en étais à ma troisième ablette. Celle-ci était bien grasse et nerveuse et lorsque je la remis à l’eau, j’entendis un discret clappement de main derrière moi.

C’était une belle jeune fille d’environ 19 ans et demi, allongée sur un rocher qui, le pouce levé, (signe historique d’approbation !) avait assisté à la bagarre homérique.

-Belles prise ! Me dit-elle en me balançant un sourire à la Jane Mansfield.

A ce moment, la bretelle gauche de son ravissant maillot de bain, céda, me laissant admirer une poitrine hâlée et tremblotante qui me faisait penser à ces merveilleuses gélatines si fermes et si goûteuses enveloppant les pâtés de foies de volaille du super U.

L’avait-elle fait exprès ? Je ne le jurerais pas mais, lorsqu’elle se mit à se gratter l’entrejambe en me regardant d’un oeil fripon, le doute n’était plus permis. Même à mon âge avancé (81 ans au printemps prochain) les occasions de ce genre, il serait scandaleux et peu chrétien de les laisser passer.

J’empoignai donc par la main la belle enfant et l’amenais derechef dans le fourré voisin.

(Juste une petit aparté : les fourrés ardéchois sont légions et sont parmi les plus beaux fourrés que je connaisse. Il serait grand temps, Messieurs les« Politiques » qu’afin de rembourser notre dette nationale, vous pensiez à l’exportation de nos fourrés. Je me tue à le dire dire dans l’indifférence totale les pouvoirs publics !)

Où en étais-je ? Ah oui. Donc, dans le fourré en question, nous fîmes milles cabrioles plus belles et plus audacieuses les unes que les autres.

À la fin de nos ébats, je demandais à la belle « Alors, chérie, ça t’a plus ? »

Elle me répondit cette phrase que, jusqu’à mon dernier souffle, je ne suis pas prêt d’oublier.

« Oui, c’était pas mal… Mais tu aurais dû penser à enlever tes waders ! »

Je vous avais prévenu. Lorsqu’on nait « tête en l’air » c’est pour la vie.