Une nouvelle étude montre une nette réduction de la dépendance après deux ans de traitement. Prescrit, à l'origine, comme relaxant musculaire en neurologie, le baclofène connaît aujourd'hui une seconde vie dans le traitement de la dépendance à l'alcool. C'est en le testant sur lui-même que le Dr Olivier Ameisen, cardiologue, a découvert que ce médicament pouvait réduire ou supprimer l'envie d'alcool chez certains buveurs excessifs. Une étude publiée lundi dernier dans la revue Frontiers in Psychiatry montre aujourd'hui que son efficacité, incontestable, se maintient de surcroît dans le temps.
Selon son auteur, le Dr Renaud de Beaurepaire, psychiatre à l'hôpital Paul-Guiraud à Villejuif (Val-de-Marne), «ces premiers résultats à long terme montrent que la guérison est solide». L'étude porte sur 100 patients fortement dépendants à l'alcool et résistants aux thérapies habituelles. Traités avec du baclofène, délivré à des doses croissantes mais sans limite, les malades ont été suivis pendant deux ans. La consommation d'alcool et l'envie de boire des participants ont été régulièrement mesurées, selon leurs déclarations. Résultat: alors que tous les patients présentaient une consommation à «haut risque» pour leur santé - selon les critères de l'OMS - avant le début du traitement, la moitié d'entre eux étaient à «bas risque» après 24 mois. La consommation d'alcool était réduite chez 84 % des malades après trois mois de traitement, 70 % après six mois, 63 % après un an et 62 % après deux ans.
Perspective encourageante
«Aucune autre thérapie contre l'alcoolisme ne procure de résultats aussi élevés et stables dans le temps», souligne le Dr Renaud de Beaurepaire, qui fut l'un des premiers médecins français à se lancer dans l'aventure du baclofène.Si elle offre une perspective très encourageante pour les alcoologues, l'étude a toutefois une valeur scientifique limitée. Il s'agit en effet d'une simple observation du suivi de patients volontaires, sans comparaison avec un groupe témoin. Les participants, inclus entre novembre 2008 et septembre 2009, avaient en outre un fort désir d'en finir avec leur dépendance et souhaitaient expérimenter le baclofène, ce qui pourrait constituer un biais de recrutement.
L'étude n'en donne pas moins des indications sur les conditions de réussite du traitement. «On s'aperçoit que les patients réagissent à des doses très variables, pouvant aller jusqu'à 330 mg par jour», indique l'auteur. En tout, 92 % des patients ont dit avoir éprouvé, à un moment ou à un autre, la disparition de leur envie irrépressible d'alcool. Au bout de deux ans, dix malades, se considérant comme guéris, ont réussi à arrêter le traitement.
Facteurs d'échec
L'étude permet aussi d'identifier des facteurs d'échec, parmi lesquels une mauvaise observance, un manque de motivation réelle pour arrêter de boire et une intolérance aux effets secondaires (somnolence, fatigue, vertiges, nausées, etc.), qui sont bénins mais très nombreux et gênants. «Une psychothérapie est vivement recommandée pour ceux qui ont un rapport à l'alcool trop compliqué et ont, de ce fait, du mal à arrêter», note le psychiatre.La consommation excessive d'alcool, qui est la deuxième cause de mortalité prématurée en France, concerne environ 6 millions de personnes. Parmi elles, entre 30.000 et 50.000 seraient traitées avec du baclofène, actuellement prescrit sans autorisation de mise sur le marché pour cette indication. Deux études cliniques se proposent de l'évaluer. Les résultats de la première, financée par des fonds publics, seront connus en 2014. La deuxième, menée par un laboratoire pharmaceutique, a retenu une dose maximale de 180 mg par jour qui risque d'exclure, selon le Dr de Beaurepaire, un tiers des patients.