Le gouvernement Ayrault n'aime pas la liberté

Publié le 14 décembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Jean-Marc Ayrault nous rappelle qu'il n'aime pas la liberté, au cas où le message n'était pas encore passé.
Par Baptiste Créteur.

Ayrault l'affirme : "Nous ne menons pas une politique sociale-libérale". Pour ce qui est de la politique sociale, je le laisse en juger, mais une chose est certaine : le gouvernement ne mène pas de politique libérale. Le libéralisme se fonde sur le libre consentement des individus comme principe des interactions humaines ; on ne peut pas mener de politique libérale-machin ou truc-libérale : le consentement est libre ou ne l'est pas, et, malgré leurs divergences, les courants libéraux ont ce principe en commun.

S'il se trouve quelqu'un pour être fier de pouvoir affirmer ce genre de choses, c'est sans doute notre cher premier ministre :

"Nous menons une politique sociale républicaine, sans doute la plus à gauche dans le cadre de l'Europe, avec l'euro" a ajouté le premier ministre pour répondre aux critiques sur la politique économique menée par son gouvernement. Des critiques se sont notamment faites entendre à gauche sur les mesures visant à améliorer la compétitivité du pays, annoncées par M. Ayrault, le 6 novembre.

Parce que la compétitivité, ce n'est pas un combat de gauche, il est toujours bon de rassurer son électorat sur le fait qu'on ne fera pas grand chose pour l'améliorer. Le rassurer également sur la croissance continue de notre dette :

Le chef du gouvernement s'est également défendu de mener une politique d'austérité, engendrant de lourdes conséquences sociales. "Pratiquement tous les autres pays ont diminué les salaires, les pensions, les prestations sociales, ce n'est pas ce que nous faisons. (...) La politique menée [en Allemagne] a augmenté la compétitivité mais aussi la pauvreté", a-t-il estimé. Et de lancer : "Je l'ai dit, je ne veux pas être le premier ministre du tournant de l'austérité."

Sa formulation révèle une lucidité qui n'a d'égale que sa lâcheté : il faudra qu'un premier ministre prenne le tournant de l'austérité, mais ça ne sera pas lui. Il a autre chose à faire, comme insulter ceux qui fuient sa politique.

Le chef du gouvernement est également revenu sur  la proposition de son ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, qui avait évoqué une nationalisation temporaire. "Il ne faut pas exclure, dans des circonstances exceptionnelles, l'intervention de l’État dans les entreprises, a estimé M. Ayrault."

Dans des circonstances exceptionnelles, comme une crise sans précédent par exemple, bientôt derrière nous, pardon, déjà terminée, l’État interviendra dans les entreprises. Ce qu'il fait également en temps normal depuis des décennies en France, mais c'est un détail, l'essentiel est de rassurer. De se rassurer également, en se rappelant que même les Américains que tout le monde croit libéraux font preuve d'un collectivisme féroce :

Citant l'exemple de General Motors aux États-Unis, groupe que le gouvernement américain a décidé de sauver avec un apport financier, M. Ayrault a lancé : "En France, si c'est une industrie stratégique [en difficulté], je préconiserai une intervention de l’État. Ça ne me fait absolument pas peur. Mais si cela devait se faire, pour un groupe industriel stratégique, ça ne voudrait pas dire que nous garderions tous les sites et tous les emplois."

Mais attention. La nationalisation, ce n'est pas, ça ne doit pas être et ça ne sera pas... une expropriation. Donnons-lui quelques idées de formulations alternatives : c'est un "investissement dans des actifs stratégiques", une "sécurisation de l'accès aux ressources et aux savoir-faire prioritaires" ou encore la "préservation de compétences d'avenir dans des secteurs porteurs". Pas d'expropriations en vue donc, seulement des nationalisations :

Cela étant dit, le premier ministre a expliqué pourquoi il n'avait pas retenu ce scénario pour le site de Florange. "Dans le cas de Mittal, ce n'était pas la même chose, c'était une expropriation. C'était une solution technique très lourde qui ne garantissait pas l'emploi."

De la même façon, il ne faut surtout pas aider les Français à s'enrichir – d'autant plus que cela requiert souvent leur départ – mais les inciter à sortir de la pauvreté. On ne va pas mettre en péril un système monétaire que le Zimbabwe ne renierait pas, mais faire un grand bon en avant de l'union bancaire. On sent bien, dans ce dernier exemple, que le choix des formulations est restreint par un nombre important de précédents : un mur antifasciste à Berlin, une république populaire démocratique en Corée du Nord...

Oui, mais voilà. La France est endettée, l’État-providence ne fonctionne pas, l'intervention de l’État dans l'économie a des effets délétères qu'il faut être irresponsable pour ne pas reconnaître. Que vous ne soyez pas libéral, nous l'avons tous compris. Vous n'accordez aucune importance à la liberté individuelle, ne donnez aucun crédit au consentement libre, et priver les individus des fruits de leur travail ne vous fait pas peur. Ce qui vous fait peur, c'est que le marché gagne toujours. La liberté gagne toujours. Quand les individus ne sont pas d'accord avec vous et que vous ne leur laissez pas le choix, ils s'en vont. Quand les actionnaires et potentiels investisseurs ne voient pas d'avenir en France ou craignent que vous les expropriez, ils s'en vont.

Vous considérez que l’État a un rôle prépondérant à jouer dans l'économie, plus que l'individu. Vous considérez que la coercition a un impact bénéfique, plus que la liberté. Vous considérez qu'il est important de protéger l'emploi, plus que d'en créer. Je ne partage pas vos idées, mais soit. Il y a toutefois une chose que vous ne nierez pas, que vous semblez même revendiquer par le rôle que vous voulez jouer dans l'économie et la société françaises : votre responsabilité. Alors allez-y, monsieur Ayrault : créez de la richesse en France, des emplois, rendez les Français heureux. Comme des millions de Français, je vous regarde. Mais de loin, parce que je ne crois pas que vous y parviendrez.