*Tribune libre de Vivien Hoch, chronique de Radio courtoisie, Libre Journal de Daniel Hamiche, (13/12/2012)
Les chrétiens sont aujourd’hui pris entre deux feux.
- Pris entre les exigences farfelues des ultras du laïcisme (ceux qui débatisent les marchés de noël en «marché d’hiver», ceux qui suppriment les crèches, les croix, ceux qui tournent constamment en dérision l’Eglise, ou encore ceux qui veulent réquisitionner à nouveau les biens ecclesiaux)
- Et de l’autre côté par certains musulmans qui se servent du «principe d’égalité des religions» pour imposer leurs propres règles. Par exemple en revendiquant leurs propres jours fériés, en refusant les crèches de Noël ou les visites scolaires dans les églises.
À cet égard, l’expression d’Erwann Binet, le rapporteur du projet de loi sur le mariage homosexuel est significative. Je le cite alors qu’il s’adressait au Cardinal Vingt-trois : « les chrétiens, ou ce qu’il en reste »
De l’avis de ce député socialiste, le christianisme est clairement retourné dans les catacombes. Je suis d’ailleurs persuadé qu’il en est heureux. Mais il oublie que s’il reste encore des chrétiens, c’est qu’il reste de l’espoir, et même de l’espérance.
Le verbe «rester» est emprunté au latin restare, formé du préfixe re- et du verbe stare qui veut dire : « se tenir debout, se tenir ferme, tenir position ».
Tenir position. Tenir devant l’idôlatre progrès sociétal sans Dieu qui n’est que nihilisme. C.S Lewis écrivait que « Sortir de la volonté de Dieu, c’est pénétrer nulle part » .
Donc s’il reste des chrétiens, c’est qu’ils tiennent encore debout, eux qui ont les principes de la vie théologale, eux qui sont dépositaires de l’histoire de France et de la sagesse des nations, eux qui sont justement les derniers remparts contre le nihilisme.
Mais ceux qui veulent rester debout sont villipendés. Ils sont accusés de mener des croisades identitaires, d’être provocateurs, caricaturaux, réactionnaires et idolatres; ils sont accusés de desservir les combats de l’Eglise, voir de se servir de l’Eglise pour faire passer leurs idées.
Les deux manifestations de novembre sont significatives de cette dichotomie, qui est valable en général, dans les paroisses, les médias et les coeurs chrétiens :
Il y a ce que j’appelle la stratégie du 17 qui se félicite de son aconfessionalité et maximise la présence de non-chrétiens, gays, athées ou des quelques musulmans qui trainaient là ; une stratégie qui demande aux prêtres en soutane ou en cols romains de se cacher dans la foule, il faut le savoir ; en bref, une stratégie qui a mis sa foi dans la poche et en tire gloire.
Et il y a la stratégie du 18, avec son catholicisme visible, ses croix, ses messages percutants, plus « identitaires » et donc plus provocants pour une société qui a mis le divin en congé.
Ces deux points de vue sont-ils irréconciliables ?
Rémi Brague, dans son maitre ouvrage de 1992, Europe, la voix romaine, distingue les chrétiens de ce qu’il appelle les «christianites».
- Chrétiens sont ceux qui croient et vivent du Christ. Le chrétien traverse les civilisation, il se fond en elles sans s’y dissoudre. Il ne se réduit à aucune civilisation – «Le Christ n’est pas venu pour bâtir une civilisation, mais pour sauver les hommes de toutes les civilisations»
- Christianites sont ceux qui défendent la valeur du christianisme et son rôle positif dans l’histoire. Bien qu’ils défendent des valeurs, ils défendent non pas une idole, mais le désir et la volonté d’habiter chrétiennement le monde.
Or, chrétiens et christianistes ne s’opposent pas. L’identité chrétienne et la foi en Christ ne peuvent pas s’opposer.
Au contraire, c’est la foi au Christ qui me donne mon identité, qui me fait agir, construire, penser, et bâtir une civilisation.
C’est l’action du Saint-Esprit qui pousse l’histoire humaine vers le progrès.
C’est la communion des saints qui nous précède et nous devance dans l’histoire.
C’est Dieu qui nous laisse responsables de nos actes, parce que nous sommes libres.
Un chrétien identitaire, c’est un croyant qui sait que l’action divine le précède toujours, qui a le désir de vivre et d’agir ici-bas, qui a la volonté de construire et de faire perdurer une civilisation viable.
Évidemment que notre foi en Christ ne se dissout pas dans le christianisme. Nous ne participons pas à cette guerre des -ismes, à ces «relativisme, nihilisme, islamisme, laïcisime, socialisme» ; nous ne participons pas non plus au jeu perfide et intrinsèquement républicain de la « concurence victimaire » qui vise à apitoyer la république pour en tirer des avantages. Nous ne sommes pas réductibles aux catégories du monde, et le monde ne sera jamais un obstacle au salut.
Car soit le monde nous est clairement hostile, et alors il nous permet de témoigner de notre foi – avec la possibilité du témoignage ultime, martyr. Soit le monde est une bonne terre cultivable, et alors nous pouvons y faire pousser l’Evangile, pour qu’il devienne vecteur de vie et de civilisation.
Dans les deux cas, nous ne défendons ni une valeur, ni une idole, mais ce qui, dans le monde, est principe de bonté et de vérité.