La "falaise fiscale" est le nom donné à l'ensemble des mesures et déductions fiscales devant arriver à échéance à la fin de l'année 2012 aux États-Unis.
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec.
Nous devrions nous intéresser à la « falaise fiscale » américaine, ce one-two punch de hausses de taxes et de coupures qui risquent de frapper l’économie américaine. Car nous visiterons aussi cette falaise — ou une variante — plus tôt qu’on le pense.
Les élus américains vont probablement s’entendre sur un compromis, et repousser le problème. Mais à l’intérieur d’eux-mêmes, il semble que de plus en plus de gens souhaitent — ici comme ailleurs — qu’on frappe le providentiel mur, ou falaise. Peut-être parce que, comme dans le film Thelma et Louise, s’y plonger est la meilleure option, ou la seule.
Un courriel est atterri dans ma boîte ce week-end. De Jean-Paul Giacometti, un important gestionnaire de fortunes basé à Montréal. Un court texte, pour souligner que sa firme, Claret, serait en faveur qu’aucune entente ne survienne entre les démocrates et les républicains. « Avec cette fameuse falaise fiscale, le déficit américain continuera de croître entre 1 et 2% par année jusqu’en 2020 ! Si on laisse ces politiciens négocier, la gauche demandera des concessions pour le maintien et l’élaboration de programmes sociaux. Et la droite, des impôts plus faibles à payer par les riches. Qui pensez-vous paiera la note ? La classe moyenne bien sûr. Et ça, ce n’est pas bon pour une société [...] il est temps de prendre le taureau par les cornes. »
Accélérer le traitement
Le philosophe et ex-courtier de Wall Street, Nassim Nicholas Taleb, y allait d’une réflexion semblable récemment sur son mur Facebook (traduction libre de certains passages) :
« Cette falaise est un obstacle nécessaire. Et la peur qu’elle inspire devrait nous secouer pour que l’on trouve de véritables solutions à nos problèmes de taxation et de déficits. À l’intérieur de moi-même, je souhaite que l’on dégringole cette falaise, afin d’accélérer le traitement de nos problèmes. Nous sommes dans un état d’impuissance acquise, et devons impérativement en sortir. N’importe quel scénario est préférable à la situation actuelle. »
Il poursuivait : « Près de cinq ans après cette crise, rien n’a été fait pour s’attaquer aux sources du problème. Nous avançons dans un état artificiel, grâce aux antidouleurs prescrits par la réserve fédérale et ses politiques de « stabilisations ». Avec pour résultat que nous oublions nos problèmes structurels [...] Les banquiers continuent de s’enrichir avec notre argent, et les politiques profitent surtout aux riches et aux détenteurs d’actifs, et non à ceux qu’elles sont censées protéger. Tout ça avec de l’argent emprunté. »
Le supplice de la goutte
Au Québec, une bonne partie des gens dans la rue au printemps voulaient du changement — et en veulent encore. Ils voient que ça ne tourne pas rond. Qu’il faut donner un coup de barre. Quel genre de coup de barre ? Pas sûr. Mais on est sûr que ça en prend un.
Dans cette crise qui secoue le Québec, il faudrait garder une chose en tête, écrivais-je à l’époque. À droite comme à gauche, on se bat contre le même monstre. Le capitalisme de copinage. La corruption, illégale ou institutionnalisée. Le lobbying devenu fonction première de certaines entreprises. La capture de l’État par les groupes d’intérêt — syndicats, corporations ou entreprises. Et qui se foutent bien qu’on endette à mort la prochaine génération.
Nous avons des problèmes financiers immenses — santé, régimes de retraite, dette… Mais tout ce qu’on trouve à faire, c’est d’inventer 2-3 nouvelles taxes chaque année pour repousser le problème. On s’impose le supplice de la goutte. On se vautre dans le statu quo illusoire. Pendant que la corruption, le gaspillage, les amis du pouvoir dans le plat de bonbons… tout ça continue.
Sommes-nous si inertes, si impuissants ? Au point qu’il faille se souhaiter nous aussi de frapper le mur pour faire bouger les choses ?
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