Magazine Finances

Droit de préemption du preneur en place (bail rural)

Publié le 13 décembre 2012 par Christophe Buffet

Voici un arrêt qui admet l'exercice du droit de préemption du preneur à bail rural à qui par erreur la notification de la vente n'a pas été faite :

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 29 novembre 2010), que les consorts X... ont consenti, par acte du 13 janvier 2007, aux époux Y... une promesse de vente portant sur une parcelle de terre sous condition suspensive de non exercice par M. Jean Z..., mentionné comme étant le preneur en place, de son droit de préemption ; que cet acte a été notifié à ce dernier, par le notaire des vendeurs, le 19 janvier 2007 ; que, par lettre recommandée reçue par les vendeurs et leur notaire le 9 mars 2007, M. Michel Z..., véritable preneur en place à la date de l'acte, a déclaré vouloir acquérir par préemption la parcelle aux conditions notifiées à M. Jean Z... ; que les époux Y... ont agi contre les vendeurs et leur notaire aux fins de réitération en la forme authentique de la vente à leur profit ;

Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le droit de préemption du preneur d'un bien rural ne peut jouer que dans le respect des conditions de forme prévues aux articles L. 412-1 et L. 412-13 du code rural ; que selon l'article L. 412-8, le notaire chargé d'instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée, cette communication valant offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que le compromis de vente était passé sous la condition de non-exercice du droit de préemption par le preneur désigné comme étant Jean Z..., que la communication prévue à l'article L. 412-8 n'avait été faite qu'à Jean Z... qui n'avait pas manifesté sa volonté d'acquérir ; que dès lors, la vente était parfaite entre les parties et la déclaration d'exercice du droit de préemption par Michel Z... était sans effet ; qu'en décidant le contraire et en déboutant les époux Y... de leurs demandes, la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil, ensemble l'article L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ que selon l'article L. 412-12, alinéa 3, du code rural, au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu en application de la présente section, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages-intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que Michel Z... a eu connaissance de la vente au plus tard le 9 mars 2007, lorsqu'il a notifié au notaire et aux venderesses son intention de se porter acquéreur et qu'il n'a pas, dans les six mois suivants, saisi le tribunal paritaire d'une action en nullité de la vente qui était devenue parfaite entre les parties par suite du non exercice par Jean Z..., preneur désigné à l'acte, de son droit de préemption ; qu'en décidant néanmoins que Michel Z... avait valablement exercé son droit de préemption et que le compromis passé entre les consorts X... et les époux Y... ne pouvait être réitéré sous forme authentique, la cour d'appel a violé l'article 1589 du code civil, ensemble l'article L. 412-12, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime ;

Mais attendu qu'ayant retenu que M. Michel Z..., titulaire d'un bail rural portant sur la parcelle litigieuse, avait notifié, le 9 mars 2007, aux vendeurs, son intention de s'en porter acquéreur aux prix et conditions demandés, la cour d'appel en a exactement déduit que M. Michel Z... avait exercé régulièrement son droit de préemption et que la vente était parfaite entre lui et les consorts X... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les époux Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... à payer à M. Z... la somme de 2 500 euros et à M. A... la somme de 2 500 euros ; 
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour les époux Y... 

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux Y... de leur demande tendant à la réitération sous la forme authentique du compromis de vente passé le 13 juillet 2007 ;

Aux motifs que 1°) sur le titulaire du droit de préemption, Michel Z... justifie par les pièces qu'il verse aux débats qu'un bail rural lui a été consenti le 20/11/1997 par Henri, Joël et Rémi X..., alors propriétaires indivis des parcelles YA 52 et YA 65, pour une durée de neuf ans, moyennant un fermage annuel de 6.000 francs (base 1997), ledit bail se référant pour le surplus aux conditions générales de location prévues au bail type préfectoral, ce qui renvoie au statut des baux ruraux ; qu'il justifie de la délivrance de quittances de fermage à son nom, pour les années 2004 à 2008 et pour un montant conforme aux indications données dans l'acte de vente ; que Madame Christiane X..., usufruitière des biens loués ensuite des opérations de partage de l'indivision, explique dans une attestation versée aux débats que "Suite à une erreur de ma part, j 'ai donné à maître A... l'ancien bail établi à Mr et Mme Jean Z..., lors de la promesse de vente aux époux Y... en date du 13 janvier 2007. J'atteste que Michel Z..., successeur de son père, est bien le locataire en place de la parcelle YA 52 Fousseau Pannes, avec mise à disposition au GAEC des Trois Cours d'Eau, et ce depuis novembre 1997" ; que Michel Z... rapporte ainsi la preuve de ce qu'il est personnellement titulaire d'un bail rural sur la parcelle YA 52, objet du litige ; que c'est en vain que les époux Y... soutiennent que le bail, qui lui avait été consenti le 20/11/1997, serait expiré et qu'aucun autre bail n'aurait été accordé à l'intéressé ; que, en vertu des dispositions de l'article L 411-50 du code rural, le bail se trouve, en effet, à défaut de congé, de plein droit renouvelé pour une durée de neuf ans ; qu'aucun élément du dossier ne contredit, en l'espèce, le renouvellement du bail dans les conditions prévues par la loi ; que, si le bail ne porte plus actuellement que sur la parcelle YA 52, alors qu'à l'origine il portait sur les parcelles YA 52 et YA 65, c'est uniquement par suite de l'acquisition faite en cours de bail par Michel Z... de la parcelle YA 65, le droit au bail de ce dernier s'étant immédiatement éteint sur cette parcelle à raison de la confusion intervenue entre ses droits locatifs et de propriété, ce qui n'a pas pour autant empêché le bail de se poursuivre sur le surplus, soit sur la parcelle YA 52 ; que Michel Z... se trouvait donc au jour de la vente titulaire d'un bail rural, renouvelé, sur la parcelle concernée ; que les époux Y... ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un nouveau bail, qui aurait été consenti à Jean Z..., la mention du nom de ce dernier dans l'acte de vente n'étant que le fruit d'une erreur commise dans les circonstances explicitées par l'attestation précitée de la bailleresse ; que 2°) sur les conditions d'exercice du droit de préemption, en vertu des dispositions de l'article L 412-5 du code rural, pour pouvoir bénéficier du droit de préemption, le preneur doit avoir exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole, exploiter, par luimême ou par sa famille, le fonds mis en vente et ne pas être propriétaire de parcelles représentant une superficie supérieure à trois fois la surface minimum d'installation, soit 75 ha ; que la condition d'exercice de la profession agricole par Michel Z... pendant au moins trois ans n'est pas contestée et se trouve d'ailleurs amplement justifiée par les pièces du dossier ; que, concernant la condition d'exploitation personnelle, si la parcelle litigieuse a été mise à disposition du GAEC DES TROIS COURS D'EAU, cette mise à disposition n'a pas entraîné le transfert du bail au profit du GAEC, de sorte que Michel Z... est resté, seul, titulaire du bail ; que le grief tenant à l'irrégularité alléguée de la mise à disposition au profit du GAEC, en l'absence, prétendue, d'avis donné au bailleur, est inopérant, dès lors que cet avis constitue, en tout état de cause, une simple mesure d'information, dont l'omission n'est assortie d'aucune sanction, de sorte qu'aucune conséquence ne peut en être tirée ; que Michel Z... justifie, au surplus, en cause d'appel, par la production des statuts du GAEC DES TROIS COURS D'EAU, qu'il est l'un des deux co-gérants de ce GAEC; que le maire de la commune de PANNES atteste, en outre, que "Michel Z... est bien exploitant agricole -la ferme du Fousseau à PANNES, dénommée GAEC DES TROIS COURS D'EAU" ; qu'il résulte encore du registre parcellaire de l'exploitation de l'intéressé que la parcelle YA 52 est déclarée à la PAC ; que le moyen tiré de l'absence prétendue d'exploitation personnelle de la parcelle YA 52 n'est donc pas fondé et doit être écarté ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;
que l'exploitation de Michel Z... se compose de 36 ha terres en pleine propriété et de 28 ha en nue-propriété ; que la superficie par lui exploitée en propriété est donc inférieure au seuil fixé par l'article L 412-5 précité du code rural (3 fois le SMI, soit 75 ha) ; que Michel Z... remplit ainsi les conditions requises pour pouvoir exercer son droit de préemption ; que 3°) Sur la mise en oeuvre du droit de préemption : c'est en vain que les époux Y... soutiennent que Michel Z... ne serait plus recevable à s'opposer à la vente à leur profit, faute pour lui d'avoir agi en nullité de cette vente dans le délai de six mois de la date à laquelle il en a eu connaissance; que le délai fixé par L. 412-12 alinéa 3 du code rural ne vise, en effet, que les cas de fraude au droit de préemption du preneur, et non les cas où celui-ci, comme en l'espèce, entend faire constater l'exercice régulier de son droit ; que le moyen tiré de la forclusion n'est donc pas fondé ; que la notification adressée par erreur à Jean Z... par le notaire est sans incidence sur l'exercice du droit de préemption de Michel Z... ; qu'une telle notification ne peut avoir d'effet que si elle s'adresse au titulaire du droit de préemption, ce qui n'est pas le cas de Jean Z... ; que, seul, Michel Z..., véritable titulaire du droit de préemption, aurait, en tout état de cause, pu se plaindre de ce que la notification ait été adressée à Jean Z..., les époux Y... n'ayant eux-mêmes aucune qualité à cet égard ; que, Michel Z... a exercé son droit de préemption dans le délai de deux mois imparti par l'article L 412-8 du code rural, puisqu'il a notifié, le 9 mars 2007, tant au notaire qu'aux vendeurs, son intention de se porter acquéreur aux prix et conditions demandés; qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de ce que l'intéressé n'a pas ensuite régularisé la vente par acte authentique dans le délai de deux mois suivant son acceptation de l'offre, la nullité de la déclaration de préemption, édictée par l'article L. 412-8 précité du code rural, n'étant encourue, en pareil cas, que quinze jours après une mise en demeure, par acte d'huissier, restée sans effet et aucune mise en demeure n'ayant, en l'occurrence, été adressée à Michel Z... ; que les époux Y... sont d'autant plus mal fondés à se prévaloir de l'absence de régularisation de la vente entre Michel Z... et les consorts X... que, dès le 23 juin 2007, ils ont eux-mêmes formé opposition à ladite vente entre les mains du notaire et qu'ils ont ensuite saisi le tribunal pour voir ordonner la vente à leur profit ; que Michel Z... a exercé, à bon droit et régulièrement, le droit de préemption, dont il était titulaire, en vertu du bail en cours à son égard, sur la parcelle objet de la vente ; que son acceptation de l'offre de vente formée par les consorts X... rend la vente parfaite entre les parties et prive le bailleur de la possibilité de régulariser la vente précédemment consentie aux époux Y... ; que le jugement sera infirmé et les intimés déboutés de leurs demandes;

Alors, d'une part, que le droit de préemption du preneur d'un bien rural ne peut jouer que dans le respect des conditions de forme prévues aux articles L.412-1 et L.412-13 du Code rural ; que selon l'article L.412-8, le notaire chargé d'instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée, cette communication valant offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que le compromis de vente était passé sous la condition de non-exercice du droit de préemption par le preneur désigné comme étant Jean Z..., que la communication prévue à l'article L.412-8 n'avait été faite qu'à Jean Z... qui n'avait pas manifesté sa volonté d'acquérir ; que dès lors, la vente était parfaite entre les parties et la déclaration d'exercice du droit de préemption par Michel Z... était sans effet ; qu'en décidant le contraire et en déboutant les époux Y... de leurs demandes, la cour d'appel a violé l'article 1589 du Code civil, ensemble l'article L.412-8 du Code rural et de la pêche maritime ;

Alors, d'autre part, que, selon l'article L.412-12, alinéa 3 du Code rural, au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu en application de la présente section, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages-intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que Michel Z... a eu connaissance de la vente au plus tard le 9 mars 2007, lorsqu'il a notifié au notaire et aux venderesses son intention de se porter acquéreur et qu'il n'a pas, dans les six mois suivants, saisi le Tribunal paritaire d'une action en nullité de la vente qui était devenue parfaite entre les parties par suite du non exercice par Jean Z..., preneur désigné à l'acte, de son droit de préemption ; qu'en décidant néanmoins que Michel Z... avait valablement exercé son droit de préemption et que le compromis passé entre les consorts X... et les époux Y... ne pouvait être réitéré sous forme authentique, la cour d'appel a violé l'article 1589 du Code civil, ensemble l'article L.412-12, alinéa 3 du Code rural et de la pêche maritime."


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Christophe Buffet 7478 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte