Le texte de la proposition de loi "visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures non conventionnels" peut être téléchargé ici.
France-Info a bien voulu m'interroger sur ce texte. pour écouter l'interview d'Anne-Laure Barral c'est ici.
Interdire toute exploitation quelle que soit la technique employée
L'article premier de la proposition de loi est ainsi rédigé :
"Article 1er
En application de la Charte de l’environnement de 2004, et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sont interdites sur le territoire national et dans les Zones Economiques Exclusives, par quelque technique que ce soit.
Nul permis exclusif de recherche, nulle concession d’exploration, nulle autorisation de travaux n’est octroyé par l’autorité administrative lorsqu’il ou elle concerne des hydrocarbures non conventionnels."
L'objet de cet article est d'interdire "par quelque technique que ce soit" toute exploration et exploitation d'hydrocarbures non conventionnels. Le sens de cette disposition a le mérite d'être clair. Du strict point de vue juridique, on regrettera que cette disposition ne soit pas rédigée en format "codification", et ce, dans le but d'être insérée au sein du code minier. Par ailleurs, il convient de rappeler que la Charte de l'environnement ne date pas de 2004 mais d'une loi constitutionnelle du 1er mars 2005. Le deuxième paragraphe pourrait également être mieux rédigé. S'il constitue sans aucun doute une conséquence de l'interdiction énoncée au premier paragraphe, il est difficile de savoir si la liste d'autorisations administrative qu'il énonce possède ou non un caractère limitatif ou exhaustif.
La définition des hydrocarbures non conventionnels
L'article 2 de la proposition de loi comporte un exercice de définition de termes jusqu'alors dépourvus d'un sens précis en droit :
"Sont considérés comme non conventionnels :
- les hydrocarbures liquides ou gazeux, qui seraient piégés dans la roche-mère dont la perméabilité est inférieure à 1 millidarcy,
- Les hydrocarbures gazeux qui seraient piégés dans les veines de charbon ou de houille et qui ne sortiraient pas sans l’action humaine,
- Les hydrates de méthane enfouis dans les mers ou sous le pergélisol."
Toute la difficulté tient à ce que les termes de cette définition pourraient eux aussi, en raison notamment de leur technicité, donner lieu à interprétation. Surtout, le code minier, pour l'heure, fait état de "gîtes", c'est à dire, pour simplifier, de produits et substances. Or, les "hydrocarbures non conventionnels" ne peuvent être définis qu'en fonction de la substance concernée mais doivent l'être également en raison de la technique d'extraction utilisée.
Le passé
Cette proposition de loi a une limite : elle ne vaut que pour l'avenir et ne règle pas le problème existant. Plusieurs permis exclusifs de recherches qui peuvent permettre ultérieurement des explorations d'hydrocarbures non conventionnels n'ont pas été abrogés et ce, en raison des limites procédurales de la loi du 13 juillet 2011.
Il est nécessaire que l'Etat opère définitivement un tri dans ces permis et, si la loi du 13 juillet 2011 demeure inchangée, s'oppose aux déclarations déposées pour les forages exploratoires d'hydrocarbures non conventionnels au moyen de la fracturation hydraulique.
Un écho aux propositions de loi de Jean-Marc Ayrault
Cette proposition de loi fait immédiatement penser à celles que Jean-Marc Ayrault, alors qu'il présidait le Groupe socialiste à l'Assemblée nationale, avaient déposé pour interdire tout exploration et exploitation d'hydrocarbures non conventionnels. Devenu Premier ministre, M Ayrault a un peu changé d'avis et ne s'oppose désormais qu'à la technique de la fracturation hydraulique.
Jean-Marc Ayrault avait en effet déposé une première proposition de loi le 30 mars 2011 puis une deuxième le 13 juillet 2011, le même jour que la promulgation de la loi qui porte interdiction de la seule fracturation hydraulique.
La proposition de loi qui sera prochainement déposée est donc un test politique : soit l’actuel Premier ministre confirme sa position d’hier et il ne pourra que soutenir cette proposition de loi, soit il ne la soutient pas et cela sera interprété comme un changement de position de sa part.
La réforme du code minier
Le texte du projet de loi relatif à la réforme du code minier était attendu pour le conseil des ministres du 12 décembre et, en toute hypothèse avant la fin de cette année. Il devient assez peu probable que ce calendrier soit respecté.
Dans ce contexte, la proposition de loi qui vient d'être déposée peut avoir pour objet de "peser" sur la réforme du code minier qui doit être prochainement débattue.