« S’ils touchent au SMIC, je leur éclate la tronche ! »

Publié le 13 décembre 2012 par Mister Gdec

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«… reste ce mystère des mystères : comment des gens sensés peuvent-ils se persuader qu’il est possible de relancer la croissance en diminuant les salaires ? » (Seb Musset)

Autant que vous le sachiez, la rumeur court en ce moment sur internet et les réseaux sociaux que le gouvernement aurait l’intention de s’attaquer au SMIC. Tout part de ce « rapport d’experts » consultable en ligne dans son intégralité ici. Autant vous dire tout de suite qu’ils ne sont experts ni en sociologie, ni en psychologie… comme le révèlera plus bas leur pédigrée.  En effet, leurs conclusions sont sans appel : il ne faut surtout pas augmenter le smic. Pire, ils proposent purement et simplement de créer un smic à géométrie variable en fonction de la zone géographique d’emploi. Les techniciens technocratiques nommeront cela « régionalisation du smic jeunes ». Je suis sans voix. Nos aïeux se sont donc battus jusqu’au sang et aux larmes pour que le fruit de leur lutte risque d’aboutir à une telle régression sociale, assénée par des experts auto-proclamés d’obédience probablement purement libérale, sans quoi ils n’auraient pas pour employeur… l’Etat  (DARES, Trésor, Sciences Po, Banque de France, Universités, OCDE (fonctionnaires internationaux). CQFD.

Au moment où j’écris ces lignes encore embuées de sommeil, des personnalités du monde de la Presse et des blogs se sont emparés de la rumeur. Mauduit pour Médiapart avec un titre (trop ?) fracassant, Juan dans ses chroniques politiques s’en prenant au premier (avec le soupçon en arrière fond de faire la peau à Médiapart pour raison d’affaire Cahuzac),  et Seb dans son « Tout est politique » avec un titre plus mesuré, puisqu’interrogatif. Cesera également le cas du mien.

Introduisons le sujet avec son propre préambule, qui me semble intéressant comme entrée en matière :

« Il va falloir vous le rentrer dans le crâne. Si le second semestre 2012 a été celui du bombardement idéologique sur notre « manque de compétitivité » quasi exclusivement focalisé sur le « coût du travail » et aboutissant à un cadeau fiscal supplémentaire de 20 milliards aux entreprises financé par une augmentation de la TVA, 2013 sera l’année des salaires trop chers. »

J’opte d’emblée pour cette vision orientée du débat. Ce qui m’y conduit procède en partie (seulement celle visible de l’iceberg de  ma conscience du sujet qui se cherche….)  de ce que j’ai constaté pas plus tard qu’hier soir aux infos sur France 2, où l’on a de toute évidence tenté de préparer les esprits. L’exercice proprement manipulatoire des mentalités publiques françaises auquel s’est livré Pujadas hier était véritablement hallucinant, et à mes yeux (seuls les miens ?) scandaleux. Un procédé cousu de fil blanc s’est fait jour (bien qu’en soirée J). On commence par apitoyer le spectateur avec le taux anormalement élevé du chômage des jeunes : 24.2 %, en précisant au passage que c’est l’un des taux les plus élevés dans l’union européenne.  Puis on enchaîne par le fameux rapport d’experts précité, en faisant état d’une proposition de débat national sur « l’assouplissement du salaire minimum », allant jusqu’à la création d’un SMIC jeunes « pour insérer plus facilement ces moins de 25 ans dans le monde du travail ». Et on enchaîne par un reportage dont l’image générique sert d’illustration à ce billet. Levée d’un tabou ? Le dernier tabou qu’on a tenté de faire sauter est de bien triste mémoire… Et donc, si on allait plus loin dans les régressions, c’est cela, le projet économique et social français ?

Je me garderai toutefois de faire comme d’autres le procès du gouvernement, dans la mesure où ne savons pas encore ce qu’il projette de faire de ce rapport. Je comprends cependant l’inquiétude de certains dans la mesure où la rapidité avec laquelle les préconisations du rapport Gallois ont été adoptées laisse un goût amer dans les cœurs… surtout à gauche, vraiment.

Pour en revenir à Juan, et son postulat de départ à propos de la démarche effectivement discutable de Mauduit (rapport = loi, experts = gouvernement), ce que je viens de dire à propos du rapport Gallois peut lui donner une partie de la réponse. Mais comme je n’ai pas accès au reste du texte de Médiapart, payant, j’éviterai de prendre parti. Sinon pour dire entre parenthèses qu’à force de tomber sur Médiapart en permanence, ces Leftblogueurs là vont finir par se discréditer totalement. Surtout que la suite de l’affaire Cahuzac ne leur donne pas franchement raison, ainsi que nous le rappelle de manière magistrale et brillamment argumentée Vogelsong.

Sur le fond du dossier, je me bornerai simplement à terminer ce billet par le fait qu’environ 20 % des salariés échappent déjà à cette règle de salaire minimum de par le fait qu’ils sont employés en contrats aidés, à un certain pourcentage du smic, variable selon l’âge et l’ancienneté. Par ailleurs, bon nombre de nos concitoyens travaillent à temps partiel, une proportion qui évolue d’ailleurs de manière exponentielle. La part du travail à temps partiel dans l’emploi est ainsi estimée par l’OCDE à 37.1 % (A titre d’exemple, elle est de 46 % en Allemagne, 44.9 aux USA) Veut-on aller vers ces modèles là, emprunts d’une telle rpécarité ? Du genre qui oblige à cumuler plusieurs temps partiels pour survivre ? Veut-on augmenter comme aux USA et au Royaume Uni la part des travailleurs pauvres ? Bel idéal !

 Aussi ne me semble-t-il pas franchement judicieux d’augmenter la part de nos concitoyens qui ont un salaire sous le SMIC à temps plein. Une telle part de ressources ne permet pas franchement en effet de faire face à ses dépenses vitales, il est utile de le rappeler à ceux qui seraient un peu trop éloignés de cette réalité là. Ni d’accéder à l’autonomie dont rêvent forcément la plupart de ces jeunes. Et cela même avec un SMIC à temps plein. Lorsqu’on aura résolu un montant de loyer si exorbitant qu’il atteint une proportion du salaire de plus en plus élevée, allant jusqu’à quasiment 50 % des revenus, on en reparlera. Mais pour l’heure… On en est loin. Déjà qu’on n’arrive même pas à proposer un habitat digne à chacun…ni à faire appliquer la loi de réquisition… Mais ceci est un autre débat.

Celui-ci, espérons-le, tournera court. Car si jamais on touche au SMIC, j’en connais un paquet qui auront maille à partir avec les forces de l’ordre très rapidement, et se feront un plaisir de venir, que ce soit de Notre Dame des Landes ou d’ailleurs… Est-ce  vraiment cela que recherche cette « gauche »  là ? Réussir l’exploit de mettre dans la rue plus de gens que Sarkozy lui-même, et sa droite nauséabonde ?

NB. J’ajoute qu’obéir aux injonctions libéralisantes de ce groupe d’experts auto-proclamés en n’augmentant pas significativement le SMIC, contrairement à ce que l’on a constaté en début de mandat, serait un très mauvais signal envoyé aux « masses laborieuses ». Doublé d’une bêtise économique sans nom, comme le rappelle à bon escient Seb Musset (cf. Voir en tête de ce billet). Nous ne disons pas autre chose en effet au Front de Gauche. Et les économistes atterrés non plus.