Magazine Société

François Hollande, un chasseur stealth contre le SMIC

Publié le 13 décembre 2012 par Edgar @edgarpoe

François Mitterrand avait mis trois années pour se renier. En 1981 il nationalisait et en 1984 il revenait enthousiaste d'une visite dans la Silicon Valley.

C'était avant l'accélération du mouvement des sociétés dirait-on. Hollande, injustement qualifié de mou, a mis moins de dix mois pour refaire tout le parcours mitterrandien : parti de "mon ennemi c'est la finance !", il en arrive maintenant à s'attaquer au SMIC.

C'est le titre d'un article de Mediapart du jour : "le SMIC en danger de mort !".

Ce long papier de Laurent Mauduit (payant), fort bien documenté, montre que dans l'entourage de Hollande, nombre d'économistes plaident pour une pulvérisation du SMIC. Le SMIC pourrait être ainsi adapté par âge, ou par région.

Cette orientation est contredite par une publication récente de l'OFCE, qui indique que le niveau du SMIC a peu de lien avec le chômage.

Hollande est donc extrêmement véloce à mettre en place une politique sado-masochiste. Comme dans le domaine européen, ou d'autres, il opère cependant de façon habile, de biais, par petites touches - une sorte de chasseur furtif, le fameux Stealth. La preuve est faite en dix mois que de nombreux sauts de côté finissent par emmener assez loin.

Seule excuse possible de Hollande, en matière de SMIC, il ne fait qu'appliquer des consignes européennes. Comme l'indique le rapport commenté par Laurent Mauduit :

"la Commission européenne a rappelé en avril 2012 que des minima salariaux différenciés selon les groupes de population ou les régions, déjà en vigueur dans plusieurs Etats membres, pouvaient être un moyen efficace de préserver la demande de main d’oeuvre". (quelle blague, au passage !)

La Commission s'est même attribué la possibilité de contrôler les salaires des pays membres :

"En 2012 est entrée en vigueur une nouvelle procédure de surveillance macroéconomique européenne, visant à identifier en amont la formation de déséquilibres macroéconomiques dans les états membres (Macroeconomic Imbalances Procedure). Cette procédure s’appuie sur un tableau de bord de surveillance comprenant dix indicateurs macroéconomiques fondamentaux, dont les coûts salariaux unitaires nominaux qui rapportent le coût horaire du travail nominal à la productivité horaire, pour l’ensemble de l’économie. Cet indicateur est considéré comme équilibré si l’évolution sur les trois dernières années est inférieure à +9 % (pour les pays de la zone euro ; pour les pays de l’UE hors zone euro, le seuil est à +12 %). L’examen du tableau de bord, accompagné d’une analyse économique, peut conduire le cas échéant à deux types de procédures (« préventive » ou « corrective ») selon la gravité des déséquilibres."

Je ne rentre pas dans le détail des arguments proprement économiques. Les experts hollandais négligent cependant un point : l'absence de croissance actuelle est un mécanisme endogène, lié à l'euro. Compenser l'impossibilité de dévaluer la monnaie française par une baisse des salaires, comme ils le plaident en fait, est une spirale suicidaire. Il ne faut donc accorder aucune crédibilité aux "experts économiques" qui ne donnent pas la priorité au problème de l'euro dans l'analyse de la situation actuelle.

A propos du rôle des experts, Paul Krugman a comparé la croissance 2009-2011 de pays européens à la prévision qui en avait été faite par l'OCDE.

111512krugman1-blog480.jpg

Sauf pour l'Allemagne, les "experts" se sont donc spectaculairement trompés sur la croissance des pays européens, en la surestimant. Quand donc des experts, de la même orientation néoclassique la plus plate, rédacteurs du rapport analysé par Médiapart, vous expliquent aujourd'hui que la voie de la guérison passe par la lutte contre le smic, craignez...

Dernier point : techniquement, les experts sollicités par Hollande ont raison si l'on accepte l'idée que l'euro est inéluctable.

Dans un système de changes fixes qui est celui de l'euro, tous les états avec une inflation supérieure à l'économie dominante, l'Allemagne ici, sont condamnés à perdre irréductiblement leur compétitivité (ils ne peuvent plus dévaluer, cf. un billet antérieur). Seule solution : une baisse des salaires.

Avec le risque énorme que l'ensemble de l'économie ne se mette à anticiper la baisse correspondante du pouvoir d'achat, entrant ainsi dans une spirale déflationniste qui va aggraver le problème et non le résoudre (la solution Front de Gauche ou Larrouturou consiste à imaginer que les pays gagnants au système de change fixe, l'Allemagne surtout, vont accepter ad vitam aeternam de compenser les pertes de recettes et de dynamisme des pays à plus forte inflation. C'est absolument illusoire et le prix politique à payer serait une mise sous tutelle humiliante et inacceptable). L'euro est donc une impasse qui conduit nécessairement à des orientations récessives.

*

Si l'euro est un jour pérennisé, il se sera donc construit sur une politique cynique dont Hollande montre chaque jour qu'il est tout à fait à la hauteur : il ne perd pas de vue son but ultime, qui semble bien être l'intégration de la France dans un état européen centralisé. Dans le même temps il agit dans le plus grand silence sur les coûts, les buts, les risques, de cette orientation socialement très coûteuse. Parfaitement à l'unisson de tous les nationalistes européens.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Edgar 4429 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine