On se souvient de John Hillcoat pour La Route et la minéralité de son cinéma. Avec Des Hommes Sans Loi, il aborde une histoire américaine brute, entre western et gangsters, et livre un récit sobre, presque dépouillé, peuplé de personnages nobles et confrontés aux temps et aux méthodes qui se durcissent. Des Hommes Sans Loi trouve son souffle dans ces racines américaines qui font ces grands films, simples, mais nourris des mythes qui ont construit l'Amérique...
Des Hommes Sans Loi est avant tout un film Classique, élaboré sur la trame du Western et sur les valeurs américaines. Une fratrie soudée, dotée de ce que l'on peut appeler une certaine "intégrité", défend son business face au fruit de ce qu'engendrent la modernité et ses ambitions de toujours plus de profit, face à un capitalisme qui se nourrit des petits par des méthodes aussi brutales que radicales. On pense à Open Range par moment, puisque les Bondurant affrontent des valeurs et des comportements aux antipodes de la tradition et du rythme de vie qu'ils ne souhaitent pas abandonner malgré les temps qui changent. Au milieu de la nature Virginienne, la société du bas résiste à la société moderne, et le combat qui s'annonce va presque se faire au nom de valeurs à protéger (portées par les Bondurant) qu'à celui d'intérêts personnel à préserver (l'intérêt personnel étant plutôt une valeur de Chicago...).
Le drame, les rêves, l'ambition, le rêve américain et les valeurs de liberté et de courage flottent sur Des Hommes Sans Loi, qui propose de raconter cette histoire inspirée de vrais contrebandiers, sans heurts ni précipitation. John Hillcoat prend le temps d'exposer les enjeux, l'action et la violence de son film arrivent encore à un rythme "naturel", comme un orage, malgré le "progrès" des mitraillettes Kelly et des automobiles symboles de réussite. Hillcoat imprime à Des Hommes Sans Loi un rythme presque nonchalant où les choses arrivent quand elles doivent arriver, et donne ainsi à sa réalisation une forme classique et sobre tout à fait appréciable. Comme La Route, Des Hommes Sans Loi a quelque chose de minéral, et comme dans La Route, son récit semble vivre au grès du décor qui l'accueille. Bien que jamais Hillcoat n'attire clairement l'attention du spectateur sur ses décors naturels, il les exploite d'une telle manière, les traite comme un véritable personnage du film, et utilise ainsi la nature comme un écrin qui vient amplifier le monde et les valeurs des Bondurant. De manière très étonnante, Des Hommes Sans Loi trouve une seconde force symbolique dans sa forme à l'image, et comme dans le Western, l'espace où vivent les hommes détermine ce qu'ils sont.
A cette réalisation classique, mais des plus efficaces, il faut ajouter son casting. Hardin est impressionnant, quand à Guy Pearce (dont nous sommes grands fans à la rédaction), sa prestation de psychopathe refoulé est absolument effarante ! La qualité, la maîtrise, la force et la sobriété habitent donc le film de John Hillcoat et lui donne ce double visage que nous a donné nombre de "westerns crépusculaires" que nous avons vu cette dernière décennie au cinéma (comme L'Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford, Open Range ou même l'atypique Seraphim Falls)... Habile mélange de classicisme, flirtant de nouveau avec ces héros uniquement faits de valeurs, et faisant pourtant souffler le vent de la modernité (peut être en montrant que les combats passés se livrent encore aujourd'hui... que l'histoire se répète...), Des Hommes Sans Loi est un très beau cinéma, solide, sans effets, à la fois simple et riche. Alors à la rédaction on adore ce cinéma "pur" et diablement efficace, mais il faut pourtant reconnaître que ces Hommes Sans Loi laissent une impression de "trop peu", comme timide et réticent à l'idée d'afficher sa force dramatique et sa puissance de feu... C'est peut être trop subjectif, nous aurions peut être souhaité autre chose que la superbe proposition de John Hillcoat, mais on se dit quand même que Des Hommes Sans aurait dû (et pu) nous laisser "sur le cul", au lieu de cela il joue la carte de la sécurité et de la valeur sûre sans nous secouer autant qu'on l'aurait espéré. Magnifique, mais un petit poil frustrant...
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